De « l’empire libéral » à « l’empire autoritaire » ? Quand le macronisme a un gros problème avec la liberté des médias
Stéphane Séjourné, député européen LREM et conseiller d'Emmanuel Macron, a proposé de comptabiliser comme un temps de parole politique le temps de parole de certains éditorialistes ou invités, comme Eric Zemmour sur CNews. Que révèle cette prise de position sur la nature du macronisme ?
Atlantico : Stéphane Séjourné, le conseiller politique d’Emmanuel Macron, a appelé à décompter le temps de parole des éditorialistes les plus engagés tout en considérant que CNews œuvrait à l’abaissement du débat politique. CNews est pourtant une chaîne au financement 100% privé et que personne n’est forcé de regarder… Dans le même temps, le déficit de diversité idéologique sur le service public, lui, ne choque personne et on a vu les journalistes de France Televisions s’inquiéter récemment de la nomination d’un journaliste réputé proche du président comme chef du service politique de France 2, là encore sans réaction. Stéphane Sejourné étant l’un des conseillers les plus proches du président de la République, que révèle cette sortie sur la nature du macronisme ?
Christophe de Voogd : Stéphane Séjourné pose d’abord un constat que l’on peut partager : le triomphe de l’opinion sur l’information par l’éditorialisation généralisée des contenus, l’hystérisation et l’affaissement du débat public. Mais accabler CNews de ces dérives est plus qu’injuste quand on regarde de près le contenu et les invités de cette chaîne et qu’on la compare à d’autres, notamment au service public ou à C8 : l’hystérisation me paraît plus présente chez le très « Macron-compatible » Cyril Hanouna ou les humoristes woke de France inter. Quant à « l’affaissement du débat public », est-on le mieux placé pour la dénoncer depuis un Elysée transformé en aire de jeu pour les youtubeurs Macfly et Carlito ?
Sur le fond, ces propos posent deux questions, dont on ne sait laquelle est la plus préoccupante : d’une part, celle de leur contenu même, qui flirte avec le liberticide, dans la mesure où ce conseiller important du Président ne propose rien moins que le contrôle de la parole journalistique et de la ligne éditoriale de certains médias ; d’autre part, la rareté ou la modestie surprenante des réactions, aussi bien politiques que médiatiques, à cette menace sur la liberté d’expression. J’appliquerais volontiers à cette situation ce que j’appelle « le test de la symétrie » : imaginons une seconde les réactions, si un conseiller de Nicolas Sarkozy avait tenu, il y a dix ans, seulement la moitié de tels propos !
J’observe notamment que, dans l’opposition, seul David Lisnard s’est exprimé vite et fort sur cet incident, ce qui en dit long sur l’état d’une droite qui semble avoir oublié une valeur décisive dans son combat contre une gauche sectaire et un pouvoir autoritaire.
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