[La République du Centre, 21 septembre 2005 - 15:33] - Le recteur Jean-Michel Lacroix, a-t-il été victime des anti-IVG ? Un sujet du bac proposé par l'académie Orléans-Tours a fait scandale en juin.

Des associations ont fait pression pour que des sanctions soient prises.

L'ancien recteur de l'académie Orléans-Tours, Jean-Michel Lacroix, a-t-il été démis de ses fonctions, le 20 juillet dernier, en Conseil des ministres, pour un sujet du bac passablement controversé ? C'est en tous les cas ce qu'affirme aujourd'hui sans ambages l'association "SOS Éducation", laquelle, soutenue par différents organismes catholiques, dont la puissante "Direction diocésaine de l'enseignement catholique de Paris ", n'a eu de cesse de faire pression auprès de Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale, pour que des sanctions soient prises à l'encontre de Jean-Michel Lacroix.

Une campagne acharnée, relayée par vingt-trois parlementaires, qui n'est manifestement pas restée sans effet. L'ancien recteur de l'académie de Rennes, Marc Debène, aurait également été évincé à l'issue d'une même opération de déstabilisation portant sur un tout autre sujet.

La polémique est née à la suite d'une épreuve scientifique anticipée du bac, donnée en juin dernier aux élèves de première littéraire. Ce sujet, concocté donc par l'académie d'Orléans-Tours, proposait notamment aux élèves de "dégager des arguments en faveur de l'autorisation de l'IVG en France" et "d'argumenter l'idée selon laquelle l'avortement n'est pas considéré comme un moyen de contraception". Un article du Monde, rédigé à la faveur de l'anniversaire de la loi Veil, devait permettre aux lycéens d'étayer leur réflexion.

Or, en l'espace de quelques jours, des associations militantes, des syndicats, anti-IVG pour la plupart, (La Fondation Jérôme-Lejeune, l'Association pour la fondation de service politique, Alliance pour les droits de la vie, etc.) se sont mobilisés, pétitions à l'appui, pour réclamer que le sujet ne soit pas noté. Certains militants sont allés jusqu'à dénoncer du "terrorisme intellectuel". "Le baccalauréat vise à valider les acquis des élèves, non pas à les déstabiliser dans un contexte d'examen déjà éprouvant. Les inciter ainsi à entrer dans des logiques réductrices et polémiques sans possibilité de critique n'a pas de sens pédagogique", explique un communiqué de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique.

Aujourd'hui, sans apporter de démenti officiel, le ministère de tutelle se refuse à tout commentaire. On se souvient néanmoins que Gilles de Robien n'avait pas manqué, en pleine controverse estivale, de rappeler à l'ordre les recteurs pris pour cibles, "coupables " d'avoir "heurté la sensibilité de certains candidats". Interrogé, hier matin, à l'occasion de la passation officielle de pouvoirs, Jean-Michel Lacroix s'est montré peu disert sur les raisons de son départ précipité, estimant qu'il avait "un devoir de réserve ". "Je ne suis pas resté longtemps mais j'ai laissé ma marque", a précisé l'ancien recteur, qui a affirmé "n'avoir pas d'amertume". Du moins officiellement.

Des parents et des élèves révoltés

En juin dernier, l'ensemble des médias relataient les réactions autour des sujets du baccalauréat. Élèves choqués, parents révoltés, la polémique s'est vite envenimée. "Quelle idée d'aller proposer aux élèves un sujet sur l'avortement. C'est un sujet délicat qui met en cause les convictions de chacun, qu'elles soient chrétiennes ou non. Même si notre école est laïque, c'est quelque part atteindre la liberté de chacun", s'exclame Martine Rico, présidente de la FCPE (Fédération des conseils de parents d'élève).

"Elle arrivait de Somalie, Lili". La chanson de Pierre Perret n'avait plus la cote auprès des associations catholiques en juin dernier. Elle a sans doute coûté sa place au recteur de Rennes. Ce sujet de français, donné aux élèves de première technologique, traitait des notions de racisme et d'intolérance. "Des thèmes qui, peut- être, n'auraient pas dû être traités", commente Martine Rico. Ces deux sujets ont peut-être été victimes, à leur tour, de l'intolérance...

Un sujet avalisé par le recteur

C'est avec plus d'un an d'avance que l'Éducation nationale commence à préparer les sujets de bac. Ainsi, c'est en mai 2004 que le ministre a confié à l'académie Orléans-Tours le sujet 2005 d'enseignement scientifique. En juin, la division d'examen a mis en place une commission de choix de sujets présidée par un inspecteur général de l'Éducation nationale et un universitaire. Les sujets ont ensuite été testés par des professeurs "cobayes " puis modifiés, si nécessaire, suite aux conclusions des professeurs. Les deux coprésidents de la commission ont donc finalement remis un dossier au recteur qui comportait un sujet rédigé dans sa forme définitive, l'avis des professeurs d'essai et un rapport attestant de la conformité du sujet. C'était ensuite à Jean-Michel Lacroix, en sa qualité de recteur, de procéder au choix définitif du sujet.

© La République du Centre, Anthony Gautier et Céline Pedro.

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