Source [Causeur] Y at-il une coïncidence entre l’écroulement de notre culture et celui de l’Église ?
A un an d’intervalle, des incendies ont ravagé Notre-Dame de Paris puis la cathédrale de Nantes. Les réactions à ces drames ont démontré notre profond malaise identitaire. Alors qu’un changement de peuple est en train de s’opérer, le catholicisme peut-il renaître de ses cendres ?
Qu’est-ce que la République en France ? C’est la IIIème. Qu’est-ce que la IIIème République ? Une alliance des minorités franc-maçonne, protestante et, dans une moindre mesure, juive contre les masses catholiques qui étaient aussi, du moins jusque dans les années 1880, monarchistes. Pour les hommes qui ont bâti ce régime, la laïcité devait rompre définitivement le lien qui unissait la nation à l’Eglise ; la loi de 1905, promulguée dans un climat délétère, contre la volonté d’un peuple encore très majoritairement attaché à sa religion, fit du catholicisme un culte parmi d’autres dans la désormais « patrie des droits de l’homme » issue d’une déclaration abstraite et léguée par le Grand Architecte.
On ne peut pas comprendre la médiocrité – quand ce n’est pas carrément l’absence – des réactions de notre personnel politique face aux permanents actes anti-chrétiens si l’on oublie que la République s’est construite contre l’Eglise. Pour parler comme les libéraux, c’est son « logiciel », dans son « ADN ». Un an avant la loi de 1905, l’affaire des fiches révélait, au sein de l’armée, un vaste système de fichage – commandé par le ministère – visant à brider l’avancement des officiers catholiques. Cependant que les anticléricaux, athées, libre-penseurs en tout genre menaient virilement le combat culturel dans les gazettes et les écoles, l’Etat expulsait les congrégations, soutenait les loges et, donc, abattait enfin « l’infâme ». On le sait, durant une génération, l’Eglise tenta de résister, cherchant un modus vivendi avec la République qui la haïssait. Mais, après le catholicisme social d’un Lamennais qui était un aberrant compromis avec l’air du temps, l’affreux sulpicianisme dans lequel elle sombrait à la veille de la guerre disait combien elle manquait déjà de chair. Elle se soumit et commença à produire un nouveau genre de catholiques, honteux, plus obsédés par les œuvres que par leur salut. Victorieuse, la République s’amusait des querelles qui animaient son ancienne ennemie héréditaire.
Cela dit, il y avait les fidèles, qui continuaient de se rendre à la messe. En 2018, dans Comment notre monde a cessé d’être chrétien, l’historien Guillaume Cuchet démontrait comment, jusqu’au début des années 1960, les églises étaient encore pleines ; c’est à ce moment-là, en quelques années seulement, qu’elles se vidèrent. Les enfants du baby-boom furent donc les premiers à refuser le rituel. Parce que leurs parents furent également les premiers à ne plus les y contraindre. Vatican II, qui est l’introduction de l’esprit du protestantisme dans l’Eglise, justifia ce reniement en promouvant la liberté de conscience. En réduisant pour ainsi dire la foi à une affaire personnelle, ce concile péteux, cornaqué par des personnes extérieures à l’Eglise, fut un prodigieux accélérateur du déclin de celle-ci. Le temps de Dieu n’est pas celui des hommes ; c’est en suivant ce principe que, durant deux millénaires, l’Eglise put traverser cent hérésies et révolutions ; en s’arrimant au monde par peur de se l’aliéner, elle perdit sa force, sa grandeur et son charme. De nos jours, il n’y a plus que dans certains monastères et dans le mouvement dit traditionnaliste que l’on trouve encore des clercs érudits, souriants, combattifs, plus préoccupés par les âmes du peuple de Dieu que par le sort des migrants et avec qui l’on peut prier sans être perturbé par d’immondes dessins d’enfants ou des chants qu’on dirait écrits par une chaisière fan de Calogero.
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