FIV

Une étude scientifique suisse révèle que les enfants issus d’une fécondation in vitro ont un risque accru de souffrir d’un dysfonctionnement cardio-vasculaire prématuré. Les résultats sont jugés particulièrement préoccupants par les spécialistes. 

En février dernier était célébré en grande pompe le 30e anniversaire de la naissance du premier bébé-éprouvette français en 1982, quatre ans après la Britannique Louise Brown qui fut le premier être humain à avoir vu le jour après une fécondation in vitro (FIV) [1].

Depuis, ce sont plus de 4 millions d’enfants qui sont ainsi nés à travers le monde représentant entre 2 et 3 % des conceptions, les procédés d’assistance médicale à la procréation ayant littéralement explosé dans les pays développés. On estime par exemple qu’en France un professeur en maternelle a en moyenne sur les bancs de sa classe un à deux enfants conçus artificiellement. 

Pendant ces trois décennies, la compétition internationale a fait rage entre des équipes obsédées par l’amélioration des taux de naissance et la mise au point de nouvelles techniques de procréation artificielle, sans que des recherches méthodiques n’aient formellement prouvé leur innocuité tant chez l’animal que chez l’homme. L’exemple le plus connu est celui de l’ICSI ou injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde qui est un procédé utilisé depuis 1992 en l’absence de tout débat éthique ou législatif et sans qu’aucune disposition n’ait jamais été prise quant à l’évaluation d’un éventuel retentissement pour les enfants qui en sont issus, au point que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’en était ému dans un avis publié en 2002[2]. Que pèse l’intérêt de l’enfant face au désir des parents et aux avancées spectaculaires de l’AMP ?

Résultats inquiétants

On commence toutefois à se préoccuper davantage de la santé des enfants conçus par FIV et  plusieurs équipes ont désormais lancé des études pour surveiller leur devenir. Une méta-analyse investiguant la croissance d’enfants nés après fécondation assistée a ainsi mis en évidence l’année dernière une fréquence légèrement accrue du risque de malformations congénitales[3]. Des données qui ont cependant été jugées rassurantes par les experts.

Il n’en va malheureusement pas de même avec l’étude conduite en Suisse par le professeur Urs Scherrer qui a suivi pendant 4 années des enfants et des adolescents issus de fécondation in vitro en s’intéressant particulièrement au fonctionnement de leur système cardio-vasculaire (recherche menée par l’hôpital universitaire de Berne, le Centre de Procréation médicalement assistée de Lausanne et le Centre Hospitalo-Universitaire Vaudois publiée le 17 avril prochain dans la revue américaine Circulation).

Son équipe a montré que les vaisseaux sanguins de ces enfants souffraient d’une rigidité anormale s’accompagnant d’une pression artérielle trop élevée : « Il y a une augmentation d’environ 30% de la pression artérielle pulmonaire chez ces enfants issus de FIV et en biologie, une différence de 30%, c’est considérable », reconnaît le professeur Scherrer. Pour lui, le principal danger que courent ces enfants est d’être victime d’un infarctus prématuré avant 50 ans, un expert évoquant même un risque comparable à celui d’être atteint par un diabète de type I (insulinodépendant).

Les résultats sont d’autant plus inquiétants qu’ils ont été observés en parallèle chez des souris issues de FIV. Les chercheurs se sont rendu compte que l’ADN des embryons murins in vitro était modifié à certains endroits, expliquant la mauvaise régulation de l’appareil cardiovasculaire à l’âge adulte et une vie raccourcie de 20% par rapport au groupe témoin. Les scientifiques en sont venus à soupçonner une implication des milieux de culture artificiels dans lesquels baignent les embryons avant d’être implantés dans l’utérus. Les produits utilisés pourraient ainsi induire une altération de l’expression des gènes responsables du bon état de marche du système cardiovasculaire.

Interrogés par des journalistes spécialisés qui ont suivi l’équipe du professeur Scherrer pendant ces 4 ans, les praticiens de l’assistance médicale à la procréation se disent « interpellés » par ces résultats. Quant au professeur Scherrer auquel l’un d’entre eux demande si « cette découverte est terrifiante », le médecin répond sans ambages : « pour les enfants en question, oui ».

Menace sur la santé des enfants

La journaliste qui a mené l’enquête pour la télévision suisse se fait l’écho de l’inquiétude des spécialistes et annonce d’ores et déjà la nécessité pour les pouvoirs publics de prendre plusieurs mesures : lancer d’autres enquêtes sur de larges cohortes d’enfants conçus par fécondation in vitro, entreprendre un suivi rigoureux de leur état de santé cardio-vasculaire, communiquer rapidement en direction de  l’ensemble des médecins sur l’existence de ce sur-risque de maladies cardiaques et informer clairement les couples qui font appel à la médecine de reproduction afin qu’ils prennent leur décision en connaissance de cause.

Ces recommandations sont-elles suffisantes ? Si ces résultats venaient à être confirmés, il nous semble que la question d’un moratoire sur les fécondations in vitro se poserait nécessairement sur le plan de la déontologie médicale. Dans quel autre domaine de la médecine tolérerait-on de faire courir à une population un tel risque cardiovasculaire ? Un médicament pris pendant la grossesse et dont on s’apercevrait qu’il entraîne une augmentation de 30% de la pression artérielle pulmonaire d’un enfant ne serait-il pas immédiatement retiré du marché par les autorités sanitaires ?

Ces résultats mettent indirectement en lumière le vice originel de l’assistance médicale à la procréation dont les différentes techniques ont été appliquées chez l’homme sans que des investigations plus poussées aient été conduites chez l’animal. Depuis 3 décennies, les spécialistes de l’AMP ont imposé leurs pratiques à la société au nom du progrès de la science et de la liberté de leurs recherches mais au mépris des plus élémentaires principes d’éthique médicale élaborés par la communauté internationale après les atrocités perpétrées par les médecins nazis pendant la Seconde guerre mondiale. Il convient ici de rappeler que des textes aussi emblématiques que le Code de Nuremberg et la déclaration d’Helsinki dont personne ne conteste l’autorité ont fait du préalable de l’expérimentation animale une obligation morale absolue avant de passer à l’homme. La violation de cette règle universelle tolérée par la plupart des praticiens et des législateurs en matière de fécondation in vitro pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la santé humaine.

Nous contestons enfin la politique du « deux poids deux mesures » qu’avait déjà épinglé le CCNE dans son avis sur l’ICSI : « Le principe de précaution est un principe à géométrie variable : s’il est sans cesse sollicité dans les cas de maladies liées à l’environnement ou de maladies infectieuses, il n’est quasiment jamais évoqué dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation alors même que le destin d’un enfant est en jeu ». La menace qui pèse sur la santé des enfants conçus par fécondation in vitro jette aujourd’hui une lumière crue sur cette analyse.

 

Retrouves tous les articles de bioéthique dans notre dossier :

 

[1] Juliette Demey, « FIV : 30 ans après Amandine », Le Journal du Dimanche, 19 février 2012.

[2] CCNE, « Questions éthiques soulevées par le développement de l’ICSI », Avis n. 75, 12 décembre 2002.

[3] Sandrine Cabut, « Fécondation assistée : les enfants sont en bonne santé », Le Figaro, 14 juin 2011.