Source [Le Figaro] Plusieurs commentateurs ont assimilé le mouvement des Gilets jaunes à la Révolution française. Pour Yves Mamou, cette révolte est, au contraire, tout l'inverse d'une révolution : issue de la base, elle s'oppose à la « révolution par le haut » des élites.
Les Gilets Jaunes n'ont pas de chef et la décentralisation est la marque de fabrique du mouvement. Quand des leaders naturels émergent, les Gilets Jaunes se mobilisent et les surveillent de près, menaces à l'appui s'il le faut. Le 30 novembre, l'un des deux Gilet Jaune qui avaient accepté de rencontrer Edouard Philippe à Matignon a aussitôt rompu le contact après le refus du Premier ministre que l'entretien soit filmé.
Cette obligation de rendre compte en temps réel est un signe. Le signe que la confiance qui est au fondement de la démocratie représentative ne joue plus. Un Gilet Jaune qui accepterait de négocier sans contrôle en temps réel serait aussitôt disqualifié. Ce n'est pas un hasard non plus, si les cahiers de doléances ont pour exigence régulière le droit au référendum d'initiative populaire.
Le peuple de France ne fait plus confiance à ses représentants. Ce que le baromètre de la Confiance que publie le Cevipof, le centre d'études politiques de Sciences-Po, confirme année après année. En janvier 2017, alors que François Hollande occupe encore l'Élysée, 70 % des personnes sondées par le Cevipof estimaient que la démocratie ne fonctionnait «pas très bien» ; 81 % éprouvaient des sentiments qui allaient de la méfiance à l'écœurement en passant par le dégoût vis-à-vis du personnel politique. En janvier 2018, le même baromètre révélait que 71 % des Français doutaient de la probité du personnel politique et que 69 % n'avaient confiance ni dans la droite, ni dans la gauche pour gouverner le pays.
Le soutien indéfectible - malgré les violences - que les Français apportent aux Gilets Jaunes marque une cassure franche et tangible entre les représentants élus - le pouvoir légal - et le peuple - le pouvoir légitime. Partis politiques et syndicats qui pourraient avoir un rôle d'intermédiation, paraissent hors-jeu. Bref, la situation a toutes les apparences d'une situation révolutionnaire.
Pourtant, la révolte des Gilets Jaunes n'est pas une révolution. Elle est même en réalité tout le contraire. Il s'agit d'un mouvement de restauration nationale, un mouvement de restauration de la démocratie et un rejet de la révolution, la vraie, celle que les élites politiques, économiques et administratives ont imposée trente années durant au peuple de France.
La mondialisation des économies, l'euro, Schengen, l'immigration musulmane…ont été les outils des partis politiques, gauche et droite confondus, pour révolutionner en profondeur la société française. L'ouverture des frontières - aux hommes comme aux marchandises, les délocalisations, la concurrence de la main-d'œuvre nationale par une main-d'œuvre importée… - n'a jamais donné lieu à un quelconque débat politique. Tous ces processus menés tambour battant ont abouti à la relégation d'une majorité du peuple de France dans des zones du territoire ou la seule existence possible est la survie. Les travaux du géographe Christophe Guilluy sur la France périphérique en attestent.
Oui, les Français ont, ces trente dernières années, été les victimes d'une révolution autoritaire menée sans débat ni consultation, une «révolution par le haut».
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