Source [Riposte laïque] Ce 11 septembre 2001, j’arrive place de la Bourse, à 16 heures, pour prendre mon service. Je suis en petite moto, 125 cm3, que je viens de ranger avec le nécessaire antivol et je me dirige rue Notre-Dame-des-Victoires où je dois travailler, comme tous les soirs, dans les locaux plutôt agréables du quotidien économique « La Tribune ».
Un copain du Syndicat du Livre, par ailleurs Pied-noir, me crie, au volant de sa voiture : « Tu as vu, les Arabes ont fait péter des tours à New York ». Comme il est considéré comme raciste, j’écoute d’une manière distraite le propos, n’y prêtant guère attention. Je monte au premier étage, là où mes amis ouvriers du Livre effectuent le montage des pages du quotidien. Et là, je devine que cela est plus sérieux que prévu. Tout le monde est agglutiné devant les téléviseurs et il règne un silence de plomb. Personne n’ose parler.
Deux populations, fort différentes, regardent les mêmes images sur les écrans de télévision. On voit le grand nuage de poussière, les deux tours détruites, et plein d’intervenants essaient de servir à quelque chose en expliquant des banalités. On sent, dans la salle, que les journalistes sont très atteints par cette nouvelle. Ils ont, pour beaucoup d’entre eux, des amis à New York, des collègues, et on les sent sincèrement inquiets. Certains pleurent. Ce n’est pas du tout le cas des ouvriers du Livre CGT. Il n’y a pas besoin de la caricature du PC (aucun d’entre nous n’était encarté dans ce parti) pour qu’un anti-américanisme, très fort, existe dans nos rangs. Et comme l’image de Bush était catastrophique, que beaucoup étaient allés voir les films de Michael Moore et que, après la chute du Mur et l’effondrement du bloc soviétique, l’arrogance américaine battait son plein, j’étais certain que, chez nous, cela n’allait pas tarder à réagir. Et cela ne manqua pas.
Un camarade à nous, plutôt grande gueule, pas toujours très fin, c’est vrai, lança la charge. « Bien fait pour la gueule des Ricains », cria-t-il à la cantonade. Je vis le visage de nombre de journalistes se crisper, indignés par le propos. Mais nous étions la CGT Livre et, en général, les journalistes nous craignaient et ne nous cherchaient pas trop des noises. Donc, personne ne répliqua tandis que, chez nous, aucun autre salarié ne chercha à défendre les Américains.
Les plus prudents, dont je faisais partie, diront que c’était terrible mais que, quitte à ce que cela arrive à quelqu’un, autant que cela tombe sur les Amerloques. Je fis part également de ma surprise devant le fait que plusieurs avions aient pu mettre en échec le système de défense américain et m’interrogeai, avec des correcteurs gauchistes, sur la possible connivence de certains services secrets américains avec les terroristes, pour mieux justifier, plus tard, des interventions qui feraient le jeu du lobby militaire américain.
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