Le professeur Christian Perronne estime que les hésitations du gouvernement et des experts médicaux concernant l'hydroxychloroquine et le protocole du professeur Raoult nous conduisent à commettre une grave erreur. Entretien.
Le professeur Christian Perronne est chef du service infectiologie de l'hôpital Raymond Poincaré de Garches. Spécialiste de la maladie de Lyme, il a été président de la commission spécialisée maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique. Il est aussi coresponsable des cours en maladies infectieuses et tropicales pour l’université de Versailles-Saint-Quentin, et membre de l'OMS. Il s'inscrit en faux contre ce qu'il considère comme une vision erronée de la médecine de la part des experts médicaux ayant critiqué la méthodologie des essais du Professeur Raoult sur l'hydroxychloroquine. De même, il revient sur les suspicions concernant les effets secondaires de ce médicament, qu'il juge disproportionnées au vu de sa connaissance personnelle de ce dernier.
Marianne : Pourquoi avoir pris position en faveur du professeur Didier Raoult et de ses essais cliniques sur l'hydroxychloroquine, au moment où nombre d'experts médicaux entendent rester prudents ?
Christian Perronne : Je suis un scientifique pragmatique. Et cela me désole de voir l'ampleur qu'a pris, en France, l'esprit des statistiques sur le véritable esprit de la médecine. Il consiste à laisser penser que la médecine ne procède que de chiffres, de tirages au sort, d'équations… Cela est efficient lorsqu'on peut procéder sur le long terme, mais devient totalement inopérant dans certains secteurs de la médecine, comme celui des maladies rares.
Il est consternant de constater que dans la médecine actuelle la démarche empirique puisse être méprisée, sous prétexte qu'on n'ait pas recouru à des tests en randomisation avec tirage au sort. Ce qui est impossible actuellement, alors que nous sommes dans une situation d'urgence, une crise sanitaire comme nous n'en avons pas connue depuis un siècle. En cela nous nous devons plutôt de considérer une méthode de "médecine de guerre", bien loin des préceptes méthodologiques que prêchent les experts médicaux.
Certains relèvent tout de même des problèmes méthodologiques dans le premier essai clinique de Didier Raoult... La méthodologie du test européen "Discovery" en cours n'est-elle pas meilleure ?
Reprenons quelque peu. Avant la publication des études de Didier Raoult, des études chinoises avaient déjà relevé les vertus de la chloroquine pour baisser la charge virale du coronavirus, ce que de nombreux experts chinois ont pu confirmer depuis. Comme ce fut le cas dans une étude ce mardi, qui valide le protocole de Didier Raoult en montrant que l'hydroxychloroquine améliore l'état des patients en début d'infection.
On a critiqué Didier Raoult après sa première étude, dont il a révélé les résultats le 16 mars dernier, car il n'avait pas 500 malades et un test en double aveugle disponible sous la main. Mais, en réalité, nul besoin de 300 malades pour démontrer que la charge virale baisse. Si l'on sait des médecins chinois que le virus peut persister jusqu'à trois semaines d'une part, et que le protocole du professeur Raoult diminue la charge virale au bout de quelques jours d'autre part, nous nous devons d'avancer sur la base du succès de ce protocole. Mais cela en dérange beaucoup de voir que le protocole marseillais fonctionne. Ce qui n'empêche pas d'évaluer le protocole par la suite, avec la méthode de long terme qui convient.
Quant au test "Discovery", il ne prend pas en compte le protocole du professeur Raoult (hydroxychloroquine et azithromycine dès l'apparition des premiers symptômes), mais uniquement l'hydroxychloroquine, et ce sur des cas dans des situations de pathologies aggravées. Pour cela, ce test fait preuve d'absence d'éthique. On leur dit qu'ils vont être tirés au sort, et éventuellement ne pas être traités, tout en connaissant très bien les chiffres de mortalité élevés de cette maladie.
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