Après des mois de discussion et d'hésitation, la Commission propose d'encadrer " strictement " le financement communautaire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Rappelons les faits : en avril 2002, les députés européens adoptent le VIe Programme Cadre Recherche et Développement (2002-2006) pour un montant de 17 milliards d'euros.

Les députés se prononcent en majorité pour le financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires (partie biotechnologies et sciences du vivant : 2 millions d'euros).

Mais malgré ce vote, et en raison de la réticence de certains États qui, interdisant ce type de recherche, refusent d'y participer par leur contribution au budget communautaire, le Conseil européen acceptait le gel du financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires jusqu'au 31 décembre 2003. Le compromis proposé par la présidence danoise (30 septembre 2002) était rédigé dans les termes suivants :

" Le Conseil et la Commission ont convenu que les dispositions d'application précises concernant les activités de recherche comportant l'utilisation d'embryons humains et de cellules souches embryonnaires humaines qui peuvent être financées au titre du sixième programme cadre seront définies d'ici le 31 décembre 2003.

" La Commission déclare que, dans l'intervalle et en attendant la définition des dispositions d'application précises, elle ne proposera pas de financer ces activités de recherche, à l'exception de l'étude de cellules souches embryonnaires humaines mises en réserve dans des banques ou isolées en culture.

" La Commission suivra les progrès et les besoins de la science... en tenant compte des avis du Groupe européen d'éthique et du groupe européen des conseillers pour l'éthique de la biotechnologie ". (Document du Conseil de l'Union européenne, 12374/02 ADD1.)

Après la proposition que vient de rendre publique la Commission, le Conseil européen prendra la décision finale après avis du Parlement européen.

Déjà plusieurs remarques s'imposent :

1/ La confusion des mots. Dans la communication de la Commission on lit que " les lignes directrices [de sa proposition] sont fondées sur un certain nombre de principes éthiques fondamentaux, notamment le principe de la dignité humaine et la liberté de la recherche".

En devant tout à fait relative, la référence "éthique" devient une "norme" acceptable par la société, au mépris du principe de la dignité et de la vérité de l'homme.

Car le cadre éthique qui associe la dignité humaine et la liberté de la science ne serait-ce pas plutôt d'exclure la recherche destructrice des embryons, jusqu'alors toujours considérés comme des êtres humains dans nos débats parlementaires, et de réserver le financement européen à la recherche sur les cellules souches adultes qui respecte le principe de la dignité humaine et la liberté de la science ?

Oser parler de "règles éthiques rigoureuses" comme le commissaire Busquin est inadmissible.

2/ L'énumération des règles strictes ne suffit pas à rendre acceptable la proposition de la Commission. Celle-ci s'abrite derrière des " limites " qui jusqu'à preuve du contraire n'enlèvent pas à l'embryon son humanité, sinon en le chosifiant :

- l'absence de méthode alternative (comme l'utilisation de cellules souches adultes),

- l'absence de projet parental et le consentement libre et informé des donneurs,

- l'approbation de ce type de recherches par l'autorité nationale concernée (il n'est pas question de financer des recherches sur des cellules embryonnaires dans des pays qui s'y opposent a rappelé le Commissaire),

- l'absence de gain financier pour le donneur,

- des règles garantissant l'anonymat du donneur et la transparence.

3/ L'utilisation des embryons conçus avant le 27 juin 2002, date d'adoption du VIe Programme Cadre pour éviter de créer des embryons à des fins de recherche n'est qu'un faux argument. Certains embryons seraient "utilisables" en fonction de leur date de conception. Il sera difficile de contrôler.

4/ Le don des "parents" : l'embryon est donc un enfant. C'est une raison suffisante pour le respecter quel que soit son état de développement.

5/ Difficile transgression. Contrairement à ce qu'affirme le texte (p. 2), c'est la première fois que l'Union européenne propose de financer la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

6/ Abus de pouvoir. Enfin, bien que la Commission s'interdise de définir des principes éthiques, de la compétence des États membres, "la proposition des orientations éthiques" contredit cette position. En outre, certains États qui interdisent sur leur territoire ce type de recherche, y participeront cependant dans les pays où elle est autorisée, par leur contribution au budget communautaire.

En conclusion, la proposition d'un "cadre éthique" n'est qu'une clause de style pour justifier le financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, contraire au principe de dignité humaine que ce cadre éthique prétend respecter.

Une fois de plus, l'abus de langage, les contradictions, les références à la dignité humaine n'ont d'autre but que de servir la compétition dans un domaine où l'Europe aurait pris du " retard ". La dignité humaine, le respect de la vie de tout être humain fut-il embryonnaire n'est ni affaire de compétition ni affaire de finances.

L'Europe en voie de réunification, qui s'apprête à adopter un nouveau Traité fondateur, devrait rappeler à cette occasion le premier des droits de l'homme, le droit à la vie, reconnu et partagé par tous. Les États s'en souviendront-ils au moment de prendre la décision finale ?

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