Deux initiatives dont la coïncidence ne manque pas d'être inquiétante:
Du côté de l'OTAN, la décision de renforcer la présence militaire en Europe de l'Est. Lors de la réunion des ministres des 28 pays membres de l’Alliance, le 10 février 2016, des mesures de « réassurance » en direction des pays baltes et de la Pologne ont été annoncées. Afin de dissuader la Russie, l’OTAN va renforcer sa « présence avancée » sur son flanc oriental, avec le déploiement de nouveaux équipements. Cette présence militaire « avancée » et « renforcée » sera « multinationale » pour « montrer qu’une attaque contre un allié sera une attaque contre tous les Alliés », a dit Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN. Elle consistera à déployer, dans les pays concernés, des troupes alliées « par rotation », à organiser davantage d’exercices militaires et à installer de nouveaux dépôts d’équipements et de matériels afin de « faciliter l’envoi rapide de renforts » le cas échéant. En outre, deux autres centres de commandement (en plus des 6 premiers) seront créés.
A cet effet, le gouvernement américain a décidé d'augmenter sensiblement les crédits militaires destinés à l'Europe de l'Est. Utile précaution dira-t-on. Mais que dirait-on si le Russie annonçait le renforcement de sa présence militaire au Mexique ?
Il est douteux que ces mesures, en théorie destinées à rassurer les pays baltes et la Pologne mais dont on ne voit pas l'utilité immédiate, favorisent la détente entre la Russie et l'Occident. Puisque la présence de l'OTAN dans cette région doit être multilatérale, la France qui est pourtant engagée sur bien d'autres théâtres d'opérations, devrait en être aussi partie prenante : elle avait déjà participé à des manœuvres dans les pays baltes en juillet dernier.
Hollande intègre un peu plus la France à l'OTAN
Justement au même moment, c'est la seconde initiative, le gouvernement français a déposé le 4 janvier 2016 en catimini sur le bureau des assemblées un projet de loi destiné à compléter la réintégration plénière de l'OTAN amorcée par Nicolas Sarkozy. Il restait des interstices par lesquels cette réintégration demeurait incomplète : ils doivent, pour M.Hollande, être comblés incessamment. Pratiquement cela veut dire que les Américains pourront investir tous nos états-majors (quid du nucléaire ?) et toutes nos bases sur l'ensemble du territoire, voire en construire pour leur compte.
Dans l'exposé des motifs de la loi, on lit : "en 2009, la France a décidé de réintégrer la structure de commandement de l'OTAN. En conséquence, elle a recommencé à accueillir du personnel de l'Organisation dans ses quartiers généraux militaires sans que ses QG ne bénéficient toutefois d'aucun statut international. Seuls des arrangements de circonstance ont permis jusqu'ici l'accueil de personnels de l'OTAN dans les QG situés sur le sol français. L'attractivité du territoire français s'en trouve affectée, de même que l'influence française au sein des structures de commandement." On se demande comment notre assujettissement à 100 % pourrait accroitre notre influence auprès de l'organisation !
Quand on voit le caractère confidentiel de ce projet de loi que seul Jean-Luc Mélenchon a relevé, comment ne pas évoquer la réaction du député Hollande quand Sarkozy décida en 2008, de manière pourtant plus ouverte, la réintégration du dispositif militaire intégré de l'OTAN : "Dans toute démocratie digne de ce nom, de tels arbitrages auraient été rendus après un vaste débat dans le pays". En matière de vaste débat, cette fois nous sommes servis !
"Crise émergente en Europe"
Ces changements, tant de l'OTAN en Europe de l'Est que de la France dans l'OTAN sont à replacer dans l'évolution de la pensée stratégique de l'autre côté de l'Atlantique. Un livre retentissait de George Friedman Flashpoints, an emerging crisis in Europe[1] est paru récemment aux Etats-Unis. L'analyste bien connu pense que l'Occident doit avoir à l'égard de la menace russe qu'il suppose, non seulement une stratégie de containment mais aussi de roll back en plaçant tout l'environnent proche de la Russie sous contrôle américain étroit. L'auteur envisage la possibilité d'un conflit de première importance entre l'OTAN et la Russie. L'Allemagne serait alors, dit-il, sur la ligne de front. La France serait la base arrière logistique : entrepôt de matériels, accueil de renforts venus d'Outre-Atlantique. C'est sans nul doute la même conception offensive qui inspire ceux qui ont dicté à Hollande le projet de loi évoqué plus haut.
Bien plus pondéré que Friedman, Henry Kissinger déclarait au New York Times en janvier 2015 : "Je pense qu'une reprise de la guerre froide serait une tragédie historique".
Il est clair que de cette tragédie possible, l’engrenage se met en place, la folie idéologique des néoconservateurs américains aidant.
François Mitterrand disait à se proches que, dans le monde actuel, la France "pouvait seulement espérer passer entre les gouttes"[2]. Telle n'est pas la préoccupation de François Hollande pour qui, si une tragédie survient, il faut absolument que notre pays en soit ! Et pour cela il n'hésite pas à mettre, avec une légèreté affligeante, et une insigne servilité à l'égard de ses maîtres nord-américains, le doigt dans l’engrenage. Le doigt et bientôt le bras.
Qui se souvient encore de ce passage de la célèbre conférence de presse du général de Gaulle du 21 février 1966 où il avait annoncé au contraire notre retrait du dispositif intégré ?
Et voici que des conflits où l'Amérique s'engage (...) risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu'il pourrait en sortir une déflagration générale. Dans ce cas, l'Europe dont la stratégie est dans l'OTAN celle de l'Amérique serait automatiquement impliquée dans la lutte, lors même qu'elle ne l'aurait pas voulu. Il en serait ainsi pour la France si l'imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tel ou tel de ses ports dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps.
Que dire de plus ?
Roland HUREAUX
[1] CR in Revue politique et parlementaire, octobre-décembre 2015, article de Jean-Claude Empereur
[2] Confidence à Jean-Pierre Chevènement in L'Homme nouveau, janvier 2016, article de Thibaud Colin
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