Source [Le Salon Beige] De Marion Duvauchel, Fondatrice de la Pteah Barang au Cambodge :
La coronavirus serait un évènement mondial. Comme on ne sait pas vraiment, mais qu’on a peur de louper quelque chose, on (Emmanuel Macron) a déclaré il y a peu que le pire était devant nous. Cela ne mange pas de pain. On se souvient des stocks de vaccins achetés en France lors de la dernière « pandémie », et qui n’ont jamais été écoulés. C’était à l’époque que Mme Bachelot. Principe de précaution.
Ici, au Cambodge où je vis pour quelques semaines, mes amies khmères francophones m’ont expliqué le sourire aux lèvres qu’il n’y pas de cas avéré, pas un. Parce que le virus n’aime pas la chaleur et qu’en ce moment, il fait entre 34 et 38 degrés.
Donc, tous les pays très chauds sont préservés. Pour le moment. Du moins si l’on en croit le petit peuple, et je ne vois aucune raison de douter de la parole de jeunes femmes qui vivent à Phnom Penh, parlent le français, travaillent, lisent la presse et ne sont pas des idiotes.
Bien sûr la maladie est réelle. La grippe aussi, qui a tué l’an dernier en France 8000 personnes contre 3500 décès du coronavirus dans le monde entier. Ça n’a pas mobilisé, la grippe. A juste titre : dans le monde, on meurt, on meurt beaucoup, de toutes sortes de choses. C’est injuste mais c’est ainsi. On a un vaccin contre la grippe, les gens ont le choix de se faire vacciner ou pas.
La Chine domine ou prétend dominer l’économie mondiale. On ne va quand même pas pleurer les quelques soucis que ce virus génère et qui la rendent plus vulnérable. ça retentit sur nous ? Bonne leçon. Il était temps qu’on réalise que se soumettre à une économie mondiale qui ne profite à ce jour qu’aux banques, aux traders, aux multinationales et aux ONG écolos, c’est une folie, une erreur, une faute et un crime envers les nations dont les économies sont sorties en ruine et une partie des Français enragés et en couleur jaune fluo.
Les gens paniquent et dévalisent les rayons paraît-il. Tant mieux pour l’économie sucrière et les pâtes italiennes. Que voulez-vous dire d’autre ?
On me trouvera sans cœur pour les pauvres vieilles gens qui meurent de ce virus. Il faut bien mourir un jour, alors de ce virus, de la grippe ou d’un AVC, qu’est-ce qui est mieux ? On veut libéraliser la mort douce pour les vieux, mais on crève de trouille qu’ils meurent dans les EPHAD de ce truc qui vient de Chine. Faudrait savoir.
La seule chose de souhaitable, c’est de mourir en paix avec le Seigneur, avec quelques contritions pour les péchés commis et accessoirement pour tout le bien qu’on n’a pas fait, qu’on a omis de faire ou qu’on a empêché autrui de faire. Et si on a passé une vie entière à faire le bien, je ne vois pas pourquoi on n’éprouverait pas une grande impatience de voir enfin Celui en Qui on a cru.
Dans le village où je vis, il n’y a pas d’eau. Le gentil gouvernement de Hun Sen ne semble pas se soucier de cette pénurie d’eau. Il faut des « moteurs » (prononcez à la façon khmère) pour pomper l’eau, et dans le petit centre où je vis, de l’eau il n’y en a que la nuit, même avec un moteur. Je me lève donc comme les Chartreux, non pas pour glorifier Dieu mais pour remplir mes réservoirs. J’en profite d’ailleurs pour glorifier le Seigneur, dans la foulée, tant qu’à être debout aux heures improbables de la prière de nuit.
On n’y meurt pas vieux dans ce bled perdu, et les femmes n’ont plus leurs dents de devant, ce qui nous rappelle ce livre de pure médisance d’une ex concubine d’un président normal de funeste mémoire, concubine qui nous a livré quelques tristes secrets sur le regard que ce président normal porte sur la pauvreté. Mais dans ce village où les bouches sont édentées, surtout les femmes qui ont porté des enfants, on y meurt paisiblement, veillé par le fils, ou la fille, c’est selon. Quand l’heure de l’agonie est là, on sort une grande affiche de Bouddha, même pour la femme chrétienne que j’ai veillée il y a quelques mois, on allume des bougies et on condamne l’espace autour de la mourante par un sommier et un store vénitien rustique. On signifie ainsi que l’espace est sacralisé.
Et on attend. On ne prie pas. Le bouddhisme ne prie pas, il convient de le signaler. C’est une ascèse et une technique de salut. On a quelques rituels pour les défunts, parce qu’on en a peur. Alors on sort les hauts parleurs, et on banquète pour les éloigner en vociférant dans les hauts parleurs (ça, c’est pour tous ceux qui rêvent le bouddhisme d’opérette transfusée dans nos sociétés européennes, qui méditent beaucoup, même dans les paroisses, et prient de moins en moins). Il n’y a rien à demander au Bouddha, il n’est pas un Dieu. C’est une icône vide devant laquelle on pose une bougie, un peu d’ail, une bouteille d’eau. Pure superstition dirait le cher Emmanuel Kant, et cette fois, avec raison.
Il y a une presse française au Cambodge: le Petit journal je crois. Récemment, on y lisait que Hun Sen, celui qui gouverne le Cambodge, avait courageusement aidé les vietnamiens en 1959 à libérer son pays, après 9 ans chez les Khmers rouges. Ce pan de sa vie est toujours dans l’ombre mais tout le pays sait qu’il est gouverné par un ancien criminel politique. Quand il a compris que les Khmers rouges, c’était fini, il s’est découvert une âme de soldat résistant. Bien lui en a pris : il est premier ministre d’un « royaume », qui est une dictature vendue lambeau par lambeau aux Chinois. Près du village où j’ai fondé ce petit centre pour enfants, il y a un golf. Privé : c’est celui de Mme Hun Sen. L’immense immeuble de très grand luxe à deux pas du lycée français est totalement vide : Mme Hun Sen y fait ses courses. J’y vais parfois quand je suis à Phnom Penh, pour tirer de l’argent, prendre le frais et voir s’il y a du luxe français. Il y a, il y a…
Récemment deux immeubles en cours de construction se sont effondrés à Sihanoukville, (devenu un énorme casino pour Chinois, une sorte de Las Vegas).
Ceci dit, il y a un développement du pays, avec une inflation terrible, et des zones rurales oubliées.
J’ai un jour à table, entendu un amiral qui a une ONG vanter les mérites de Hun Sen. Puis me chanter cocotte sur le refrain « si toutes les ONG voulaient se donner la main », mais accepter à contrecoeur la carte de visite que je lui tendais, en se gardant bien de me laisser la sienne. Il est vrai que je suis une femme et que je ne suis pas une ONG.
Pour le moment, à Phnom Penh, tout va bien, il y a encore de l’eau.
Mais quand l’eau manque dans une ville, faut-il rappeler ce qui se passe ? Les rats, la maladie, la saleté, la violence aussi, ou plus exactement l’exaspération d’une population asservie. La colère, comme on sait quand on a un peu lu Saint Thomas d’Aquin, est une requête de justice.
Il n’y a pas que le coronavirus sur la terre : il y a l’incurie des hommes. Si nous n’étions d’incurables gougnafiers, nous tomberions à genoux pour pleurer toutes les larmes de notre corps.
ça donnerait pas mal d’eau, croyez-moi.
Rédigé à Phnom Penh lors d’une pause de deux jours pour y dormir et acheter du matériel.
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