Certains chrétiens imaginent qu’il y aurait à choisir entre la patrie terrestre et la patrie céleste

Source [Le Salon Beige] : Laurent Dandrieu a été interrogé dans le nouveau numéro de l’Appel de Chartres, à propos de son ouvrage sur Rome ou Babel. Extrait :

Laurent Dandrieu, vous avez publié récemment Rome ou Babel, pour un christianisme universaliste et enraciné. A l’heure actuelle, ces deux mots semblent presque contradictoires, comment concilie-t-on l’universalisme et l’enracinement ?

Dans son Traité du libre arbitre, Bossuet écrit que le génie du christianisme consiste à tenir ensemble deux vérités qui semblent antagonistes, mais qu’il faut bien pourtant concilier puisqu’elles sont l’une et l’autre des vérités, comme les deux bouts d’une même chaîne, reliés par des maillons que nous ne savons plus voir. Le faux antagonisme entre universalisme et enracinement me semble un cas d’école particulièrement net de cette métaphore. Comme le disait la philosophe Simone Weil, l’enracinement est « un besoin vital de l’âme » : c’est de nos communautés naturelles que nous recevons la quasi-totalité de nos ressources intellectuelles, morales, spirituelles, et cette culture qui nous humanise. Ce sont elles qui nous permettent de mener une vie vraiment humaine, d’être incarné et doté d’une culture qui nous donne notre particularité. Sans enracinement, il n’y a pas de culture, donc pas de civilisation possible. C’est pour cela que le mondialisme est un antihumanisme, une anti-civilisation, le chemin le plus sûr vers la barbarie. L’universalisme chrétien, c’est le contraire du mondialisme. Ce n’est pas une construction socio-politique qui se bâtit sur le saccage des diversités humaines, c’est la conscience que cette diversité des cultures humaines est transcendée par une destinée spirituelle commune, née de notre commune dignité d’enfants de Dieu. Non seulement cet universalisme respecte la diversité  des cultures humaines, mais il en a besoin : c’est par le truchement de sa culture particulière que chacun d’entre nous peut parvenir à l’universalité de la grâce. C’est, disait Jean-Paul II, la leçon de l’incarnation de Jésus dans le peuple d’Israël : le mystère de l’Incarnation passe aussi par l’incarnation de l’Évangile dans les cultures particulières.

Votre titre : Rome ou Babel est-il une interrogation  face à un état de fait ou renvoie-il aux deux possibilités d’un choix qu’il faudrait poser ? Si oui dans quels termes se poserait ce choix pour les chrétiens ?

Certains chrétiens imaginent qu’il y aurait à choisir entre la patrie terrestre et la patrie céleste, qu’on ne pourrait être fidèle à la seconde sans sacrifier la première. C’est en réalité un faux choix : être chrétien, c’est d’abord être membre d’une Église locale, pour nous l’Église de France, qui n’a pas la même identité ni la même tonalité que l’allemande, l’italienne ou la bolivienne. C’est aussi se mettre fidèlement au service de sa patrie, comme nous le commande le Catéchisme de l’Église catholique : « L’amour et le service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance et du service de la charité. » Les chrétiens doivent s’extraire de ce faux choix pour tenir ensemble les deux bouts de la chaîne. Choisir Rome, c’est tourner le dos à la tentation de Babel, c’est-à-dire au mondialisme, qui est le contraire de l’incarnation. Malheureusement, l’Église elle-même cède parfois à cette tentation de Babel et confond son universalisme avec un mondialisme ou un  “sans-frontiérisme”. Or il nous appartient de ne pas caricaturer l’unité spirituelle dont le christianisme est porteur avec une uniformité négatrice des diversités. […]

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