La période d’incertitude sociale, politique et identitaire est propice au développement de discours spectaculaires. Parallèlement, le développement des réseaux sociaux met à mal la notion de nuance, privilégiant les formats courts. Sur internet, sur les plateaux télévisés et dans les librairies, les faux prophètes font recette.
De l’autodidacte à l’auto-promo
Le déclin général du niveau intellectuel et le développement de nouveaux modes de communication ont donné naissance à une caste de maîtres à penser. Déjà présents dans les journaux puis sur les plateaux TV sous l’appellation de « chroniqueurs » ou d’« éditorialistes », ils connaissent un prolongement sur internet à travers les réseaux sociaux et sur des chaînes YouTube. Tantôt invités à interagir, tantôt cantonnés à un rôle de simples locuteurs devant une caméra ou derrière un clavier, ils exposent leur vision du monde, de ce qui est, selon eux, et surtout de ce qui devrait être.
Souvent dépourvus de formation universitaire ou d’expérience professionnelle, ils cultivent leur opinion à travers des slogans incisifs sur les réseaux sociaux ou en s’écoutant gloser sur les plateformes vidéo. Particulièrement obsédés par les questions identitaires, ils causeront « identité de genre », féminisme et « pensée » décoloniale à gauche ; « ethno supériorité », virilité et féminité à droite. Produits marketing de leurs temps, ils s’offrent une petite polémique ici et là, parfois entre eux, pour relancer une viralité en berne ou une carrière de Youtubeur qui peine à décoller. Spécialistes de tout mais connaisseurs de rien, ils s’approchent des profils de la politique électorale sans en endurer les contraintes, ils aspirent à être pris pour des penseurs mais ne demeurent que des « influenceurs » qui vendent des contenus idéologiques comme d’autres du maquillage. Sûrs de leur fait, ils pratiquent rarement l’humilité et bénéficient d’un vaste public que n’offre pas l’écriture.
Se prémunir des imposteurs
Chaque époque connaît son lot de faux prophètes. Parfois conscients de ce qu’ils sont, parfois persuadés d’être une avant-garde, ils constituent une race à part dans l’opinion et dans la « fabrique d’idées ».
Ce rôle de trublion était hier dévolu à des universitaires médiocres ou des profils authentiquement atypiques ; aujourd’hui, il revient à des « entrepreneurs » d’idées, souvent enthousiastes et rarement pertinents. L’aspect marketing du procédé se trouve au cœur de leur système. Une méthode qui repose en outre sur la facilité d’accès et la « consommation » de contenus.
L’auditoire a une attitude passive et absorbe. Pour se prémunir de ces personnages, il convient de limiter le recours aux médias numériques et aux « formats courts ». Être capable de « débrancher » permet aussi de prendre du recul sur des polémiques qui parfois n’existent que sur internet. Donner trop d’importance à des opinions concernant des choses sur lesquelles nous n’avons aucune prise peut aussi apparaître comme une perte de temps. Il convient ainsi d’identifier qui écrit, qui se trouve devant la caméra. Parler de sciences sans être scientifique, parler de Constitution sans avoir étudié le droit, de philosophie quand on pratique vaguement le « développement personnel »… Autant de signaux qui doivent alarmer le lecteur ou le « consommateur de contenus ».
Internet a permis un accès formidable à l’information et à la connaissance. Il devient malheureusement souvent une foire à l’opinion, un café du commerce bas de gamme alors qu’à portée de clic, nous pouvons consulter des archives formidables, des articles, des ouvrages de grande valeur dans une multitude de domaines. Repenser notre usage d’internet et apprendre aux jeunes générations à l’utiliser de manière raisonnée seront décisifs pour endiguer le déclin.
Olivier Frèrejacques
Délégué général de Liberté Politique
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