"Il faut donner aux enseignements public et privé une égalité de moyens pour que le choix s'exerce dans la plus pleine neutralité des consciences", a dit le ministre de l'Éducation nationale sur Radio Notre-Dame.
Voilà un ministre qui prend tous les risques, même celui d'un oxymore des plus osés s'agissant du vide de la neutralité. Et de faire déborder la coupe par cette provocation inouïe : " L'école privée, c'est aussi l'école de la République ! " C'est aussitôt la levée des chiffons rouges des ayatollahs du laïcisme qui hurlent au complot ultra-libéral contre le service public et diagnostiquent une crise de sarkozite en faveur de l'école communautariste.
À croire la Loi Debré nulle et non avenue. Elle était pourtant apparue en son temps comme la paix des braves entre Marianne et le goupillon, avec avantage Marianne. Rappelons-en les principaux articles : respecter totalement la liberté de conscience de l'enfant qui interdit l'orientation vers une foi religieuse donnée (art. 1) ; accueillir tous les enfants sans distinction de croyance (art. 1) ; dispenser un enseignement selon les règles et selon les programmes de l'enseignement public laïque (art. 4) ; accepter le contrôle pédagogique de l'État (art. 5)...
C'est assez dire que l'école catholique a payé au prix fort l'acceptation des critères de l'État laïque par la mise sous le boisseau de sa liberté religieuse. Ne lui était reconnu qu'un ectoplasmique "caractère propre" : il reste malgré tout le facteur discriminant qui justifie le haro permanent des laïcistes sur l'enseignement catholique.
Il est vrai que depuis quelques années, et notamment depuis les grèves de 2003 qui ont donné la mesure de l'irresponsabilité éducative et du mépris des élèves et de leurs familles par un certain nombre d'acteurs syndicaux de l'école publique, l'école catholique apparaît comme l'alternative au gâchis pédagogique. Encadrement éducatif attentif à l'élève, havre de paix, transmission des valeurs morales, proximité des enseignants sont ses qualités, de plus en plus recherchées par les parents. La demande en forte augmentation – plus 20.000 cette année selon Paul Malartre, secrétaire général de l'Enseignement catholique – est contrariée par la gestion des ressources humaines du ministère dans laquelle il faut rappeler le poids des syndicats enseignants. Il est bien naïf alors de s'étonner de la préférence syndicale pour le public face à une école catholique qui lui grignote les "parts de marché" et suspectée de déviationnisme religieux. De là à dénier à cette dernière sa participation au service public, il y a un pas que pourra franchir l'anticlérical aux abois, mais qui ne sera certes pas l'heur des nombreuses familles qui bénéficient de son accueil.
Anti-républicaine, l'école catholique ? Samedi 24 octobre étaient réunis à l'École militaire sous l'égide de Mme Alliot-Marie et de M. de Robien, les militaires réservistes de l'Éducation nationale pour évoquer, à travers la promotion de l'esprit de défense, la formation civique des jeunes générations.
Lieu de rencontre entre public et privé, on constate à quel point les initiatives sont nombreuses dans les établissements privés – création d'options de défense dans des lycées catholiques du Jura, de Castres, de Mazamet ; partenariats avec des régiments ou des bateaux de la Royale ; stages dans l'institution militaire...— qui prouvent la part pleine et entière de l'enseignement catholique dans la transmission des valeurs civiques : à ce titre elle est bien elle aussi l'école de la République. Et s'il faut tenir compte de sa plus grande capacité de mise en place de projets innovants, elle apparaît là aussi comme un moteur pour l'école publique freinée par son antimilitarisme récurrent autant que par une pesanteur administrative devenue proverbiale.
Il est temps pour la forteresse étato-syndicale, peu désireuse malgré sa fièvre obsidionale de se plier aux demandes de la société civile, de prendre acte des changements climatiques du nouveau siècle. Il est des signes qui ne trompent pas. La réflexion menée au sein même de l'Éducation nationale sur la culture religieuse, brillamment illustrée par les travaux de Régis Debray, tarde à prendre forme dans l'enseignement public où le préjugé anticlérical reste prégnant. En revanche, l'enseignement catholique y trouve les raisons d'un ressourcement illustré par les propos de Frédéric Gautier, directeur diocésain de l'enseignement catholique de Paris. Les familles qui choisissent l'enseignement catholique pour des raisons religieuses sont de plus en plus nombreuses (39 % selon une enquête du Crédoc). Quant aux autres familles, dit Frédéric Gautier, "elles ne viennent peut-être pas pour nos racines, mais pour nos fruits. Et si l'on aime les fruits, c'est qu'on aime l'arbre qui les porte, et ses racines qui viennent de l'Evangile".
L'avenir de l'école passe par cette fidélité aux racines. Face à une école publique qui ne transmet plus de valeurs que par défaut, à travers le lit de Procuste du libertarisme, de la tolérance et du politiquement correct, il revient à l'école catholique d'assurer le relais de la transmission des valeurs civiques, morales et spirituelles qui sont celles de la France. Elle doit avoir les moyens de sa mission à proportion de la qualité du service rendu. Elle les obtiendra si elle retrouve le courage d'être elle-même : l'école de la République – du bien commun — pour le temporel et celle de l'Église pour le spirituel.
Et si un ministre, fût-il de droite, prend le risque de la soutenir, peut-être sera-t-on bien avisé de ne pas renouveler l'erreur de 1996, lorsque François Bayrou avait proposé de réformer la loi Falloux. Devant sa mise en examen pour crime de lèse-laïcisme, on veut espérer que Gilles de Robien trouvera quelques avocats dans les rangs des défenseurs de la liberté d'enseignement.
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