L’eugénisme envahit les laboratoires de procréations artificielles. Une technique inédite de surveillance de la croissance des embryons fécondés in vitro permet de déceler avec précision les plus aptes à s’implanter et d’écarter ceux qui ont une qualité médiocre [1].
DEPUIS QUE LES SOCIETES SAVANTES recommandent de ne transférer qu’un seul embryon par cycle de fécondation in vitro pour réduire le taux de grossesses gémellaires, les spécialistes n’ont qu’une idée en tête : « identifier l’embryon ayant les meilleures chances de conduire à la naissance d’un enfant en bonne santé », selon leurs propres termes [2].
Aujourd’hui, les biologistes de la reproduction effectuent un contrôle microscopique journalier des embryons pendant la première semaine de croissance à l’issue de laquelle ils sont classés en quatre catégories selon les standards morphologiques et les grilles de score en vigueur. L’opération présente cependant plusieurs désavantages : stress pour les embryons sortis de leur incubateur une fois par jour, fiabilité dépendante de l’œil humain,… Ces procédures rudimentaires seront-elles bientôt obsolètes ?
Embryons en culture
Une équipe britannique vient de prouver l’efficacité d’une nouvelle technique de vidéo-microscopie récoltant plusieurs milliers de photographie des embryons placés en culture [3]. Réalisant une surveillance presque continue des premiers jours de développement à raison d’une prise de vue toutes les 10 minutes pendant 5 à 7 jours, le procédé qui allie robotique, informatique et imagerie permet d’élire l’embryon qui réunit le plus de critères favorables à une implantation réussie.
Le message est très clair : il s’agit de disposer du maximum de marqueurs pour passer au crible l’ensemble des embryons d’un couple afin d’écarter tous ceux qui seront étiquetés non conformes. Il est à prévoir que les stratégies de recherche déployées par les praticiens des fécondations in vitro et les industriels des biotechnologies investissent massivement le domaine de l’amélioration des moyens de détection des embryons les plus aptes. Comme l’avoue l’un des spécialistes de l’assistance médicale à la procréation, « l’amélioration de l’évaluation de la qualité embryonnaire » est le défi numéro un [4].
Libéraliser la sélection
On peut d’ailleurs suspecter que le projet du gouvernement visant à libéraliser dans les prochaines semaines la recherche sur l’embryon ne réponde pas seulement aux revendications des scientifiques travaillant sur les cellules souches mais cherche également à offrir aux biologistes de la reproduction les moyens de perfectionner leurs techniques en expérimentant directement sur les embryons fabriqués en laboratoire, ce qui leur est aujourd’hui strictement interdit.
À partir de l’instant où l’être humain a été retiré de son habitat naturel pour se retrouver à la merci de la puissance technique, il était inévitable que l’homme s’arroge un droit de regard sur l’« objet produit ».
En triant les embryons pour extraire celui qui sera jugé meilleur que les autres, en disqualifiant les êtres humains qui ne satisfont pas les normes émises par les sociétés savantes, l’assistance médicale à la procréation est en passe de devenir une pratique structurellement eugéniste exposant l’embryon in vitro à un contrôle qualité toujours plus poussé, sans que personne n’y trouve rien à redire.
P.-Ol. A.
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[1] Cyrille Vanlerberghe, « Filmer l’embryon pour améliorer les chances de FIV », Le Figaro, 17 mai 2013.
[2] Pierre Jouannet, Patricia Fauque, Catherine Patrat, « Peut-on réduire le risque de grossesse multiple après fécondation in vitro ? », Bulletin épidémiologique hebdomadaire n. 23-24, 14 juin 2011, p. 278-281.
[3] Alison Campbell, Simon Fishel, Nathalie Bowman, Samantha Duffy, Mark Sedler, Simon Thomton, “Retrospective analysis of outcomes after IVF using an aneuploidy risk model derived from time-lapse imaging without PGS”, Reproductive Biomedicine Online, 13 may 2013.
[4] Ibid.
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On peut effectivement suspecter le gouvernement et les parlementaires de la majorité d'utiliser la recherche sur l'embryon en vue d'améliorer les performances de la PMA. Il suffit de lire à ce propos le compte-rendu de l'examen de la proposition de loi visant à autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires devant la commission des affaires sociales de l'AN. (http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-soc/12-13/c1213046.asp). Sa présidente, Catherine Lemorton, y indique ceci : "M. Alfred Spira nous a indiqué, lorsque nous l’avons auditionné sur son rapport sur les troubles de la fertilité, que « la recherche en reproduction et troubles de la fertilité humaine est assez bien développée en France » mais que « des obstacles n’en demeurent pas moins : tout d’abord le régime actuel d’interdiction des recherches sur l’embryon assortie de dérogations nourrit la suspicion sur ces recherches, en tout cas décourage les équipes au vu des difficultés administratives et réglementaires à surmonter. Trop peu de chercheurs français travaillent sur le sujet. Ce serait pourtant indispensable pour mieux connaître les mécanismes du développement embryonnaire et in fine améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation », ce qui signifie améliorer le taux de réussite des projets parentaux quand ils ont recours à la procréation médicalement assistée".
Voir le commentaire en entierOn ne peut être plus explicite.
AP