Rio+20

Fin juin, le Saint-Siège est parvenu à faire gommer de la déclaration finale de la conférence Rio+20 sur le développement durable toute référence aux « droits sexuels et reproductifs des femmes ». Retour sur une victoire diplomatique capitale.

Du 20 au 22 juin dernier s’est tenu à Rio de Janeiro la conférence mondiale sur le développement durable, 20 ans après le « Sommet de la Terre » qui y avait été convoqué par les Nations-Unies. En 1992 déjà, certains responsables d’organisations non gouvernementales et chefs de délégations nationales avaient établi pour la première fois un lien entre diminution de la population mondiale, maîtrise de la fécondité des femmes et protection de l’environnement.

Limiter la population à un chiffre écologiquement viable

Mais c’est surtout lors de la rencontre de Copenhague de 2009 sur le changement climatique que la question des « droits sexuels et reproductifs » des femmes est devenue l’une des propositions majeures d’une politique internationale sensée sauvegarder la planète. En particulier, le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) recommandait dans son rapport préparatoire de limiter drastiquement les naissances pour contrer les modifications du climat. La population mondiale ne saurait dépasser « un chiffre écologiquement viable » si la communauté internationale voulait lutter efficacement contre le péril climatique, avertissaient à l’époque les experts de l’agence onusienne [1]. Pour combattre le « réchauffement climatique », les pays riches étaient ainsi sommés de financer massivement les indispensables services de santé reproductive – avortement au premier chef – pour limiter la natalité excessive des pays émergents présentée comme le facteur numéro un du désordre écologique actuel. 

On peut donc dire que la vulgate antinataliste des grands de ce monde a changé de paradigme au cours de la dernière décennie. Depuis la fin des années 60, la thématique récurrente du contrôle de la population reposait sur le spectre de la « bombe démographique » d’une part, la pénurie alimentaire et son cortège de famines d’autre part, qui convainquirent les instances internationales de mettre en place d’importants programmes de planification familiale. Depuis, nombreux sont les scientifiques à avoir montré que la problématique de la malnutrition ne dépendait pas d’abord de facteurs démographiques. Benoît XVI l’a rappelé le 16 novembre 2009 à la tribune de la FAO, l’organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture : le drame de la faim est structurel et résulte d’abord de l’égoïsme du bloc des nations riches, « alors que se confirme le fait que la Terre est en mesure de nourrir tous ses habitants [2]».

Le nouvel éco-malthusianisme

Le néo-malthusianisme était l’idéologie permettant de justifier la décroissance démographique des Etats émergents susceptible de gêner le bien-être économique des pays riches. L’éco-malthusianisme ou écologie anti-nataliste est la nouvelle idéologie légitimant cette limitation des naissances à l’échelle mondiale. L’impérialisme reproductif est aujourd’hui recyclé au nom du développement durable selon le mot d’ordre de ses promoteurs pour lesquels « un monde toujours plus peuplé est un monde toujours plus pollué [3]». Le sacrifice de la vie humaine sur l’autel de l’écologie est en quelque sorte devenu le nouvel avatar de la guerre des puissants contre les faibles.

Adoptant une vision biocentrique, cette nouvelle pensée considère que la personne humaine n’est qu’un être vivant parmi les autres – qui plus est l’un des plus redoutables prédateurs –, dans une nature déifiée qui serait à sauver pour elle-même. Le nouvel impérialisme écologique réclame donc que la communauté internationale empêche – par la pilule contraceptive – ou supprime – par la diffusion du stérilet, de la pilule du lendemain et de l’avortement « sans risques »,… –  autant de vies humaines qu’il est nécessaire pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L’homme n’a aucune valeur en soi, il est une variable d’ajustement écologique, tout enfant qui nait n’étant qu’un émetteur de CO2 en puissance.

Ecologie intégrale et créativité humaine 

Dans son encyclique Caritas in veritate, le Pape a magistralement montré que la façon dont l’homme considère la vie des plus vulnérables rejaillit sur la manière dont il traite la création, et vice-versa. Si le droit à la vie n’est pas respecté inconditionnellement, l’écologie n’est plus qu’un mot creux: « Le livre de la nature est unique et indivisible, qu’il s’agisse de l’environnement comme de la vie, de la sexualité, du mariage, de la famille,… Les devoirs que nous avons vis-à-vis de l’environnement sont liés aux devoirs que nous avons envers la personne (…). On ne peut exiger les uns et piétiner les autres. C’est là une grave antinomie de la mentalité et de la praxis actuelle qui avilit la personne, bouleverse l’environnement et détériore la société » (Caritas in veritate, n. 51). Humilier la vie humaine en exaltant la nature nous fait retomber dans les pires formes d’un néopaganisme destructeur, prévient le Saint-Père. Ce n’est qu’en respectant une écologie humaine intégrale que l’écologie proprement dite en tirera avantage (Ibid.).

Plusieurs climatologues acquis aux thèses de l’austérité démographique et de la décroissance estiment avoir prouvé l’incompatibilité entre le respect de l’environnement et le niveau actuel de la population mondiale. Or, les outils informatiques utilisés sont uniquement capables d’extrapoler à partir des données brutes et préprogrammées d’un système, « oubliant d’intégrer la donnée la plus essentielle : la créativité humaine qui a la puissance de changer les systèmes [4]». Benoît XVI ne dit pas autre chose : « Il y a de la place pour tous sur la Terre: la famille humaine tout entière doit y trouver les ressources nécessaires pour vivre correctement grâce à la nature elle-même, don de Dieu à ses enfants, et par l’effort de son travail et de sa créativité » (Caritas in veritate, n. 50).

Défaite historique des délégations pro-choice

Quoi qu’il en soit, c’est donc sans surprise qu’au mois de juin dernier plusieurs délégations diplomatiques, alliées à la puissante Fédération internationale du Planning familial, ont fait de l’inclusion des « droits sexuels et reproductifs des femmes » dans le document final une condition sine qua non de la réussite de la conférence Rio+20. L’ancien premier ministre norvégien Go Harlem Brundland pouvait ainsi affirmer en ouverture des travaux que la « seule réponse à la croissance démographique humaine et à la diminution des ressources naturelles était l’émancipation des femmes [5]». 

C’était sans compter l’autorité morale dont jouit encore le Saint-Siège au sein de ce genre de rencontre, qui a su rassembler autour de lui des Etats aussi divers que le Chili, la Russie, le Nicaragua, le Honduras, le Costa-Rica, l’Egypte ou la République dominicaine[6]. Dirigé par un gouvernement de gauche, le Nicaragua a d’ailleurs joué un rôle non négligeable pour emporter l’adhésion de nombreux pays en voie de développement. Au final, la formule controversée était retiré de la déclaration finale.

Les leaders politiques pro-choice n’ont pu que reconnaître une sévère défaite, dont la secrétaire d’Etat des Etats-Unis Hillary Clinton en personne. A l’inverse, tous les observateurs présents ont salué (ou dénoncé, c’est selon) une victoire historique de l’Eglise catholique dont la délégation nommée personnellement par Benoît XVI a su rappeler aux 190 Etats réunis au Brésil qu’il n’y avait pas de respect de la planète sans protection de sa plus grande richesse : la personne humaine de sa conception à sa mort naturelle.

[1] Grégoire Allix, « Limiter les naissances, un remède au péril climatique ? », Le Monde, 19 novembre 2009.

[2] Benoît XVI, Discours au siège de la FAO, 16 novembre 2009.

[3] Caroline Fourest (rédactrice en chef de la revue ProChoix), « Croissez et polluez », Le Monde.fr, 29 juin 2012.

[4] « Le sommet de Copenhague a pour objectif de réduire la population mondiale », Mecanopolis, 14 décembre 2009.

[5] Timothy Herrmann et Stefano Gennarini, « Les féministes révoltées par l’échec de la cause du droit des femmes à Rio+20 », C-FAM, 29 juin 2012.

[6] Lire Anne Kurian, « Rio+20 : le Saint-Siège défend les enfants à naître », Zenit, 27 juin 2012 et Antonio Gaspari, « La famille naturelle à la base du développement durable », Zenit, 29 juin 2012.