GPA : derrière les droits de l’homme, l’exploitation

Les promoteurs de la GPA invoquent les droits des enfants nés par GPA et de leurs “parents commanditaires”, mais ils occultent le plus souvent les circonstances d’une naissance obtenue au mépris des droits les plus fondamentaux de la personne humaine. Quatre affaires pendantes devant la CEDH illustrent le détail des trafics à l’origine de ces naissances.

« LA GPA, c’est altruiste, généreux, honnête et bienveillant : cela permet à des couples tristes de fonder des familles heureuses ; et une fois que les enfants existent, il faut bien les accepter. » Tel est le discours, assorti de photos attendrissantes d’enfants charmants, destiné à imposer la libéralisation de la gestation pour autrui (GPA). Et c’est au nom des « droits de l’homme », caution morale indiscutable, que la GPA doit être acceptée, au nom de l’intérêt supérieur des enfants et du droit au respect de la vie familiale.

Ainsi, après la France – où le Conseil d’État vient de valider la Circulaire Taubira – c’est l’Espagne qui envisage à présent de reconnaître la filiation d’enfants issus d'une GPA à l’étranger, afin de se conformer aux récents jugements de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

La violation du droit des mères biologiques

Autant les promoteurs de la GPA insistent sur les droits fondamentaux des enfants nés par GPA et de leurs « parents commanditaires », autant ils occultent le plus souvent les circonstances d’une naissance obtenue par la violation des droits fondamentaux des mères porteuses et des enfants eux-mêmes.

Quatre affaires actuellement en attente de jugement à la Cour européenne des droits de l’homme permettent, au-delà du discours, d’avoir un aperçu partiel, mais déjà saisissant, des circonstances de la naissance d’enfants nés par GPA en Russie, en Ukraine et en Inde. Dans ces affaires, les adultes commanditaires réclament à la Cour des droits de l’homme de condamner leurs autorités nationales à régulariser la situation administrative de ces enfants. Les faits présentés sont publics, issus des dossiers consultables au greffe de la Cour de Strasbourg. Les prénoms des enfants ont néanmoins été modifiés.

Dans une première affaire contre l’Italie, M. Campanelli était âgé de 44 ans, et Mme Paradiso de 55 ans. Ils se rendirent en Russie pour obtenir un enfant, né en mars 2011, par l’intermédiaire de la société spécialisée Rosjurconsulting, dont l’un des avocats représente aussi le couple devant la CEDH.

L’acte de naissance russe de l’enfant indiquait qu’il était le fils du couple italien. De retour en Italie, la transcription de l’acte de naissance russe dans l’état civil italien fut refusée. Une enquête pour altération d’état civil fut ouverte et un test ADN prouva que l’enfant n’avait aucun lien génétique avec le couple, contrairement à ce qu’ils avaient prétendu. Les juridictions italiennes jugèrent que le couple avait amené un enfant en Italie en violation des normes sur l’adoption internationale. Elles décidèrent – dans l’intérêt de l’enfant – de retirer l’enfant au couple en vue de le confier à l’adoption.

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Dans une autre affaire, Emma et Luca sont nés à Kharkov (Ukraine) le 22 novembre 2010 dans une clinique spécialisée en GPA. Leurs actes d’état civil ukrainien indiquent comme parents M. et Mme Laborie, des Français nés respectivement en 1972 et 1969. Le couple, installé pour l’occasion en Ukraine, réside habituellement à Dubaï. Entre autres indices établissant la GPA, les autorités consulaires françaises ont constaté que Mme Laborie, qui se prétendait mère des enfants, ignorait jusqu’à leur date de naissance.

Dans une troisième affaire, Noémie est née le 31 juillet 2009 à la clinique Hiranandani spé-cialisée en GPA, à Mumbaï, en Inde. Son acte de naissance indique qu’elle a pour mère Minakshi Shirodkar, une Indienne sans profession née en 1980 (ci-dessus), et pour père Didier Foulon, un architecte français né en 1971, vivant aux États-Unis. Le certificat médical de la clinique précise que Noémie est née par césarienne, ce qui est fréquent s’agissant d’enfants nés par GPA.

En effet, les cliniques indiennes imposent souvent une césarienne sans raison médicale trois semaines avant terme, afin que le bébé ne soit pas marqué par la naissance, qu’il ait une tête bien ronde et afin de réduire les frais d’entretien de la mère. Les mères ne reçoivent pas les soins adéquats après la naissance, entraînant un taux élevé de mortalité maternel.

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Un mois après la naissance, par un document écrit, Didier Foulon a déclaré « sur l’honneur prendre en charge les coûts financiers de la grossesse, des frais d’hôpitaux, du logement… De plus, avoir remis la somme de 100.000 roupies pour le meilleur confort de la mère et d’une bonne alimentation et qu’elle puisse engager des frais durant [son] absence » (ci-contre). 100.000 roupies (environ 1300 €) correspondent à trois ans de salaire d’une ouvrière. De même, quelques jours après la naissance, il a versé 60.000 roupies à la clinique.

Par un acte notarié, Mme Shirodkar a ensuite renoncé à sa fille autorisant M. Foulon à « emmener ma fille en France ». Interrogée par les services consulaires français, Minakshi Shirodkar a indiqué qu’elle ne savait ni l’âge, ni l’adresse de M. Foulon, ni même s’il était marié ou célibataire, et qu’elle n’avait pas le projet de garder des contacts avec lui. L’adresse des parents indiquée sur l’acte de naissance était celle de la clinique. De retour aux États-Unis, M. Foulon fit un test ADN pour vérifier sa paternité.

Enfin, dans la quatrième affaire, Alexandre et Maxence sont nés le 26 avril 2010 dans la même clinique que Noémie, à Mumbaï. Leurs actes de naissance indiquent qu’ils ont pour mère Pushpa Kharat, une indienne sans profession née en 1982, et pour père Philippe Bouvet, un français, âgé alors de 45 ans. Les faits sont ainsi identiques à l’affaire Foulon, à la différence que M. Bouvet était pacsé avec un homme ayant déjà employé la filière indienne pour obtenir des jumeaux.

Achat d’enfants

MM. Foulon et Bouvet sont probablement les pères des enfants, et tout indique que Minakshi Shirodkar et Pushpa Kharat en sont aussi les mères génétiques, et pas seulement les mères porteuses. La clinique Hiranandani précise sur son site Internet qu’elle pratique la GPA par insémination artificielle de sperme dans la mère porteuse et par implantation d’embryon après fécondation in vitro.

Dans le premier cas, beaucoup moins onéreux, la mère « porteuse » est la véritable mère génétique de l’enfant, c’est vraiment son propre enfant qu’elle vend pour vivre. Les termes des renonciations des mères indiquent d’ailleurs qu’elles considèrent les enfants comme les leurs. Dans l’affaire Foulon, la Cour d’appel a d’ailleurs noté que « il ne s'agit pas seulement en l'espèce d'un contrat de mère porteuse prohibé par la loi française, mais encore d'un achat d'enfant, évidemment contraire à l'ordre public ».

Dans les affaires de GPA, un fait est souvent passé inaperçu : l’âge des « mères commanditaires ». Mme Paradiso était âgée de 55 ans et son époux de 44 ans. M. et Mme Laborie nés en 1972 et 1969, devaient avoir à l’époque de la naissance respectivement 38 ans et 41 ans. Dans trois affaires précédentes, Mme Mennesson était âgée de 45 ans et son mari de 35. M. et Mme Labassée étaient alors âgés de 50 et 49 ans respectivement, enfin, M. D. et Mme R., étaient âgés de 53 et 45 ans.

Telle est la réalité de la GPA, dont on demande la libéralisation au nom des droits de l’homme, et qui, aux dires de certains, serait un progrès pour l’humanité.

Pire que la prostitution

Comment expliquer cette acceptation de la vente internationale d’enfants et de l’exploitation de femmes, pourtant interdites en droit français et en droit international ? Est-ce la force d’un libéralisme mondialisé qui transforme toute chose et personne en marchandise soumise à la loi de l’offre et de la demande ? En ce sens, cela fait déjà plusieurs décennies que des Européens vont satisfaire leurs désirs sexuels auprès de « filles de l’Est » ou d’Asiatiques, mais la « procréation tarifée » de la GPA est pire encore que la prostitution, car elle retire à la mère son enfant, et à l’enfant sa mère.

À la lecture de ces affaires, on regrette l’époque où les socialistes se prétendaient engagés dans la lutte des classes, des pauvres contre les riches, et contre l’exploitation de la femme par l’homme, car il n’y a pas plus prolétaire qu’une mère porteuse. Aujourd’hui, le gouvernement socialiste lutte plutôt contre les opposants à la GPA et en facilite la libéralisation. Si « l’élite socialiste » a abandonné la lutte des classes en la matière, c’est parce que, devenue embourgeoisée et vieillissante, sensible aux revendications « homoparentales », elle appartient davantage à la classe des exploiteurs qu’à celle des exploités. Aujourd’hui, elle proclame le droit à l’enfant, « si je veux et quand je veux », comme un bien de consommation : c’est le « droit fondamental à l’avortement » pour les masses, et la GPA pour ses semblables.

Et la justice ? L’interdiction internationale de la vente d’enfant semble être tombée en désuétude. Des avocats spécialisés ne défendent plus l’orphelin, mais en assurent la vente « papiers en mains » et le service après-vente, comme la société Rosjurconsulting. Me Caroline Mécary, qui représente les adultes commanditaires dans les trois affaires françaises, réclame devant la Cour près de 54.000 euros d’honoraires pour elle et 60.000 euros de préjudice moral pour ses clients, de quoi s’offrir plusieurs enfants…

 

Grégor Puppinck est directeur de l’European Center for Law and Justice (Strasbourg).

 

 

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