Le sens de la défaite de la résolution Estrela

Il y a trois manières pour l’humanité de mettre volontairement un terme à son destin collectif. La guerre atomique, la destruction de l’environnement et la démographie.

EN 1963, l’encyclique Pacem in terris était marquée par le danger d’un conflit nucléaire. Le 1er janvier 2013, à l’occasion du cinquantième anniversaire de ce texte, Benoît XVI a montré que la principale menace contre la paix était désormais constituée des atteintes contre la vie naissante. Autrement dit, l’arme démographique.

Ce qui vient de se passer au Parlement européen avec la mise aux voix, puis la mise en échec, de la résolution Estrela en est une illustration à la fois redoutable et pleine d’espoir. En effet, pour la première fois, l’arme démographique a été sérieusement enrayée.

Enrobée dans la sémantique féministe des conférences du Caire et de Pékin sur la santé et les droits sexuels et génésiques, pièce maîtresse des objectifs de développement international, réputée combattre la misère et améliorer la condition de la femme, la résolution de la députée socialiste portugaise Edite Estrela visait à légitimer la maîtrise de la fécondité par l’avortement. L’avortement, un droit comme un autre, plus qu’un autre même, un droit fondamental.

S’y ajoutaient des dispositions sur l’éducation sexuelle dès le primaire avec l’homosexualité sur le même plan que l’hétérosexualité, la relégation des parents dans un rôle de figurants, l’idéologie du genre en fond de tableau, etc. Un salmigondis libéral-libertaire-liberticide.

Une victoire culturelle

La victoire contre ce texte est en premier lieu culturelle. Elle repose sur trois sauts qualitatifs dans la compréhension de l’enjeu.

D’abord, on assiste à une prise de conscience de l’imposture qui consiste à plaquer l’étiquette de la santé sur un fatras idéologique. Dès qu’il s’agit de faire admettre une transgression morale, le caducée est brandi comme un talisman. La santé aurait toutes les vertus, celle de faire de l’avortement un remède universel, de l’eugénisme le bonheur des familles, de la destruction embryonnaire un marqueur de progrès. Cette escroquerie intellectuelle est moribonde. On tombera peut-être moins vite qu’avant dans le traquenard scientiste.

Ensuite, un deuxième traquenard, européiste, est ébranlé. Le mythe selon lequel c’est l’Europe qui nous impose telle ou telle évolution et qu’il faut bien « y passer » sous peine d’être pulvérisé par la mondialisation, cette croyance a vécu. Les questions relatives à la bioéthique, notamment celles relatives à l’avortement, n’ont jamais été déléguées par les États à l’Union européenne qui ne peut revendiquer aucune compétence en la matière.

Enfin, la vision euphémisante qui conduit à ne pas voir l’enchaînement des causes a trouvé sa limite. Pour paraphraser Bossuet, nous commençons à cesser de nous lamenter des effets dont nous chérissons les causes. Oui, la défense de la famille et celle de la vie ont partie liée. Oui, le lobby homosexuel et celui de l’avortement font cause commune. Oui, l’être humain conçu est la clé de voûte : s’il n’est pas respecté, tout est permis.

Un succès politique

La victoire contre la résolution Estrela est surtout un grand succès politique. Les citoyens européens sont entrés de plain-pied sur la scène politique en utilisant les moyens adéquats.

Tout a débuté avec l’initiative citoyenne européenne « Un de Nous ». Cette démarche était particulièrement intelligente puisqu’elle contestait, par le biais de son financement illégitime à hauteur de 50 millions d’€, l’introduction sournoise de l’avortement et de la recherche embryonnaire dans le champ de compétence de l’Union européenne.

La mobilisation sans précédent sur ces sujets a permis d’atteindre le score de près de deux millions de signatures, soit le double de ce qui était nécessaire.

Tout a continué avec une analyse clairvoyante de la résolution Estrela décryptée comme une réponse au succès de l’initiative « Un de Nous », visant à en atténuer l’impact par une contre-offensive politique. Cette lecture était loin d’être évidente et pourtant c’était la plus pertinente. D’où le recours à la mobilisation massive de ces mêmes signataires de la pétition « Un de Nous », rendus conscients d’intervenir d’urgence auprès des membres du Parlement européen pour ne pas ruiner le succès de l’initiative citoyenne.

Le rejet d’Estrela, mais surtout le vote d’une résolution alternative rappelant le principe de subsidiarité a été le coup de grâce. Tout va se poursuivre avec la proposition législative européenne « Un de Nous ». Ce texte rappelle que l’avenir de l’Europe ne s’inscrit ni dans la vampirisation de cellules fraiches à travers la recherche embryonnaire, ni dans le colonialisme des ventres sous la forme du financement de l’avortement en guise d’aide au développement.

 

Jean-Marie Le Méné est président de la Fondation Jérôme-Lejeune, porteur de l’initiative « Un de Nous ».

 

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