Paris, le 24 juin 2005 - Monsieur le ministre,

les propos de vos services, ou de vous même, dont nous prenons connaissance dans les médias - et qui sont censés rassurer les candidats de l'épreuve scientifique anticipée du Bac L - sont inacceptables.

Non, l'épreuve où il était demandé de dégager des arguments en faveur de l'avortement ne permettait pas, comme le prévoit la réglementation, d'apprécier ni la culture scientifique des candidats ni leur compréhension des enjeux de société.

Cette question sur l'avortement aurait pu être traitée de façon scientifique, si elle avait été formulée sous un angle purement technique, ce qui n'a pas été l'option retenue dans le sujet. La question de l'avortement étant formulée comme une question de société ("dégager des arguments en faveur de"...), elle aurait pu être proposée dans un cadre neutre et ouvert, laissant place à la critique et à l'implication personnelle du candidat. Ainsi le sont normalement toutes les questions de société dans une démocratie. Ainsi l'exigent les règles mêmes de l'Éducation nationale.

Ensuite, l'article du quotidien Le Monde, fournissant la réponse à la question, n'était pas davantage scientifique. Comment faire réfléchir intelligemment des élèves à partir de dogmes qui affirment que l'avortement n'est pas une naissance en moins (sic) ou qu'il n'a pas eu d'impact sur la démographie (plus de 6,5 millions d'avortements en trente ans...) ?

La faute commise par les rédacteurs du sujet a été de faire comme si les arguments subjectifs et unilatéraux en faveur de l'avortement légal en France étaient des vérités scientifiques et d'obliger les candidats à faire semblant de le croire pour avoir une bonne note.

En procédant ainsi, l'éducation nationale, loin de faire son devoir d'éduquer au choix, à l'inverse, dispense un enseignement des choix. L'Education nationale est donc clairement sortie de la neutralité laïque en matière scolaire.

De plus, lorsque à bout d'arguments, vous rappelez que l'IVG est légale, lorsque vos services écrivent que " la loi démocratiquement votée s'impose à tous ", cela signifie que vous formez à l'école de la République une population d'élèves qui ne fait plus la différence entre le droit et la morale et qui a le devoir d'obéir aveuglément sans donner son avis.

Si les citoyens n'ont plus que le droit comme seule référence, parce qu'on a étouffé chez eux la conscience morale, alors c'est l'Etat qui est la source du bien et du mal. Et l'Etat devient idéologiquement totalitaire.

Enfin, il est proprement consternant de lire certains propos de votre entourage affirmant que "les élèves pouvaient expliquer, par exemple, que l‘IVG pouvait être une solution à certains problèmes médicaux". Nous mettons publiquement votre entourage au défi de trouver un seul cas où l'IVG peut être une solution à des problèmes médicaux. Et nous rappelons à votre entourage qu'il a sans doute voulu parler de l'interruption médicale de grossesse (IMG), ce qui était hors sujet, et non pas de l'IVG...

Tout ceci en dit long sur le degré de compréhension et de responsabilité de ceux qui ont rédigé ou validé ce sujet.

Des milliers de candidats sont revenus à la maison en disant à leurs parents : "Heureusement, j'ai su ne pas laisser transparaître mes idées." Est-ce vraiment dans cet état d'esprit que vous voulez former les lycéens pour la société de demain ?

Au nom de ces candidats et de leurs professeurs (dont certains ne sont pas défavorables à l'IVG) qui nous contactent tous les jours plus nombreux, nous vous demandons de nous accorder un rendez-vous et de bien vouloir répondre enfin directement à nos deux questions simples :

- comment l'Éducation nationale a-t-elle pu se tromper de sujet ?

- comment ne pas discriminer les candidats dans la correction ?

Certains que vous aurez à cœur de ne pas suivre votre conseiller dont la presse a rapporté malencontreusement qu'il "balayait" nos arguments "d'un revers de main", nous vous prions d'accepter, Monsieur le ministre, l'expression de notre haute considération.

Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme-Lejeune

Francis Jubert, président de l'association pour la Fondation de service politique

> Référence : Notre première lettre du 17 juin 2005.

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