Source [Valeurs actuelles] Dans son livre 2034, l’amiral américain James Stavridis, ex-commandant des forces indo-pacifiques, redoute le début d’une Troisième Guerre mondiale autour de Taïwan, île de 23 millions d’habitants revendiquée par Pékin. Notre chroniqueur Alexandre del Valle estime que si ce scénario apocalyptique opposant la Chine et les États-Unis n’est pas impossible, Pékin table sur la peur du pire et l’hyperdépendance industrielle de l’Occident pour conquérir l’île pacifiquement...
L’espace aérien taïwanais est constamment violé par l’aviation militaire chinoise : le record d’incursions dans la “zone de défense aérienne” de Taiwan a été de 149 avions militaires en 4 jours, dont des bombardiers nucléaires H6… L’Armée populaire de libération chinoise (APL) simule régulièrement des débarquements et bombardements des ports taïwanais… Les provocations sont à remettre dans le contexte général de l’antagonisme opposant Pékin – qui considère la mer de Chine et l’Indo-pacifique comme son mare nostrum – et les États-Unis, qui, avec leurs alliés anglo-saxons et asiatiques, veulent continuer de dominer la zone (“sea power”) et de contrôler les routes d’approvisionnement énergétiques et commerciales mondiales. Cette rivalité globale se joue aussi autour d’îles stratégiques (Taïwan, Paracels, Spartleys, Senkaku, etc.) et des zones économiques exclusives revendiquées par Pékin, qui ne respecte pas les décisions des Nations unies ou de la Cour de justice internationale. Xi Jinping a d’ailleurs déserté nombre d’enceintes internationales, y compris les sommets du G20 ou la Cop26 à Glasgow. Son alliance stratégique avec la Russie dans l’Organisation de la Conférence de Shanghaï (OCS) est clairement tournée contre l’OTAN. La région Asie-Pacifique est la zone la plus militarisée au monde : les États-Unis y renforcent leurs contingents militaires, d’ailleurs rejoints par des navires de guerre français. Les dépenses militaires de la Chine, qui faisaient rire dans les années 1980, s’élèvent à 175 milliards d’euros en 2020, ce qui en fait la seconde puissance militaire mondiale, l’objectif de Pékin étant de dépasser d’ici 30 ans le budget de défense américain (780 milliards de dollars).
Contesté en interne, notamment sur son projet de BRI (“nouvelles routes de la soie”), et sur les problèmes économiques et sociaux, le président chinois Xi Jinping, arrivé au pouvoir en 2013, a fait de la “réintégration” de Taïwan d’ici le 1er octobre 2049 (anniversaire des cent ans de la victoire du régime de Pékin sur celui de Tchang Kai-shek réfugié à Taïwan) l’une de ses priorités. Rappelons que l’île n’a aucune existence internationale, et que les pressions du régime chinois au nom du principe “d’une seule Chine” ont obligé la quasi-totalité des pays du monde à ne plus reconnaître officiellement Taïwan, d’ailleurs non représentée aux Nations unies. Certes, avant l’adoption d’une loi anti-sécession (2005) affirmant son droit de recourir à des “mesures non pacifiques” contre Taïwan en cas d’indépendance proclamée, Pékin acceptait le statu quo. Celui-ci a définitivement volé en éclat depuis la défaite des autonomistes de Hong Kong, ce qui a encouragé l’Oncle Xi à accélérer son plan de reconquête. Parallèlement, le déclin de la défense de Taïwan, passée de 200 000 soldats en 2021 contre 500 000 en 1993 et de 2,5 millions de réservistes contre quatre en 1998, est perçu par Pékin comme une opportunité pour réaliser d’ici peu un “anschluss pacifique”….
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