Election présidentielle explosive aux États-Unis...

Source [Polémia] L’élection présidentielle américaine sera décidée le 3 novembre. Voilà la théorie. Car, dans la pratique, il est fort probable que les résultats de cette élection soit contestés pendant des jours. D’abord parce que les scores des deux candidats risquent d’être très serrés dans plusieurs États clefs. Mais aussi parce que le vote par correspondance, dont le dépouillement est autorisé jusqu’à plusieurs jours après le vote, risque d’être décisif. Les accusations de fraude contre les Démocrates se sont multipliées ces derniers jours, notamment via le travail d’enquête de Project Veritas.
Analyse de cette situation explosive par Frédéric Eparvier.

L’importance de la Cour suprême

Lundi 26 octobre, le Sénat américain a confirmé la juge de cour d’appel Amy Coney Barrett à la fonction de « Associate Justice[1] » de la Cour suprême par un vote de 52 à 48. C’est, à une voix près, la répartition actuelle des deux partis au Sénat : 53 républicains et 47 démocrates. Le sénateur qui fit défaut fut Mme Susan Collins de l’État du Maine, un État de la côte est, traditionnellement plutôt démocrate. Elle a indiqué, après son vote, ne pas vouloir être marquée trop à droite en ayant soutenu un juge visiblement très conservateur et surtout pro-vie[2] (ACB, comme l’appellent ses supporters, a sept enfants, dont deux adoptés et un trisomique).

Cette confirmation, en plus d’avoir un impact certain sur toute une série de questions sociétales véritablement centrales dans la vie américaine, comme la liberté de port d’armes, l’avortement, la liberté religieuse… est sans doute un pas beaucoup plus important qu’il n’y paraît à première vue pour la réélection de Donald Trump, même s’il est trop tôt pour savoir comment Mme Coney Barrett pourrait voter si un tel sujet arrivait à la Cour suprême. Ce qui est certain, c’est qu’elle s’est récusée pour les cas qui seront discutés à la Cour suprême cette semaine (voir ci-dessous).

En effet, il y a fort à parier que la réélection de Donald Trump va se jouer à très peu de chose, et il est même possible que les résultats d’un ou deux États clefs (les fameux « Battleground States ») soient, in fine, décidés à la Cour suprême comme lors de l’élection de 2000 entre Bush junior et Al Gore[3].

Déjà, ce vendredi, les neuf juges de la Cour suprême se sont réunis pour décider s’ils devaient accepter de prendre en compte trois affaires de procédures électorales dans les États du Wisconsin, de Caroline du Nord et de Pennsylvanie[4].

Le système des Grands Électeurs

Si, en 2016, Hillary Clinton obtint 65,8 millions de votes, soit 3 millions de votes de plus que Donald Trump pour les États-Unis tout entier, elle fut devancée de 76 000 voix dans trois États traditionnellement démocrates : la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin, et, de ce fait, perdit les élections qui sont décidées non par le suffrage populaire direct comme en France, mais par les Grands Électeurs de chaque État. Petite particularité locale, le système est celui du « Winner takes all », c’est-à-dire que le candidat qui arrive en tête dans un État (même d’une voix) gagne l’intégralité des Grands Électeurs dudit État, sauf dans le Maine et dans le Nebraska où a été institué un système de districts congressionnels qui découpe un peu plus finement les résultats.

Par souci de clarté dans les calculs ci-dessous, j’ai considéré le Maine comme unitaire, alors que les sondages laissent penser que Trump pourrait gagner un des quatre Grands Électeurs de cet État. En revanche, le Nebraska devrait aller dans sa globalité aux Républicains.

Le rôle de la Cour suprême est essentiel car, selon toute vraisemblance, le résultat des élections va être tellement serré qu’il y a fort à parier que le résultat de plusieurs États, et particulièrement celui de la Pennsylvanie, se jouera sur le tapis vert.

En effet, la situation actuelle est très serrée, voire quasiment imprévisible. S’il y a un mois environ, Joe Biden semblait sûr de l’emporter, les prévisions d’un certain nombre d’États ont commencé à s’inverser en faveur de Donald Trump depuis :

  • la nomination de Mme Coney Barrett à la Cour suprême (qui a rassuré les électeurs conservateurs) ;
  • sa rédemption du Covid-19 (le mythe du surhomme) ;
  • et de bons résultats économiques : 56 % des Américains pensent qu’ils vivent mieux aujourd’hui qu’il y a quatre ans[5].

Ainsi, la Floride, avec ses 29 Grands Électeurs, était donnée favorable à Joe Biden il y a un mois, mais semble maintenant basculer en faveur de Donald Trump, du fait notamment d’un excellent score du président auprès de la minorité hispanisante/cubaine. Par ailleurs, des États plutôt conservateurs, comme l’Arizona, semblent retourner vers le Parti républicain après la désignation de la juge conservatrice Amy Coney Barret début octobre. Et puis, il faudra y revenir si Donald Trump gagne, lui a fait campagne, alors que Joe Biden donnait l’image de vivre enfermé dans sa cave, gagnant ainsi le nouveau surnom de Sleepy Joe, « Dormeur », alors qu’au Sénat, quand il représentait le Delaware, c’était plutôt « Gaffeur ». Bref, un homme d’exception.

Les États acquis aux Démocrates

En ce samedi 31 octobre, Joe Biden et Kamala Harris sont certains de gagner (par ordre du nombre de Grands Électeurs indiqué entre parenthèses)[6]: la Californie (55 GE), l’État de New York (29), le New Jersey (14), la Virginie (13), l’Etat de Washington (12), le Massachussetts (11), le Maryland (10), le Minnesota (10), le Colorado (9), le Connecticut (7), l’Oregon (7), le Nevada (6), le Nouveau Mexique (5), Hawaï (4), le Maine (4), le New Hampshire (4), Rhodes Island (4), le Delaware (3), Washington DC (3), et le Vermont (3) soit un total de 213 Grands Électeurs. Le lecteur attentif, et comment ne le serait-il pas puisqu’il lit Polémia, aura noté que ce sont essentiellement les États littoraux dont je parlais dans mon précédent article.

Les États acquis aux Républicains

Tandis que Donald Trump et Mike Pence sont quasi certains de gagner le Texas (38), l’Ohio (18), le Michigan (16), l’Indiana (11), le Tennessee (11), le Missouri (10), l’Alabama (9), la Caroline du Sud (9), le Kentucky (8), la Louisiane (8), l’Oklahoma (7), l’Arkansas (6), l’Iowa (6), le Kansas (6), le Mississipi (6) l’Utah (6), le Nebraska (5), la Virginie Occidentale (5), l’Idaho (4), l’Alaska (3), le Montana (3), le Dakota du Nord (3), le Dakota du Sud (3), et le Wyoming (3) ce qui en bonnes mathématiques fait un total de 204 Grands Électeurs.

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[1] Il y a neuf juges à la Cour suprême des États-Unis. Un « Supreme Justice » et huit « Associate Justice ». Ils sont nommés à vie sur proposition du président des États-Unis et après confirmation à la majorité simple par le Sénat. Il y a 100 sénateurs aux États-Unis.
[2] C’est-à-dire opposé à l’avortement.
[3] Techniquement, en 2000, la Cour suprême ne valida pas l’élection de Bush, mais ordonna que la troisième opération de comptage des bulletins ne soit pas prise en compte, ayant été menée après la date limite décidée par l’État de Floride. À cette époque, Al Gore avait reconnu la victoire de Bush sur pression des caciques du Parti démocrate, qui respectaient encore la tradition politique américaine, ce qui serait fortement douteux dans le cas de Trump.
[4] Je n’avais pas les résultats de cette rencontre à l’heure où je termine cet article.
[5] Sondage Gallup d’il y a une semaine.
[6] Cette certitude est fondée sur le fait que certains États votent traditionnellement démocrate ou républicain, comme la Californie qui n’a pas voté républicain a une présidentielle depuis 1988 et George H. W. Bush (le père) ; et sur les sondages quand l’avance d’un candidat est de plus de 10 %.