C’est avec l’autorisation du Général Henri Pinard Legry, Président de l’ASAF, l’Association de soutien à l’armée française, que nous publions sa lettre de février.
La Défense est un sujet dont parlent peu les candidats à la présidentielle au point que l’un d’entre eux, et non des moindres, n’en fait que la dernière de ses 60 propositions. Est-ce une marque de désintérêt ou d’ignorance de ce qui est pourtant le premier devoir d’un chef d’Etat ?
Si d’aventure ce sujet est abordé, c’est généralement pour laisser entendre que le budget des armées participera aux efforts visant à rétablir l’équilibre budgétaire. Ces coupes budgétaires réduiraient dangereusement nos capacités opérationnelles mais elles affaibliraient également une industrie performante et un système de formation remarquable.
Un outil industriel de grande valeur
La France dispose encore d’une industrie d’armement complète et de grande qualité comprenant des entreprises de niveau mondial et une multitude de PME performantes qui ont le grand mérite, en ces temps de délocalisation, d’avoir leurs usines et centres de recherche implantés pratiquement tous sur le territoire national.
Ces entreprises fournissent à la France non seulement des équipements parmi les meilleurs mais elles représentent chaque année 6 milliards € d’exportations soit l’équivalent de 12% du déficit commercial. Cette industrie de défense largement exportatrice rapporte dans les caisses de l’Etat, sous forme d’impôts, taxes et cotisations diverses, sensiblement la somme que celui-ci dépense pour équiper notre armée.
Mais ces exportations ne sont possibles à ce niveau que parce que l’armée française jouit aujourd’hui d’une réputation d’excellence qu’elle doit autant à ses matériels qu’aux hommes et aux femmes qui les servent.
L’industrie d’armement est un secteur où la France est encore très bien placée. Dans la compétition économique actuelle elle doit non seulement le conserver mais le développer tant il est vrai qu’il est très difficile et coûteux de reprendre un créneau à des concurrents.
Ajoutons que ces emplois industriels restent en France et que les technologies sophistiquées développées dans les armements et équipements bénéficient souvent à l’ensemble de l’industrie civile.
A ce point, on pourrait même se demander si la contraction régulière du budget de la Défense depuis plus de 30 ans n’a pas contribué à notre déclin industriel.
Inversement, et pour ne citer que quelques exemples, à qui devons-nous notre position de leader dans les industries nucléaire, aéronautique et spatiale, si ce n’est, pour une part importante, à l’effort militaire fait dans ces domaines dans les années 60 et 70.
Une référence dans le domaine de la formation
Peu de gens savent que l’armée incorpore chaque année 30 000 jeunes Français, en majorité sous contrat à durée déterminée, et en remet autant sur le marché du travail.
Combien savent que l’armée consacre une partie importante de ses ressources à la formation initiale et continue de son personnel dont la carrière dure en moyenne 10 ans.
Ceci est d’autant plus nécessaire que les cadres comme les militaires du rang, aujourd’hui professionnels, peuvent être engagés dans tout type de conflit et doivent donc être capables de mettre en œuvre différents types d’armes et d’équipements souvent complexes.
A la formation initiale qui dure entre 4 ans pour les officiers et 6 mois pour les engagés, s’ajoutent des stages de formation spécialisée et complémentaire, tout au long de la carrière. C’est une véritable formation en alternance.
Cette formation comprend toujours un volet éducation visant à inculquer le respect de la mission, le culte du travail bien fait et les valeurs fondamentales de la vie en société.
C’est donc du personnel formé qui, a son retour à la vie civile, constitue un atout pour les entreprises dans la compétition économique mondiale.
Cet aspect méconnu du rôle éducatif de l’armée est d’autant plus exemplaire qu’il permet une véritable promotion au mérite qui contribue à l’intégration des Français de toutes origines.
Cet ascenseur social, mis à mal dans la société civile, est toujours en vigueur au sein des armées. A cet égard, il faut rappeler que l’éventail des rémunérations va de 1 à 8 entre le jeune engagé sans diplôme et l’officier général chef d’état-major qui est responsable de l’ensemble des armées.
Au moment où les candidats à la présidence de la République dévoilent leurs projets concernant la désindustrialisation, la délocalisation, la formation professionnelle et l’éducation civique, il serait temps que le budget de la Défense ne soit plus perçu comme une variable d’ajustement mais comme un levier très efficace pour aider à relever les défis qui se posent aujourd’hui à notre pays.
ASAF : www.asafrance.fr
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