Les associations d’anciens combattants regrettent le mépris du gouvernement à leurs propositions, restées sans réponse, pour honorer de jeunes héros de la Résistance au Panthéon. Elles déplorent le « signal ambigu » du choix de Jean Zay, « une victime, pas un combattant ». Sans évoquer explicitement son poème de jeunesse disant sa haine du drapeau français (« cette saloperie tricolore », cf. texte infra), les anciens combattants estiment que d’authentiques résistants, ne souffrant d'aucune controverse, auraient pu être choisis comme modèles « d’attachement au drapeau ». Ministre du Front populaire, interné par le gouvernement de Vichy, Jean Zay a été assassiné par trois miliciens en 1944.

Le communiqué du Comité national d’entente des associations d’anciens combattants

« 2015. Les Français commémorent le 70e anniversaire de la Libération. C’est avant tout le combat contre les nazis et l’envahisseur. L’honneur de la France a été porté par tous ceux qui ont agi en ce sens. Ils ont été nombreux, certains ont eu des conduites héroïques. Un plus grand nombre encore a été victime de la barbarie sans voir l’aube de la Libération.

Des hommes et des femmes se sont engagés dans la résistance à l’occupant soit dans les Forces françaises libres, soit au sein des différents réseaux de l’intérieur. Ils méritent que le pays se souvienne d’eux et les cite en exemples. Les associations patriotiques et du monde combattant ont vocation à s’exprimer en ce sens. Dans leurs rangs, très nombreux sont ceux, de toutes générations, qui ont donné des gages voire même leur sang au nom de leur indéfectible attachement à la France et donc à la République.

La Libération, c’est avant tout le retour du drapeau qui est le symbole même de la France. Il doit être respecté en tout temps et en tout lieu par les anciens comme par les jeunes. Le Comité national d’entente a proposé en décembre 2014 au Président de la République cinq noms de jeunes héros, dont quatre Compagnons de la Libération, pour les faire « entrer au Panthéon » à l’occasion de la commémoration de la Libération. Aucune réponse ne lui a été faite. Il déplore cette indifférence incompréhensible, mais il regrette plus encore qu’un signal ambigu soit fait à cette occasion.

La jeunesse de France a généré des héros pour libérer la patrie durant cette Deuxième Guerre mondiale. Pourquoi alors leur préférer, à cette occasion, une victime de la barbarie, même comme Jean Zay ? La confusion trop fréquente entre ceux qui sont des victimes, ceux qui font leur devoir et les héros, est une erreur.

Le Comité national d’entente réaffirme, à l’occasion de la prochaine cérémonie du 27 mai au Panthéon, qu’il eut été grand de glorifier de jeunes héros dont l’attachement au drapeau national n’aurait souffert d’aucune controverse ni d’aucune ambigüité.

Nous voulons au Panthéon de jeunes héros fiers du Drapeau de la République : tel est le sens de notre communiqué ! »

 

Le général de corps d’armée (2s) Dominique Delort
Président du Comité national d'entente

Associations signataires du présent communiqué

  • A.C.U.F. (Association des Combattants de l'Union Française)
  • A.E.A. (Association des Elèves de l’Ecole de l’Air)
  • A.E.N. (Association des Anciens de l’Ecole Navale)
  • A.E.T. (Association des Enfants de Troupes)
  • A.N.C.G.V.M. (Association Nationale des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire)
  • A.N.C.M. (Association Nationale des Commissaires de la Marine)
  • A.N.C.C.O.R. « Ceux de Cherchell »
  • A.N.O.C.R. (Association Nationale des Officiers de Carrière en Retraite)
  • ANOPEX (Association Nationale des Participants aux Opérations Extérieures)
  • A.N.O.R.GEND (Association Nationale des Réservistes de la Gendarmerie)
  • A.N.O.R.I. (Association Nationale des Réservistes de l’Infanterie)
  • A.N.R.A.T. (Association Nationale des Réserves de l’Armée de terre)
  • F.A.C.S. (Fédération des Anciens Combattants résidant hors de France)
  • F.N.A. (Fédération Nationale de l’Artillerie)
  • F.N.A.O.M. / A.C.T.D.M. (Fédération Nationale des Anciens d’Outre-Mer et Anciens Combattants TDM)
  • F.N.A.C. (Fédération Nationale des Amicales de Chasseurs à pieds, alpins et mécanisés)
  • F.N.A.P. (Fédération Nationale des Associations Parachutistes)
  • F.N.B.M.I.G. (Fédération Nationale des Blessés Multiples et Impotents de Guerre)
  • F.N.G. (Fédération Nationale du Génie)
  • F.N.T. (Fédération Nationale du Train)
  • F.R.E.S.M. (Fédération pour le Rayonnement et l’Entraide des Soldats de Montagne)
  • F.S.A.L.E. (Fédération des Sociétés d’Anciens de la Légion Etrangère)
  • L’EPAULETTE (Association des officiers de recrutement interne et sous contrat)
  • La Fraternelle Militaire
  • La Saint-Cyrienne (Association des Elèves et anciens élèves de l’Ecole Spéciale Militaire)
  • MINERVE (association de l’enseignement militaire supérieur, scientifique et académique)
  • Promotion VICTOIRE
  • TREFLE (Elèves et anciens élèves de l’Ecole des Officiers de Gendarmerie)
  • U.A.G. (Union des Aveugles de Guerre)
  • U.N.A.A.L.A.T. (Union Nationale des Associations de l’A.L.A.T.)
  • U.N.A.B.C.C. (Union Nationale de l’Arme Blindée Cavalerie et Chars)
  • U.N.C. (Union Nationale des Combattants)
  • U.N.A.C.I.T.A. (Union Nationale des Anciens Combattants d’Indochine, des T.O.E. et d’AFN)
  • U.N.O.R. (Union Nationale des Officiers de Réserve)

 

“Le Drapeau”

Accusé, Jean Zay présentera ce poème pacifiste et anti-militariste écrit à 19 ans comme un « pastiche littéraire ». À la déclaration de guerre, il démissionnera du gouvernement pour rejoindre les rangs de l’armée française. Il servira dans un état-major comme sous-lieutenant, mais en juin 1940, il demandera à rejoindre le Parlement à Bordeaux.

Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là.
 Quinze cent mille dans mon pays, Quinze millions dans tous les pays.
 Quinze cent mille morts, mon Dieu !
 Quinze cent mille hommes morts pour cette saloperie tricolore…
 Quinze cent mille dont chacun avait une mère, une maîtresse,
 Des enfants, une maison, une vie un espoir, un cœur…
 Qu’est-ce que c’est que cette loque pour laquelle ils sont morts ?
 Quinze cent mille morts, mon Dieu !
 Quinze cent mille morts pour cette saloperie.
 Quinze cent mille éventrés, déchiquetés,
 Anéantis dans le fumier d’un champ de bataille,
 Quinze cent mille qui n’entendront plus JAMAIS,
 Que leurs amours ne reverront plus JAMAIS.
 Quinze cent mille pourris dans quelques cimetières
 Sans planches et sans prières…
 Est-ce que vous ne voyez pas comme ils étaient beaux, résolus, heureux
 De vivre, comme leurs regards brillaient, comme leurs femmes les aimaient ?
 Ils ne sont plus que des pourritures…
 Pour cette immonde petite guenille !
 Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,
 Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes
 Pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres qui gicle sous tes plis
 Je te hais au nom des squelettes… Ils étaient Quinze cent mille
 Je te hais pour tous ceux qui te saluent,
 Je te hais à cause des peigne-culs, des couillons, des putains,
 Qui traînent dans la boue leur chapeau devant ton ombre,
 Je hais en toi toute la vieille oppression séculaire, le dieu bestial,
 Le défi aux hommes que nous ne savons pas être.
 Je hais tes sales couleurs, le rouge de leur sang, le sang bleu que tu voles au ciel,
 Le blanc livide de tes remords.

Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grand coup
 Les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts.
 Et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré et tes victoires,
 Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs.