L'épreuve anticipée du Bac 2005 pour les classes en classe de Première "L" en "Sciences de la vie et de la Terre" a porté atteinte à la liberté de conscience. Il était demandé aux candidats (toutes académies confondues) de

Le ministre de l'Éducation nationale doit s'expliquer sur une entorse grave à la rigueur scientifique et aux règles déontologiques les plus élémentaires.

Voici le sujet proposé aux élèves de Première L (les candidats devaient répondre aux 4 questions) :

1/ Indiquer les effets de la pilule sur l'ovaire, la muqueuse utérine et la glaire cervicale.

2/ Expliquer le mécanisme par lequel agit cette pilule.

3/ Citer deux autres moyens contraceptifs. Donner le principe de leur action contraceptive.

4/ Dégager des arguments en faveur de l'autorisation légale de l'IVG en France et argumenter l'idée selon laquelle l'avortement n'est pas considéré comme un moyen de contraception à partir d'un article du journal Le Monde du jeudi 9 décembre 2004 où l'on pouvait lire notamment :

IVG : la stabilité des chiffres cache de nouveaux comportements.

" Trente ans après l'entrée en vigueur de la loi Veil, "la contraception et, en cas d'échec, le recours à l'IVG ont permis le passage d'un modèle de maternité sous contrainte à celui de maternité choisie, contribuant ainsi à redéfinir la parentalité au féminin, comme au masculin" estime Population et Sociétés. [...] Contrairement à ce qu'affirmaient les opposants à l'avortement lors de l'adoption de la loi, la légalisation de l'IVG n'a pas eu d'impact démographique. [...]

"Une IVG ne constitue pas une naissance en moins mais une naissance reportée à plus tard dans un contexte plus favorable". [...] La fécondité française, qui avait fortement baissé de 1964 à 1976, est stabilisée : depuis trente ans, le nombre d'enfants souhaités par les Français est inchangé et les femmes en ont toujours autant. "

Devant le flot de protestations, les manifestations de la société civile, les menaces de recours juridictionnel, le ministre de l'Éducation nationale doit répondre à deux questions essentielles :

> Comment l'Éducation nationale a-t-elle pu se tromper de sujet ?

> Comment ne pas discriminer les candidats dans la correction ?

Quatre raisons l'y obligent :

I/ la contrainte exercée sur les élèves ;

II/ l'indigence scientifique du sujet proposé ;

III / le détournement des objectifs du baccalauréat ;

IV/ La violation de la loi elle-même.

I/ Les candidats n'avaient pas le choix du sujet

La matière est à option, mais l'option prise par l'élève en début d'année l'engage pour la suite.

Dans le cadre de cette option, les professeurs sont invités à préparer : 1/ deux thèmes obligatoires ("représentation visuelle du monde", "alimentation et environnement") ; 2/ l'un ou l'autre de deux autres thèmes, au choix, "génétique" ou "procréation". D'où les deux sujets dits " au choix " proposés, un pour chacun de ces thèmes. Mais ce choix a été fait en cours d'année par le professeur ; au moment de l'épreuve, l'élève n'a plus aucune latitude. Il ne peut traiter que le sujet correspondant au thème étudié.

> Il est donc faux de prétendre que, face à une question qui heurtait sa conscience, l'élève était libre : il était contraint, et piégé.

II/ Un document de référence dénué de caractère scientifique

L'épreuve de SVT, entre autres règles, s'appuie sur des "documents relatifs au thème retenu... pour le sujet : texte scientifique qui traite de question d'actualité, faits d'observation et d'expérience, etc.". Cela n'a pas été le cas :

l'article de journal qui sert de document de référence n'est en réalité que le condensé d'un autre article publié par deux chercheurs dans la revue Population et Société ; en toute rigueur, seul tout ou partie du document originel aurait pu servir de base à la question ;

ce condensé est sommaire et partial, rédigé autour d'une série de jugements de valeur, tels ceux qui sont cités dans l'énoncé du sujet, ou encore ceux-ci : "l'espoir né de la législation de l'avortement n'a été que partiellement réalisé", "l'IVG ne s'est toujours pas banalisée" ; assertions qui renvoient aux débats trentenaires de la loi Veil, et montrent que l'on a quitté le terrain scientifique pour celui des règlements de compte ;

le manque de sérieux scientifique de l'épreuve transparaît également dans les autres questions et dans le corrigé, où l'on confond contraceptifs et contragestifs, à rebours d'une approche rigoureuse de la réalité.

III/ Un détournement des objectifs du baccalauréat

La question posée contrevient aux objectifs de l'enseignement des SVT en classe de Première L, et aux objectifs de l'examen, tels qu'ils sont définis officiellement par l'arrêté ministériel du 9 août 2000 et dans le BO de l'Éducation nationale n° 42 du 15 novembre 2001) :

la question n'aborde pas le sujet sous un angle scientifique en vue d'apprécier la culture de l'élève sur "un sujet de biologie fondamentale comportant des retombées pratiques en termes de santé humaine et d'éthique", et son aptitude à déceler les "enjeux de société dans lesquels cette matière est impliquée", mais elle les escamote ;

et elle le fait dans un seul but : "dégager des arguments en faveur" d'un comportement, et non en vue de permettre à l'élève d'examiner un fait ou de discuter une thèse de façon critique.

> La question débouche forcément sur une réponse qui contredit l'énoncé : en affirmant "que l'IVG ne constitue pas une naissance en moins mais une naissance reportée", puis que sa légalisation a permis le passage à une "maternité non plus contrainte mais choisie", l'article à commenter assimile de fait l'avortement à un mode alternatif de régulation des naissances, celui qui s'utilise en cas d'échec des autres ; point de vue confirmé par le corrigé officiel. L'un et l'autre révèlent ainsi le caractère idéologique du traitement appliqué au sujet.

IV/ Une violation manifeste de la loi

Même la loi du 17 janvier 1975, dont se prévalent pourtant les auteurs de l'épreuve, est violée trois fois :

D'abord en son article 13 où il est dit qu'"en aucun cas l'IVG ne doit constituer un moyen de régulation des naissances" : on vient de le montrer.

Ensuite en son article 1er qui rappelle que "la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions de la présente loi". Loin d'être rappelé, ce principe est complètement occulté ; et la démarche imposée à l'élève ne lui permettait pas d'articuler une réponse qui le respecte.

Enfin, en son article 4 qui a introduit dans le code de la Santé Publique (article L.162-8) un droit à l'objection de conscience en faveur du corps médical. En obligeant les élèves à soutenir un parti-pris en faveur de l'avortement, au risque de violer leur propre conscience, les auteurs de l'épreuve leur ont dénié le même droit. Or celui-ci s'imposait de toute évidence sur un sujet qui ne peut être considéré comme anodin ni banalisé. Menacés d'une réduction de leur note en cas de non-réponse ou de réponse contraire à celle qui leur est imposée, les élèves ont été ainsi soumis à un chantage inadmissible.

> Pour ces raisons, le ministre doit rendre sa copie à son tour, c'est-à-dire répondre sans faux-fuyants aux questions qui lui ont été posées par la Fondation de service politique et la Fondation Jérôme-Lejeune, parce que :

- la neutralité laïque est en danger,

- la science est victime de l'idéologie,

- les élèves ont été violés dans leur conscience et leur intelligence.

***

*Ce document, établi par la Fondation Jérôme-Lejeune et la Fondation de service politique a été adressé à tous les parlementaires, députés et sénateurs, ainsi qu'à tous les évêques de France.

> La Fondation de service politique est un centre d'étude politique créé en 1992. Indépendant de tout parti politique, son but est de promouvoir dans la vie publique une pensée politique cohérente avec l'enseignement social de l'Église. Elle publie depuis 1996 la revue d'idées trimestrielle Liberté politique.

> La Fondation Jérôme-Lejeune pour la recherche sur les maladies génétiques de l'intelligence, reconnue d'utilité publique : : 60 000 donateurs, 1er financeur en France de la recherche sur la trisomie 21, centre de consultation spécialisée référent (3 000 patients).

31 rue Galande 75005 Paris - www.fondationlejeune.org

> D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à Décryptage

>