Retraites : une réforme bien maladroite

Source [Roland HUREAUX] Si le but de la réforme des retraites est de conforter la réputation de réformateur du président Macron auprès d’une certaine bourgeoisie qui réclame sans se lasser« des réformes, des réformes ! », qu’importe  lesquelles,  ou des institutions européennes voire des Allemands qui veulent aussi que la France est l’air de se réformer, il fallait en effet faire le plus grand tapage autour de cette réforme, quitte à en rabattre tellement, notamment sur les délais d’application et qu’elle ne soit plus in fine que l’ombre d’elle-même.

S’il s’agit au contraire de faire  œuvre utile, le grand branlebas qui accompagne la réforme ne pouvait être que dangereux. Il était en effet extrêmement maladroit de laisser entendre que l’on ferait un « big bang » des retraites, que tout le système serait « remis à plat »etc. C’était on ne peut plus anxiogène pour des Français légitimement attachés à leur retraite et qui ne savent pas, devant le système complexe qui leur est proposé, s’ils seront gagnants ou perdants, la majorité ayant, à tort ou à raison, le sentiment de devoir être perdants. Cela en un temps où l’avenir est particulièrement incertain.

La réforme des retraites pouvait avoir trois objectifs :

- Instaurer un système de retraite par points ;

- Harmoniser les  régimes ;

- Alléger le poids des retraites dans l’économie française en retardant l’âge moyen du départ pour tenir compte du vieillissement de la pyramide des âges et ainsi permettre de financer les retraites à venir sans alourdissement  des cotisations.

Un seul objectif aurait suffi

De ces trois objectifs, il eut été plus habile de n’en choisir qu’un, de se concentrer sur celui-là, quitte à repousser les autres à plus tard.

L’objectif le plus nécessaire et le plus facile à réaliser aurait été le passage à la retraite par points. A condition de garantir en même temps de la manière la plus formelle la neutralité  financière  pour toutes les catégories.

La retraite par points, bien conçue, offre plusieurs avantages : le principal est de donner le libre choix de la date de départ aux salariés – et aux autres. L’actuel système comportant  une date seuil  constitue un préjudice trop lourd pour ceux qui partent trop tôt et rend difficile de partir plus tard. 

Il aurait peut-être permis de réduire ultérieurement la disparités de régimes sans  bouleverser les  situations acquises.

Le système de points  permettrait aussi de récompenser ceux et surtout celles qui font le plus pour préparer les retraites de demain : les femmes ayant élevé des enfants , si possible nombreux.  Malheureusement,  ce n’est pas dans cette direction que s’est orienté le  gouvernement. Le rapport Delevoye faisait entièrement l’impasse sur la question démographique, ce qui est une grave  erreur :

- Quant au fond car les deux questions, retrait et pyramide des âges, sont intimement liées, comme le savent tous les experts sérieux ;

- Par rapport à l’opinion car le calcul de la retraite par trimestres lui a fait perdre de vue ce rapport  et il aurait été bienvenu que le nouveau système ait à cet égard  une valeur pédagogique que l’ancien n’avait pas. Hélas, ce n’est pas le cas.

En proposant de  fiscaliser tout ce qui n’est pas strictement  financier dans le système par points, Macron affaiblit d’avance les avantagés  qui pourrait été accordés aux mères de famille et  provoque la suspicion sur le maintien des autres avantages.

Tout cela  montre à quel point la réputation de  Jean-Paul Delevoye est surfaite : il ne  suffit à l’évidence pas d’avoir  été  chef d’entreprise, chiraquien de choc et à cheval sur la droite et  la gauche pour  être un grand réformateur.

En proposant de fiscaliser tout ce qui n’est pas strictement  financier dans le système par points, Macron  affaiblit d’avance les avantagés  qui pourraient été accordés aux mères de famille et  provoque la suspicion sur le maintien des autres avantages.

Dernière erreur : on a laissé se répandre dans les hautes sphères patronales et même gouvernementales que le système par points pourrait être le moyen de reprendre sournoisement une partie de l’argent qui revenait aux  salariés .

La même rumeur avait circulé sur la TVA sociale. Des patrons y avaient vu le  moyen de « faire suer le burnous »,  de déplacer encore au bénéfice du capital et au détriment du travail le curseur du partage de la plus-value. Résultat : la TVA dite sociale , pourtant nécessaire  et qui demeure le seul moyen , du point de vue français, de sauver l’euro, s’en est trouvée durablement discréditée.

Il faut espérer que la présente réforme, si maladroitement conduite, n’aboutira pas de la même manière à discréditer durablement la retraite par points  qui n’est pas en soi un mauvais idée.