Le ministre de l’Intérieur, transfuge des Républicains, se veut plus royaliste que le roi. En interdisant un colloque et un défilé de l’Action française en plus d’autres manifestations politiques, il montre sa détermination à jouer la fermeté pour des raisons électorales tout en sabordant les libertés.
La peur d’un ministre ?
Gérald Darmanin a de l’ambition. À 40 ans, il a déjà été ministre plusieurs fois, mais aussi député et maire d’une ville moyenne, à Tourcoing, dans le Nord. Militant au RPR lorsqu’il avait 16 ans, il a aussi écrit des articles dans le journal royaliste Politique Magazine et travaillé pour Christian Vanneste. Des débuts qui ne préfiguraient pas un ralliement macronien mais l’ambition à ses raisons que la cuisine politique exige. Aujourd’hui, il joue les gros bras du président, interdisant des cortèges traditionnels en l’honneur de Jeanne d’Arc. En tentant d’interdire la marche en question et un colloque de l’Action française, le ministre réagissait à une autre actualité : celle du Comité du 9 Mai. Une marche annuelle en hommage à un militant nationaliste mort en marge d’une manifestation il y a 29 ans. Une marche qui existe donc depuis trois décennies et qui a toujours ou presque été autorisée et surtout qui ne peut pas objectivement être interdite. Ce défilé d’hommage a eu lieu le 7 mai, aucun débordement n’a été constaté ni contre des biens ni contre des personnes. Tout l’inverse des manifestations gauchistes.
Jouant sur les peurs agitées par l’extrême-gauche antifasciste et une majorité de la presse, le ministre a fait dans le registre d’un de ses modèles : Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire surréagir à un évènement anecdotique ou d’importance minime.
Un petit bonhomme ambitieux
En interdisant les manifestations de la semaine suivante, le ministre savait qu’il risquait d’être désavoué par le tribunal administratif et cela a été le cas. Peu importe pour Gérald Darmanin : il a fait le travail ! Particulièrement agité depuis le début du second quinquennat Macron, le ministre s’imagine même en présidentiable. Un destin élyséen qui apparait comme très improbable ; honni par la gauche car disant de Marine Le Pen qu’elle est « molle » et jouant au roquet sécuritaire, il n’est guère apprécié à droite où il a le statut d’arriviste. Enfin, les qualités du personnage sont très en-deçà de ce qui se fait en matière de président en France. Poste d’ordinaire réservé à des énarques, des hommes d’appareil et fins stratèges, la première place semble très loin du ministre. Nicolas Sarkozy avait su compenser un CV moyen et un niveau culturel assez pauvre par une image d’homme dynamique et surtout par son charisme et sa capacité de galvaniser son auditoire.
De toutes les qualités des présidents français de la Vème république, le ministre de l’Intérieur n’en a semble-t-il aucune. Il est ambitieux ce qui l’a mené là où il est et c’est déjà beaucoup. C’est probablement le plafond de verre pour lui.
Le malheur des interdictions de Gérald Darmanin, qui pourrait passer pour anecdotique à considérer le nombre de manifestants qui participent aux évènements visés, est que celles-ci se font au détriment des libertés. Sous couvert d’une fausse question sécuritaire, le droit de circuler et de manifester seront interdits à certains. Un muselage des libertés qui se fait au nom de l’ambition d’un petit bonhomme qui, en plus, ne devrait pas aller plus haut dans le cursus honorum républicain.
Olivier Frèrejacques
Délégué général de Liberté Politique
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