[Source: Le Figaro]
Entre le lancement du mouvement En marche ! d'Emmanuel Macron et la primaire de la droite, la vie politique française semble glisser toujours plus loin dans l'absurde, sans aucun lien avec les attentes des Français, juge Maxime Tandonnet.
La vie politique française semble glisser toujours plus loin dans l'absurde et le trivial, sans que rien ne paraisse en mesure d'interrompre sa dégringolade. Les primaires «de la droite et du centre» défrayent la chronique, avec une prolifération interminable de candidats sortis de nulle part et qui donnent le sentiment de se croire le plus sérieusement du monde désignés par la providence. Mais l'emballement médiatique de ces derniers jours est venu de l'autre camp. M. Macron vient en effet de créer son mouvement, «En marche», destiné à transcender le clivage droite/gauche. M. Gattaz, patron du Medef trouve cette idée «rafraîchissante» et Madame Kosciusko-Morizet, «intéressante». M. Raffarin voit en lui un possible futur Premier ministre. Mais du côté des «amis» de M. Macron au Gouvernement, le son de cloche est différent. M. Valls juge l'intention «absurde». M. Ayrault estime que l'opposition droite/gauche est «indépassable». Mme Myriam El Khomri pense de même. Un sociologue de l'université de Lille II estime que «la France est très attachée au clivage droite/gauche»... Il suffit en effet de lire le sondage CEVIPOF, selon lequel 73% d'entre eux jugent que le clivage droite/gauche «ne veut plus rien dire», pour constater à quel points ils y sont attachés et à quel point cette question figure au centre de leurs préoccupations...
D'ailleurs, quand un gouvernement supposé «de gauche» se mobilise pendant quatre mois pour promouvoir la déchéance de nationalité puis axe son programme sur la libéralisation du contrat de travail, il n'est pas illégitime de s'interroger sur le dépassement d'un vieux clivage qui remonte à la Révolution et qui a mille fois montré son caractère relatif. La vérité saute aux yeux: quand il ne reste de la notion de gauche que la «posture», renoncer à cet ultime mirage reviendrait à admettre une fois pour toutes le néant absolu d'une forme de l'engagement politique. D'où le vent de panique que suscite l'initiative de M. Macron.
Tandis que la classe dirigeante française se contorsionne pour savoir si le clivage droite/gauche a encore un sens, le monde s'embrase et la France continue à s'enfoncer dans le marasme. L'augmentation du nombre de chômeurs a battu tous les records le mois dernier. La croissance reste en berne et le déficit du commerce extérieur explose. Le drame du Calaisis ne cesse d'empirer. Le chaos se répand dans la société française, entre lycées bloqués et succès de la Nuit debout. Le communautarisme et la violence progressent dans les banlieues. Le terrorisme menace de frapper de nouveau le pays. La guerre fait rage au Moyen-Orient. Les scandales financiers (»Panama papers») ébranlent le monde occidental. La Turquie de M. Erdogan se livre à un chantage abject à l'immigration, envers une Europe en pleine détresse, dépassée par les événements et privée de tout leadership. Les gesticulations et la logorrhée ne traduisent rien d'autre qu'une fuite de la classe dirigeante devant la tragédie du monde réel, un peu comme l'orchestre du Titanic qui continue à jouer tandis que le paquebot fait naufrage.
Plus qu'aucun autre pays, la France a atteint le degré zéro de la politique. On ne peut même plus parler de «politique-spectacle», tout spectacle digne de ce nom nécessitant un minimum de coordination des acteurs et de mise en scène.
Plus qu'aucun autre pays, la France a atteint le degré zéro de la politique. On ne peut même plus parler de «politique-spectacle», tout spectacle digne de ce nom nécessitant un minimum de coordination des acteurs et de mise en scène. La politique en tant que «gouvernement de la cité» est totalement désintégrée. La notion d'engagement collectif au service d'une cause ou du bien commun est comme atomisée. La vision que donne la vie politique est celle d'individus éparpillés, sans but, sans conviction, sans projet, en concurrence les uns avec les autres, ivres de vanité et de carriérisme, obsédés par la courses aux privilèges et au Saint Graal élyséen. Dès lors, de l'extrême gauche à l'extrême droite, l'unique obsession est de faire parler de soi en forçant l'attention des médias par par tous les moyens possibles: petites phrases transgressives, provocation, polémique stérile, initiative rocambolesque. Gouverner ne signifie plus rien et la politique se présente comme un jeu de communication, de chimères et de manipulations, destinées à occuper les esprits jusqu'à la prochaine élection. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que 37% des Français éprouvent de la méfiance et 31% du dégoût envers la politique (CEVIPOF 2016). Il est facile de dénigrer, en le traitant de «populiste» un malaise profond qui n'a d'autre ressort que le bon sens et la lucidité malheureuse de la majorité silencieuse.
Maxime TANDONNET
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