Source [Institut pour la Justice] Un ministre ça ose tout, c’est à ça qu’on le reconnaît.
Voilà ce que je me suis dit en découvrant les propos de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur.
« Il n’y a pas de cocorico à faire, mais je constate que la délinquance générale a baissé depuis cinq ans », a-t-il déclaré récemment au journal Le Parisien. Et pour appuyer ses dires, il a cité la baisse du nombre des cambriolages, des vols à main armée et des incendies de véhicules.
Le même ministre qui, il n’y a pas si longtemps, parlait « d’ensauvagement » de la société française dit maintenant que, depuis cinq ans, tout va mieux sur le front de la criminalité.
Pas de doute, nous sommes bien rentrés en campagne électorale, et Gérald Darmanin va défendre le bilan d’Emmanuel Macron. Quitte à prendre beaucoup de libertés avec la réalité.
La délinquance générale a-t-elle baissé, comme l’affirme le ministre ?
Gérald Darmanin a raison sur un point : dans certaines catégories de crimes et délits, le nombre de faits enregistrés par les services de police et de gendarmerie est à la baisse.
Alors, voyons les chiffres, même si, il faut le rappeler, ces chiffres sous-estiment certainement la réalité.
Cette baisse concerne une partie des atteintes aux biens, notamment les vols à main armée et les vols de véhicules.
Mais cette baisse est une tendance de longue durée, qui ne date absolument pas du quinquennat d’Emmanuel Macron, et qui ne s’est pas accélérée depuis 2017. Autrement dit, l’action de l’actuel gouvernement n’y est strictement pour rien.
Les cambriolages eux ont un peu baissé entre 2017 et 2018 (ce qui, là aussi, ne peut pas être attribué à l’action du gouvernement) mais restent stables depuis, sauf en 2020 où ils ont fortement diminué, à cause des confinements évidemment...
En revanche, les vols sans violence augmentent année après année, et surtout les atteintes aux personnes n’en finissent pas de grimper.
Les coups et blessures volontaires sur personne de plus de quinze ans ont augmenté de presque 18% depuis 2017.
Les homicides connaissent une hausse spectaculaire depuis une dizaine d’années. Et le chiffre est encore plus spectaculaire si l’on y ajoute les tentatives d’homicides.
Comme le dit très bien le criminologue Alain Bauer : « Homicides et tentatives forment les deux faces d'une même pièce. Ils illustrent une même réalité criminelle et ne sauraient être dissociés. (…) elles participent de l'expression d'une même dérive. »
Or ces chiffres sont « à leur niveau le plus élevé depuis la mise en place de la statistique publique ». Ils ont augmenté de 47% depuis 2000 et de presque 23% entre 2017 et 2020 !
Quant aux atteintes contre les dépositaires de l’autorité publique, chacun sait bien ce qu’il en est. Pour la seule Police Nationale, les violences contre elle ont plus que doublé depuis vingt ans. Nous en sommes à plus de 85 faits par jour.
Et encore ces chiffres sont certainement sous-évalués. Trop souvent, les agents victimes de tirs de mortier ou de jets de projectiles ne prennent plus la peine de déclarer l’incident à leur hiérarchie : trop de paperasse pour des faits jugés banalement quotidiens et qui, en général, n’ont pas de suite judiciaire.
Et Monsieur Darmanin qui affirme qu’il y a moins de violences urbaines parce qu’il y a un peu moins de véhicules incendiés – l’incendie de voitures étant devenu, faut-il le rappeler, une sorte de sport national depuis une vingtaine d’années…
Bref, le ministre de l’Intérieur se livre à un exercice assez malhonnête de manipulation des chiffres.
Mais ce genre de tour de passe-passe ne trompe plus personne.
Les Français constatent tous les jours, dans leur vie quotidienne, que l’insécurité est au plus haut et que, oui, il y a bien un ensauvagement de la société.
Et cet ensauvagement ne se traduit pas seulement dans les chiffres de la délinquance.
Je vous en donne un seul exemple : tout récemment le maire de Poissy, Karl Olive, a annoncé que, désormais, pour se marier dans sa commune il faudra verser une caution de 1 000 euros. Et il y aura également deux policiers municipaux équipés de caméras-piétons à chaque cérémonie.
La raison ? Trop souvent les mariages sont devenus des occasions de débordements et d’incivilités : rodéos qui bloquent la circulation, tirs de fumigènes et de feux d’artifices en pleine rue, insultes, agressions, dégradations…
Je vous demande de fouiller dans vos souvenirs : y avait-il de tels actes de délinquance lors des mariages il y a vingt ou trente ans ? Non, bien sûr. Mais aujourd’hui, dans trop de communes, c’est en train de devenir la norme.
L’ensauvagement, c’est aussi ça, Monsieur Darmanin.
Alors, s’il vous plaît, Monsieur le ministre, cessez d’essayer de cacher la réalité et retroussez-vous plutôt les manches pour essayer d’y faire quelque chose.
Après presque cinq ans d’exercice du pouvoir, Emmanuel Macron a désormais un bilan en matière d’insécurité. Et il n’est pas beau à voir.
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