Message de Mgr Marc Aillet à propos de la « Manif pour tous » du 26 mai

À trois reprises, je vous ai écrit à propos du dit « mariage pour tous ». Sans doute le Conseil Constitutionnel a-t-il donné le 17 mai un avis favorable et le président de la République s’est-il empressé, dans la foulée, de promulguer la loi Taubira. Je me risque toutefois à vous adresser encore un message pour vous inviter à prendre la mesure de ce qui se passe en France depuis neuf mois et qui me semble sans précédent.

La vague d’opposition au mariage et à l’adoption pour tous n’a cessé de s’amplifier depuis que le cardinal André Vingt-Trois invitait les catholiques de France à prier pour le mariage et la famille, le 15 août dernier.

Il s’agit, à n’en pas douter, d’un mouvement social unique dans la France de ces dernières décennies :

Par son ampleur. Jamais les Français ne s’étaient mobilisés en aussi grand nombre : 1 million le 13 janvier, et selon toute vraisemblance, 1,4 million, le 24 mars à Paris. Sans compter les manifestations régionales et les multiples rassemblements quasi quotidiens, ici ou là.

Par sa diversité. Ce sont des Français de toutes conditions sociales, confessions et sensibilités politiques, qui se sont mobilisés et pour qui la rue a été le creuset d’une fraternité inédite.

Par son caractère intergénérationnel. Toutes les générations se sont retrouvées engagées dans le même combat : grands-parents, parents, enfants… mais aussi de très nombreux jeunes de la génération JMJ et dont l’engagement est particulièrement remarquable. Au fond, ce sont les familles qui sont descendues dans la rue pour défendre la famille, face à des décideurs qui, il faut bien le dire sans les juger pour autant, n’ont plus beaucoup l’expérience de ce qu’est le mariage ou la famille.

Par son contenu. Il ne s’agissait pas de revendiquer des intérêts particuliers mais de défendre le Bien commun de la société, qui est tout autre chose que la somme des biens particuliers qui mettent des individus et des groupes en concurrence et provoquent des divisions – c’est bien ce que la revendication d’une ultra minorité de citoyens a engendré dans la société française ces derniers mois ; ce Bien que tous peuvent rechercher en commun, car il peut seul garantir à tous, sans exception, les droits fondamentaux de la personne humaine, tel que le droit à être reconnu comme un homme ou une femme, ou encore le droit d’un enfant, né d’un homme et d’une femme, à se référer à ses origines et à être élevé par un père et une mère.

Par son caractère non institutionnel. Ce ne sont ni des partis, ni des organisations professionnelles, ni des confessions religieuses qui ont pris l’initiative d’organiser ces manifestations, même si tous sont les bienvenus : élus, militants politiques, religieux, simples citoyens etc.

Jusqu’à ce jour, malgré des manœuvres évidentes, ces manifestations n’ont pu être récupérées par aucun parti politique comme si, sans nier l’engagement honnête de nombreux hommes politiques, les partis, d’ailleurs divisés sur la question, ne parvenaient plus à emporter l’adhésion des citoyens.

Par son caractère pacifique et responsable. Contrairement à ce qu’on a bien voulu dire, le mouvement n’a conduit à aucun débordement de violence : ni vitrine cassée, ni voiture renversée, ni policier hospitalisé. Cette vague d’opposition a même engendré, parmi ses plus beaux fruits, le mouvement des Veilleurs qui se multiplient dans de nombreuses villes de France pour manifester, dans le silence, l’écoute de textes fondamentaux et la non-violence, la profondeur de leur conscience.

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« Je veille, disait naguère le bienheureux Jean Paul II, cela veut dire : je m’efforce d’être un homme de conscience. Je n’étouffe pas cette conscience et je ne la déforme pas ; j’appelle le bien et le mal par leur nom, je ne les confonds pas ; j’accrois le bien en moi et j’essaie de corriger le mal, le surmontant en moi-même. » Là se trouve le prélude véritable à une action politique digne de ce nom.

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♦ Par son respect des personnes. Le mouvement a été porté par une argumentation fondée en raison, qui conteste l’inscription dans la loi du mariage entre personnes de même sexe en vue d’adopter des enfants, mais n’a en aucun cas stigmatisé quiconque. Faut-il rappeler qu’il n’y a discrimination que lorsqu’ on traite différemment des personnes dont la situation est identique : or il y a une différence fondamentale entre un couple de personnes de sexes différents et un couple de personnes de même sexe, car dans un cas il peut engendrer, et dans l’autre pas.

Au fait, n’y a-t-il pas une discrimination plus grande encore à réduire une personne à son orientation sexuelle ? Il n’y a pas des homosexuels, il y a des hommes et des femmes qui peuvent avoir une orientation homosexuelle, qu’ils n’ont pas nécessairement choisie, mais dont l’identité est plus large que leur orientation. Et une personne a toujours droit à être respectée : il me semble que La Manif pour tous » a toujours condamné toute forme de rejet et de violence envers une personne, en raison de son orientation sexuelle.

♦ Par l’importance de la prière qui enveloppe tout ce mouvement. S’il s’agit d’abord d’une démarche citoyenne, apolitique et aconfessionnelle, jamais les catholiques n’auront autant supplié le Seigneur publiquement, ou bien dans le secret des cloîtres et des cœurs, de venir en aide à la France en cette période troublée de son histoire.

Unique aussi et sans précédent par le traitement dont ce mouvement a bénéficié de la part des pouvoirs publics et de la grande presse :

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  • Mensonges sur les chiffres pour tenter de minimiser l’ampleur populaire du mouvement dans l’opinion publique.
  • Silence délibéré de la plupart des grands media, se rendant ainsi complices de l’Etat et des lobbies minoritaires qui ont défendu ce projet.
  • Répression policière disproportionnée, n’hésitant pas à faire usage de la force, voire de la violence, à l’encontre de manifestants désarmés et pacifiques.
  • Mépris du peuple par un gouvernement qui prétend être sur le terrain et à l’écoute de la rue. C’est un peu le monde à l’envers : héritiers directs de ces étudiants qui lançaient des pavés sur les CRS en mai 68, nos ministres ne se déplacent plus sans la présence de CRS en nombre pour se protéger de groupes inoffensifs, qui n’ont pour arme que leur présence tapageuse, leurs banderoles et leur voix.
  • Passage en force de la loi, quand bien même l’opinion publique est en train de basculer : 56% des français interrogés par les Instituts de sondage ne sont pas favorables à la loi Taubira, ce qui la fait reposer sur un socle démocratique bien fragile. Sans aucun doute les réseaux sociaux ont permis à ce vaste mouvement populaire de faire connaître la vérité à de nombreux citoyens privés d’informations objectives.
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Une loi injuste qui en cache d’autres à venir

Je tiens à le dire : la loi Taubira n’est pas juste et la manière dont elle a été imposée aux Français n’est pas juste non plus.

La poursuite du mouvement d’opposition est donc pleinement légitime, non seulement parce qu’il est légitime de demander l’abrogation d’une loi qui est contraire à la conscience, mais encore parce que cette loi en cache d’autres à venir inéluctablement, au nom même du principe de non-discrimination qui fonde toute cette législation en France et en Europe : je veux parler de la reconnaissance de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes et de la Gestation pour autrui (GPA) pour les couples gays.

En outre, il est évident que le mariage pour tous n’est qu’une étape vers la mise en œuvre généralisée de l’idéologie du gender qui est le véritable mobile de ce « changement de civilisation », comme l’attestent les programmes imposés de l’Éducation nationale et qui passeraient du coup presque inaperçus.

Faire entendre sa voix

Comme citoyen, je soutiens la poursuite du mouvement et la manifestation nationale du 26 mai à Paris. Comme évêque, je ne peux, chers diocésains, qu’encourager ceux d’entre vous qui le peuvent et qui le jugent bon en conscience, à participer à cette manifestation, où je compte vous rejoindre. La manifestation reste en effet un moyen valable, dans le cadre d’une démocratie participative, pour faire entendre sa voix.

Dans la mesure où cette manifestation demeure, dans son organisation, apolitique et aconfessionnelle, pacifique et respectueuse des personnes, j’appelle donc à manifester pour :

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  • Demander le retrait ou l’abrogation d’une loi injuste et préjudiciable, non seulement à l’intérêt de l’enfant, mais à la cohésion sociale déjà si fragilisée.
  • Attirer l’attention de nos concitoyens sur la gravité des menaces qui pèsent sur l’avenir de notre société : généralisation de l’idéologie du gender, extension de la PMA et de la GPA aux couples homosexuels, politique familiale en régression.
  • Encourager ceux qui se sont mobilisés durant des mois et dont l’engagement n’a pas faibli, en particulier les jeunes qui sont les cadres de la France de demain.
  • Montrer au gouvernement, qui connaît parfaitement l’ampleur réelle de la mobilisation, que ce mouvement social est irréversible et qu’il peut devenir une force de proposition et d’action politique pour demain.
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La prière demeure l’arme principale de notre combat, comme je l’ai déjà écrit en appelant à prier ensemble le chapelet durant ce mois de Marie. « Le chrétien qui prie ne prétend pas changer les plans de Dieu ni corriger ce que Dieu a prévu. Il cherche plutôt à rencontrer le Père de Jésus-Christ, lui demandant d’être présent en lui et dans son action par le secours de son Esprit » (Benoît XVI). Nous pourrons aussi nous unir à beaucoup d’autres en offrant le vendredi 24 mai une journée de jeûne et de prière.

Avec mes sentiments dévoués dans le Christ et Son Église

+ Marc Aillet
 évêque de Bayonne, Lescar et Oloron
 le 23 mai 2013

 

En savoir plus :
 Diocese-bayonne.org