Décryptage. - La Fondation que vous présidez fête cette semaine le dixième anniversaire du rappel à Dieu de Jérôme Lejeune. Le souvenir du professeur laisse-t-il encore aujourd'hui un message ?
Jérôme Lejeune était un artiste et un amoureux.
" La science commence par l’étonnement ", disait Aristote. Etonnement des artistes devant le réel. Eux seuls vont droit au ressenti, au Vrai, à l’inverse de ceux qui théorisent. La démarche artistique est en effet celle qui associe en même temps la sensation directe, le sentiment profond et l’expression juste. C’est exactement la démarche du scientifique. La sensation directe a permis à Jérôme Lejeune, à partir de ses observations, d’être l’auteur d’importantes découvertes en génétique. Le sentiment profond l’a conduit à formuler des hypothèses d’explication. Enfin Jérôme Lejeune avait une grande maîtrise de l’expression juste, ce qui est aussi nécessaire en littérature qu’en science.
Jérôme Lejeune était aussi un amoureux parce que si la science commence par l’étonnement, " la connaissance se poursuit par l’admiration ". Connaître, c’est comprendre et aimer. Toute sa vie, il a essayé de retisser entre eux les fils du cœur et de la raison. La fin du XXe siècle a marqué la rupture entre le cœur et la raison, avec le détournement légal de la morale scientifique et médicale. Comme vous le savez, le Pr. Jérôme Lejeune n’a pas sacrifié la vie de ses petits patients au développement de l’eugénisme.
" Je n’ai qu’une solution pour les sauver, c’est de les guérir ", disait-il. Mais primum non nocere, d’abord ne pas tuer. Aimer signifie d’abord : je ne veux pas que tu meures.
Je viens de vous décrire à la fois le scientifique et le chrétien. Pour lui, il n’y avait aucune opposition. " Le Vrai demeure, ce qui tarde, c’est le vérifié ", disait-il. Et puis, vous le savez, les artistes et les amoureux sont nécessairement très près de Dieu.
Parlez-nous de ses relations avec Jean-Paul II ?
St Irénée disait : " La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. " En cherchant la gloire de Dieu, Jean-Paul II n’a cessé de parler de l’homme vivant. En parlant de l’homme vivant, Jérôme Lejeune a trouvé la gloire de Dieu. Si le savant et le berger, par des routes différentes, poursuivent la même étoile, n’est-il pas naturel qu’ils se retrouvent au pied de l’enfant ?
Timete Dominum et nihil aliud. Craignez Dieu et rien d’autre. Pour Jean-Paul II et Jérôme Lejeune, la crainte de Dieu, c’était simplement la crainte de blesser un enfant.
Le Pape lui a rendu un magnifique hommage en venant se recueillir sur sa tombe lors des JMJ de 1997 à Paris. C’était certes le geste d’un ami mais surtout une exhortation très claire pour tous les hommes de bonne volonté à suivre son exemple d’apostolat laïc.
Quels événements vont marquer ce dixième anniversaire ?
Tout d’abord, ce jeudi 1er avril, le cardinal Philippe Barbarin, primat des Gaules, a célébré une messe pour la vie à Notre Dame de Paris. Samedi 3 avril à 10h30, un pèlerinage partira de l’église Saint Martin d’Etampes vers la tombe de Jérôme Lejeune à Chalô-Saint-Mars. On trouvera toute information sur ce pèlerinage sur notre site www.fondationlejeune.org.
Nous attendons nombreux tous nos amis pour ces deux moments forts. Mais il y en aura d’autres tout au long de l’année : conférences, expositions, livres, etc.
Enfin, les 8 et 9 novembre prochains, à Paris, un grand congrès scientifique – les Journées Internationales Jérôme-Lejeune – devrait permettre de faire le point sur nos recherches.
On a dit que Jérôme Lejeune était mort sans parvenir au bout de ses recherches sur la trisomie 21 ; a-t-on depuis, fait des progrès dans ce domaine ? En quoi la fondation y contribue-t-elle ?
Depuis la mort du Professeur, au matin de Pâques 1994, la fondation qui porte son nom poursuit sans relâche son œuvre scientifique et médicale. Comme lui, avec nos moyens, nous agissons au profit des personnes souffrant d’un handicap mental d’origine génétique.
La finalité de la recherche est de parvenir à mettre au point une prévention et ou un traitement améliorant, puis normalisant les fonctions intellectuelles des malades.
La mise au point de tels traitements peut passer par deux voies principales : 1/ comprendre d’abord les causes précises : c’est le domaine de la recherche fondamentale ; 2/ observer le malade et ses réactions et en tirer des hypothèses par analogie : c’est le domaine de la recherche appliquée.
La poursuite de ces deux voies, par la fondation, permet des avancées thérapeutiques. En favorisant cette synergie, la fondation autorise des progrès, auxquels on ne songeait même plus après la mort de Jérôme Lejeune. En quelques années, la fondation est devenu le premier financeur de la recherche sur la trisomie 21 en France. Mais nous accueillons aussi en consultation des patients qui présentent d’autres pathologies. Notre recherche est donc nécessairement multidirectionnelle.
La culture de mort n’a cessé de se développer depuis dix ans ; ne craignez vous pas que la cause de ces enfants là soit passée par pertes et profit par une société égoïste et matérialiste ? Pourquoi vous paraît-il impératif de les défendre ?
Il est impératif de défendre l’homme parce que la société – même dans les milieux considérés comme les plus protégés ou les plus érudits - tend à ne plus savoir ce qu’est un homme. Entre 1994 et 2004, la loi de bioéthique est passée de la sélection des enfants à naître, par le diagnostic prénatal, à la déshumanisation complète de l’être humain, avec l’expérimentation sur l’embryon.
Je n’ai pas la moindre confiance dans une société qui promeut l’avortement pour éviter la naissance d’enfants handicapés et qui fait de l’embryon un matériau de laboratoire. Cette société est capable de tout. Comment voulez-vous que les autorités de ce pays soient crédibles quand elles prétendent faire du social, donner des leçons de civilité ou faire des cours de morale au monde entier ? Que la France commence par ne pas tuer ses propres enfants, quand ils sont handicapés ou malades ! Ce serait déjà un grand progrès !
Quels sont vos projets et vos perspectives de développement ?
" Davantage ", aurait répondu Monsieur Vincent. Notre centre médical de consultation spécialisée doit être plus connu et accueillir plus de patients car les besoins sont immenses. Nos protocoles de recherche à visée thérapeutique doivent entraîner plus d’inclusions de patients. Mieux soigner les malades en mobilisant les ressources de notre intelligence et de notre volonté - même s’il s’agit de maladies réputées inguérissables aujourd’hui - il y va de l’honneur de la médecine et de la civilisation et surtout de la vie de nos patients.
Comment peut-on vous aider ?
Ora et labora. Par les fruits de votre prière et de votre travail. Pensez à nous, parlez de nous et aidez-nous financièrement. Le reste, on s’en charge et on vous rend des comptes. Le regard de Jérôme Lejeune éclaire notre route.
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