L'évolution, ou plutôt la régression de la réglementation des activités de scoutisme, mobilisent toujours notre action. Les associations affiliées à la Fédération du Scoutisme français semblent dans leurs discours publics s'accommoder de ces nouveaux impératifs administratifs : " La réglementation en cours d'aboutissement nous convient, explique aujourd'hui le président de la Fédération du Scoutisme Français, Dominique Girard... " (Le Monde, 22 février 2003) ; et, toujours à propos de la nouvelle réglementation, " un bon compromis a été trouvé avec le ministère [.

..] ", commente Étienne Pere, commissaire général-adjoint des Scouts de France. " Il permet d'améliorer la sécurité des mineurs qui nous sont confiés tout en préservant la spécificité de notre pédagogie "... et d'ajouter : " Les enfants pourront quand même préparer eux-mêmes leurs repas " (La Vie, 27 février 2003).

L'aventure peut donc continuer, les mamans ne viendront pas au camp faire la cuisine, pendant que les papas ne monteront pas les tentes.

Pourtant, le même responsable national, dans Le Figaro du 17 février 2003 explique, toujours à propos de la nouvelle réglementation : " Cela crée des conditions impossibles pour les camps ", regrette-t-on chez les Scouts de France, où l'on se refuse toutefois à rejeter en bloc la nouvelle réglementation : " Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, commente Étienne Père, [...] les nouvelles dispositions mettent aussi en exergue la notion de responsabilité. Nous qui fondons notre projet éducatif sur cette notion de responsabilité, nous ne pouvons que nous en réjouir. "

Est-ce de la part des échelons nationaux de ces associations une approbation de convenance — il faut bien payer un certain prix le privilège d'être admis par certaines institutions comme le seul représentant du scoutisme — ou est-ce parce que les règlements qui conduisent à terme à un scoutisme dénaturé convient à ces mêmes échelons nationaux — il y a bien du café décaféiné, pourquoi pas du scoutisme " déscoutisé " !

Ces analyses sur les éventuelles stratégies des nationaux ne veulent en rien juger du travail fait sur le terrain par les jeunes bénévoles de toutes les associations de scoutisme, qui donnent le meilleur d'eux-mêmes pour pratiquer le scoutisme de leur choix. Nous les respectons et pensons que chacun a sa place, avec son style et sa spécificité, dans le respect réciproque. L'arbre doit être jugé à ses fruits, et il n'y a pas que chez les Guides et Scouts d'Europe qu'il y a de beaux fruits.

Ce qui nous importe, c'est que nous restons pour notre part très inquiets de l'orientation de ces textes ; nous le disons, l'écrivons, et le répétons encore : cette nouvelle réglementation est " scouticide " à terme et il faut, sinon la changer, du moins la modifier de façon significative.

Heureuse liberté que la nôtre, celle de pouvoir dire : " Non ! Nous ne sommes pas d'accord ! "

Trop d'imprécisions, d'incohérences et de mesures injustifiées émaillent les textes dans leur rédaction. Au moment où le ministre de la Jeunesse souhaite promouvoir l'engagement des jeunes, pourquoi limite-t-il les possibilités des jeunes de prendre des responsabilités dans le scoutisme, par exemple en obligeant d'avoir désormais 21 ans pour diriger un camp alors qu'un jeune pouvait le faire dès 19 ans ?

Et pourtant... " Les éclaireurs sont une grande force d'éducation dans ce pays ; il faut que tous ceux qui, comme moi, ont une responsabilité dans ce domaine, s'appuient sur eux. Les Éclaireurs (le scoutisme) font pour les garçons (et les filles) ce que l'instruction officielle ne peut pas faire : ils prennent l'enfant quand il est encore à l'école et l'accompagnent au delà de l'âge scolaire jusqu'au début de sa vie d'adulte. L'extraordinaire succès du mouvement des Éclaireurs est dû à ce fait que, pendant que tout le monde déclare que l'éducation doit développer les attributs naturels des jeunes, le scoutisme, précisément, assure ce développement " (Lord Eustace Percy, président du Board of Education, cité par Baden Powell dans Éclaireurs).

Marie-Noëlle Coevoët est commissaire générale guide, Pierre Longchampt, commissaire général scout, Bertrand Bouchend'homme, président de la Fédération des Guides et Scouts d'Europe.

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