On a beaucoup parlé d'une des premières nominations déterminantes d'Obama : celle d'un nouveau juge à la Cour suprême. C'est une décision fondamentale, car la Cour suprême joue un rôle majeur dans toutes les démocraties et plus encore aux États-Unis qu'ailleurs : c'est elle qui juge de la conformité des lois votées avec les principes constitutionnels.

Le juge David Souter ayant démissionné pour raison d'âge, il revenait au président de faire le choix d'un nouveau membre, choix qui doit encore être approuvé par le Sénat.

Sur quoi a-t-on insisté, de part et d'autre de l'Atlantique ? D'abord, il s'agit d'une femme, Sonia Sotomayor : elle sera la troisième femme à siéger à la Cour. Très bien, même si ce n'est pas à nos yeux le critère essentiel. Ensuite, elle est d'origine hispanique : fille d'immigrés portoricains, élevée dans le Bronx. Comme le dit Le Monde, une nouvelle fois, le rêve américain a été convoqué par Barack Obama . Si l'on veut dire par là que cela montre l'extraordinaire mobilité sociale aux États-Unis, où l'ascenseur social n'est pas en panne, contrairement à ce qui se passe chez nous, il n'y a pas de doute.

Obama a déclaré : Peu importe d'où on vient, peu importe à quoi on ressemble ou les défis que lance la vie ; aucun rêve n'est inaccessible aux États-Unis. Le capitalisme américain aurait-il du bon ? Toujours est-il que l'origine modeste (et étrangère) de cette femme ne l'a pas empêché de passer par Princeton et Yale, qui ne sont pas des universités réputées pour pratiquer la gratuité ; il existe donc bien des moyens de financer ses études : encore une contre-vérité qui tombe, au moment où les étudiants français refusent la moindre hausse des droits d'inscription. Obama s'est expliqué sur ce choix en affirmant qu'il avait recherché quelqu'un ayant une parfaite maîtrise du droit et une expérience de la vie grâce à un itinéraire personnel inspirant . Ce deuxième point est moins convaincant : l'expérience est utile, mais on peut avoir de l'expérience sans être issu d'un milieu social défavorisé.
Le droit, le beau et la sympathie
Qu'est-ce qui nous chagrine alors dans cette nomination, qui répond en effet bien aux critères du rêve américain ? Sonia Sotomayor est un personnage sympathique et attachant, et une bonne juriste. Mais la Cour suprême est au cœur du système américain, comme Tocqueville l'avait déjà observé, et elle est depuis longtemps l'objet d'enjeux considérables. Le nouveau juge avait fait il y a quelques années quelques déclarations imprudentes, affirmant que ses choix en matière de jugements étaient influencés par son double regard de femme et de Latino : il eût mieux valu qu'elle soit influencée par des considérations strictement juridiques, liées à la protection des droits fondamentaux. D'ailleurs, elle avait rectifié plus tard en disant qu'on ne pouvait tordre la Constitution sous aucun prétexte .
En France les médias politiquement corrects ont fait observer qu'elle était en phase avec la société , formule signifiant qu'elle rejoint sur les principaux sujets (comme la question sensible de l'avortement) non la majorité des Américains (qui, elle, est pro-life ), mais l'intelligentsia, l'establishment, les stars, etc. qui, eux, ont des positions laxistes en matière de mœurs et de questions de société (les lobbies pro-choice , pro mariage gay, etc.). Obama a souligné comme critère important l'empathie , faculté de se mettre à la place des justiciables et à s'identifier aux espoirs des gens et à leur difficultés . C'est beau et sympathique, mais est-ce le rôle d'un juge et son critère ultime de jugement ? N'y a-t-il pas des droits naturels supérieurs aux bons sentiments ?
Or pour l'instant, il y avait quatre juges réputés conservateurs en matière d'avortement ou de mariage gay, c'est-à-dire favorables à la vie, quatre favorables à ces évolutions sociétales (du mariage gay à l'avortement) et un qui fait la balance suivant les cas. Remplaçant un progressiste, elle ne modifiera pas l'équilibre ; mais la nomination suivante, elle, pourra faire basculer les choses. Or Obama a montré plusieurs fois sur ces questions de société, en prenant de graves décisions, qu'il penchait nettement du côté progressiste, ce qui lui a valu récemment de fortes mises en garde de l'Église catholique américaine. Cette nomination ne va pas rassurer les défenseurs de la vie et de la morale naturelle et chrétienne.
* Jean-Yves Naudet est président de l'Association des économistes catholiques (http://aecfrance.new.fr)
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