Au nom de la lutte contre l'homophobie, le ministre de l'Éducation nationale couvre une opération de propagande en faveur de la banalisation des comportements homosexuels. Notre mobilisation contre cette campagne a déclenché un grand nombre de réactions, positives et négatives.

Des personnes, se présentant elles-mêmes comme homosexuelles, se disent blessées par notre refus d'accepter que l'homosexualité soit présentée à des adolescents, en classe, comme une orientation naturelle de leur sexualité parmi d'autres.
À chacune, y compris celles qui nous insultent et malgré l'anonymat derrière lequel beaucoup se cachent, j'aurais aimé écrire personnellement. Il en va des souffrances liées à l'homosexualité comme de toute souffrance. Rien n'est plus personnel, unique, intime, singulier. Il est déjà difficile de comprendre sa propre souffrance ; comment comprendre vraiment celle de l'autre ? Cette incapacité ne veut pas dire mépris ou indifférence, au contraire. Toute personne en souffrance est respectable ; elle porte un appel à davantage d'attention et d'accompagnement, quand bien même elle insulterait le ciel et la terre entière.
Que certains qui se sentent blessés aient voulu exprimer ce qui déborde de leur cœur, soit. Leur attitude ne m'empêchera pas de penser qu'elles se trompent si elles espèrent trouver la solution à leurs difficultés en forçant la société à changer ses paradigmes et ses références fondatrices.
Le contenu même de ces réactions m'oblige à m'en expliquer davantage en précisant ici quelques points en discussion.
La souffrance ne saurait empêcher l'exercice de la raison
En premier lieu je voudrais indiquer à ceux qui nous en accusent que nous ne confondons pas homosexualité et pédophilie. La pédophilie est généralement définie comme l'attirance sexuelle d'un adulte envers des personnes impubères. Elle est classée comme trouble de la sexualité par la CM1 (Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes) qui est la liste des causes de morbidité et de mortalité publiée par l'OMS. L'homosexualité procède de processus psychologiques très différents et beaucoup la considèrent comme une orientation innée.
En France, si la majorité légale est à 18 ans, la majorité sexuelle est à 15. Mais à ne s'en tenir qu'à cette frontière légale, banaliser l'homosexualité chez des adolescents qui, on le sait, sont encore souvent en quête de maturité, fait objectivement courir le risque concret de banaliser la pédophilie en facilitant la transgression de cette frontière perméable et floue. En ce sens, lorsque Gérard Longuet s'étonne que l'on promeuve à l'école de nouvelles formes de sexualité tout en combattant la pédophilie, il n'a pas tort : il met le doigt sur une divergence qui va au-delà du simple paradoxe .
Une autre personne écrit c'est désespérant de vous lire , et me pose cette question : Vous êtes-vous jamais demandé ce qu'on ressent lorsqu'on est homosexuel et que 90 % des gens autour de vous sont hétérosexuels et imposent la norme (le plus grand nombre) ?
Au risque de surprendre ce correspondant, oui, je me suis demandé ce que ressentaient les personnes homosexuelles dans un milieu hétéro !
L'enquête que j'ai conduite m'a appris qu'il existe autant de manières de vivre son homosexualité que de personnes homosexuelles. Sans doute existe-t-il des constantes ; mais en dépit de quelques généralisations approximatives, il y a autant de manières d'être heureux ou malheureux que d'individus, précisément parce que leur identité et leurs aspirations ne se réduisent pas à cela.
Un combat politique
Beaucoup de personnes homosexuelles ont le sentiment d'être marginales, minoritaires, mal acceptées, incomprises ; c'est la raison pour laquelle elles vivent souvent entre elles et ne cherchent guère à s'insérer dans des réseaux plus larges. Le communautarisme est pour elle une tentation fréquente.
Ce constat permet-il de comprendre la vraie nature de leur malaise ? Mettre des mots sur des souffrances profondes permet-il de les comprendre ?
Que les associations gayes demandent pour les personnes homosexuelles le respect dû à tout individu est une requête légitime. Si ce respect n'est pas assuré dans certains établissements scolaires ou universitaires, il est normal qu'elles en saisissent l'autorité compétente et remontent jusqu'au ministre s'il le faut.
En revanche, en tentant de prendre en charge l'éducation sexuelle des enfants, elles changent de registre et révèlent leurs véritables intentions. Il ne s'agit plus d'une juste revendication, mais d'une pensée militante destinée à asseoir le pouvoir d'un petit groupe qui utilise la souffrance des uns et la culpabilité des autres pour parvenir à ses fins. Exploiter politiquement les problèmes d'une minorité, jouer sur les ressorts personnels, moraux, intimes sont des méthodes caractéristiques des idéologies révolutionnaires qui ont ensanglanté le XXe siècle.
Les lobbies gays qui cherchent à faire croire aux homosexuels qu'ils seront heureux et respectés lorsque les comportements homosexuels seront — enfin — reconnus à l'égal des comportements hétérosexuels, grâce à leurs luttes, les trompent... Comme le Parti communiste a trompé la classe ouvrière russe en 1917.
Et c'est là que fonctionne le piège politique ; car il s'agit aussi de politique et de liberté politique, c'est pourquoi cette question nous concerne. Bien loin de libérer les personnes homosexuelles, les associations gayes qui veulent structurer la vie en société sur le respect de fausses identités, institutionnalisent l'aliénation et les conflits dont celles-ci sont la cause.

C'est à quoi songent les lobbies gays en voulant introduire dans les enseignements sur la sexualité l'idée qu'il n'existe plus deux sexes mais seulement des orientations diverses, toutes équivalentes en fait, et plus encore en droit : hétéro-masculin, hétéro-féminin, homo-masculin, homo-féminin, bi et enfin transsexuel.
Cette utopie augmentera peut-être un peu le nombre de jeunes homosexuels mais les rendra-t-elle plus respectueux les uns des autres et mieux dans leur peau ? Au vu de très nombreux témoignages, l'expérience, y compris celle de la vie dans les milieux gays ou lesbiens, ne permet pas de l'affirmer. Les rapports de domination ne sont pas abolis pour autant ; ils changent simplement de support.
La notion d'identité
Pour respecter une personne, il n'est heureusement pas nécessaire de connaître ni de qualifier son comportement sexuel. Que cette réponse soit éprouvée comme blessante ou révoltante par une partie de la communauté homosexuelle témoigne qu'il existe en effet un vrai problème. Mais ce problème n'est pas tant dans la société que dans l'esprit de ceux qui, pour des raisons idéologiques, veulent faire du prosélytisme.
Ce problème repose sur plusieurs confusions.
En premier lieu, la réduction de l'individu à ses actes, quels qu'ils soient. Or toute personne les dépasse infiniment, heureusement pour chacun de nous. Inversement, conférer à un individu une identité sur la base de son comportement, en particulier sexuel, c'est à coup sûr l'aliéner en l'enfermant dans une finitude d'autant plus désespérante que l'acte, une fois posé, devient irréversible et irrémissible.
Cette confusion entretenue — sciemment ou non — fait l'impasse d'une part sur la liberté fondamentale de chacun, plus ou moins réalisée dans les actes posées, d'autre part sur la possibilité de changer, en bien ou en mal, donc sur le progrès possible de chacun dans sa conduite. Dès lors, juger un acte, devient juger la personne, donc la rejeter si cet acte qui désormais la définit est refusé ou jugé négativement par d'autres, voire par lui-même. C'est la raison pour laquelle, sans le savoir clairement, certains désespèrent de leurs propres actes, et renoncent à toute possibilité de changement au point d'être tentés par le suicide.
On sait bien que l'adolescence est fréquemment l'occasion d'expériences de toute nature, y compris homosexuelles, souvent passagères, voire réduites au stade préliminaire de la tendance, expériences qui témoignent seulement d'une ambivalence qui tarde plus ou moins à se stabiliser. Mais à cause de cette confusion entre l'acte et l'identité, des jeunes qui ont eu une relation homosexuelle occasionnelle en viennent de ce seul fait à se définir comme homosexuels et sont contraints de s'enfermer dans ce qui leur est imposé comme une identité. Au prix d'une désespérance immense.
Au risque de blesser les 5 à 7 % de Français qui ont fait, font ou feront une expérience homosexuelle (d'après le site militant monchoix.net), il n'y a jamais eu, il n'y a pas, et il n'y aura pas davantage demain d'identité homosexuelle, pas plus qu'il n'y a une identité hétérosexuelle. Sous ce rapport sexuel, il n'y a d'identité que masculine et féminine, et cette différence est reçue, qu'on le veuille ou non : elle échappe à notre volonté, comme d'ailleurs nombre des autres constituants de ce qui finit par faire l'identité, spécifique et unique, de chacun de nous : à commencer par ses parents, sa famille, son pays de naissance. Un comportement, une inclination, une habitude, ne constituent pas une identité : on ne s'identifie pas plus à son honnêteté (ou sa malhonnêteté), à son courage (ou à sa lâcheté), qu'à sa profession, sa confession ou à ses hobbies.
Qu'il existe des bipolarités différentes, que la bi-sexualisation psychique soit en partie culturelle, qu'elle puisse être difficile pour certains, personne ne le conteste. Il n'en demeure pas moins qu'être femme, c'est être né d'un être du même sexe que le sien, et qu'être homme c'est être né d'un corps de sexe différent. Il n'est pas nécessaire d'avoir fait beaucoup de psychologie pour comprendre que parce qu'il est sexué, l'homme devra renoncer à être ce qu'il est à son origine, union des différences. Il ne trouvera son identité qu'en s'identifiant à celui qui est comme lui à l'origine, et en renonçant à s'identifier à celui qui n'est pas comme lui et qui cependant lui aussi est à l'origine (Thibaud Collin – in Le Mariage gay, les enjeux d'une revendication, Eyrolles, 2005.)
Tout individu se structure dans la différence grâce à un tissu de relations complexes qui commencent dès avant la naissance. La sexualité y entre pour une large part ; mais elle n'est pas seule en cause, loin s'en faut. Toute relation humaine n'est pas sexuelle même si l'érotisation actuelle de la société tend à le faire oublier. L'amitié, la connivence, la communion entre deux personnes peuvent être de nature principalement spirituelle, intellectuelle ou esthétique ; elles sont d'autant plus riches qu'elles sont libres de toute connotation sexuelle, à l'inverse de la démarche d'identification par l'homosexualité.
L'aliénation par l'enfermement dans le regard de l'autre
L'affirmation selon laquelle la différence sexuelle, masculin/féminin, serait source d'aliénation et favoriserait la projection d'une situation dominante des hétéros sur les homos , résulte de la même confusion. L'un de nos détracteurs m'écrit : Tu te crois supérieur parce que tu es attiré par les filles ? Ca te fait être quelqu'un de supérieur? Foutaise! Et un autre dit à peu près la même chose avec plus de courtoisie : Cette campagne permettra aux jeunes homos ou bisexuels et bisexuelles de pouvoir s'affirmer, et ne plus se sentir dévalorisés et humiliés sans cesse.
Elle résulte d'une erreur fondamentale sur le sens dans lequel fonctionne l'aliénation. La revendication gay consiste à faire croire que l'on ne peut exister que dans le regard de l'autre et donc à imposer à l'autre de conformer son propre regard à ce que chacun voudrait que cet autre voie de lui.
Un lycéen l'écrit sur notre site : Je suis gay, et l'homophobie à l'école, je connais : insultes, moqueries au quotidien, dévalorisation de soi par ces propos qui nous humilient sans cesse, alors qu'on ne choisit pas d'être homo ! Risque d'agression physique, devoir se taire pour éviter le rejet, etc.
Il n'est pas question de mettre en doute ce témoignage ; mais est-ce que la cause du rejet dont est victime ce jeune homme est son homosexualité, ou bien sa fragilité intérieure dans un environnement scolaire où les règles de respect les plus élémentaires n'ont plus cours ? Faire croire à des jeunes qu'ils seront heureux lorsque le regard des autres sur eux aura changé, c'est les placer sous une dépendance qui est à l'opposé de toute libération véritable. Chacun sait que la maturité affective n'est possible que si on se libère du regard des autres, en particulier de celui des parents, pour exister par soi-même et s'aimer tel que l'on est, et non comme les autres nous voient, ou nous imaginent.
Le plus sûr moyen d'être respecté et reconnu, c'est donc d'abord de savoir soi-même qui on est. Quel que soit le groupe ou la communauté, ceux qui manquent de confiance en eux-mêmes risquent toujours d'être transformés, à un moment ou à un autre, en souffre-douleur ou en bouc-émissaire.
En conclusion, imaginer que l'on va enseigner le respect de l'autre en jetant un voile sur la structure profonde de la personnalité, en confondant identité et comportement sexuel à un âge où la personnalité est mouvante, relève de la plus pure utopie et d'un grave déni de la réalité.
Les très nombreuses réactions que nous avons reçues nous confirment que la pétition que nous avons lancée pour alerter l'opinion publique et le ministre de l'Éducation nationale est plus justifiée que jamais. C'est pourquoi nous invitons toutes les personnes de bon sens à la signer, y compris les personnes homosexuelles qui ne veulent pas se faire manipuler par des lobbies qui ne défendent leurs intérêts qu'en apparence et instrumentalisent leurs souffrances à des fins politiques.
Pour en finir sur le respect des différences, je ne peux pas passer sous silence les insultes dont certains ont agrémenté leurs propos. Le site Liberté politique.com est un site d'échange. Nous remercions tous ceux qui nous ont adressé des commentaires, dans un sens comme dans l'autre, même s'ils sont en désaccord avec nous. Certains ont exprimé leur souffrance : nous les respectons. D'autres ont crié leur colère ou nous ont insultés sous le masque de l'anonymat : nous ne l'acceptons pas.
Ce forum est libre d'accès, la parole y est libre, mais cette liberté comporte une condition sans laquelle elle ne survivra pas : le respect de l'autre et de ses arguments. Ceux qui espèrent nous intimider se trompent. Nous refusons le terrorisme intellectuel de ceux qui se croient, d'un bord ou de l'autre, les bien-pensants d'aujourd'hui.
Nous en appelons donc à la responsabilité de chacun. Si certains ne le comprennent pas, nous retirerons leurs commentaires de la liste des messages reçus.
* Thierry Boutet est porte-parole de la Fondation de Service politique.
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