En l’état actuel de l’opinion, ce sont 650 000 catholiques pratiquants qui, après avoir voté pour lui en 2007, ne voteront pas pour Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle de 2012 et qui lui feront, peut-être, manquer sa réélection.
Tel est le principal enseignement du sondage que l’Association pour la Fondation de Service politique vient de réaliser avec l’IFOP. Ce sondage met clairement en lumière le décrochage des catholiques pratiquants vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Tant au premier tour qu’au second.
Intentions du premier tour
Au premier tour, les catholiques pratiquants placent encore le Président sortant en tête de leurs intentions de vote, à 38%, largement au-dessus de son score national qui est de 24%. Viennent ensuite François Hollande avec 22%, puis, à égalité avec 17%, François Bayrou et Marine Le Pen.
L’ordre d’arrivée n’est pas une surprise : on sait depuis longtemps que les catholiques votent majoritairement à droite, et plus encore les pratiquants. Mais ces 38% sont en retrait de 4 points sur un sondage identique effectué en février 2007, où Sarkozy atteignait 42%. Or, et cela mérite d’être souligné, la certitude d’aller voter est aussi en retard de 2 points chez les catholiques par rapport à l’ensemble de la population et de 4 points par rapport à l’ensemble des catholiques [1]. Comme si l’hésitation, alors que les pratiquants sont plutôt des citoyens consciencieux, se traduisait directement dans les intentions de vote du premier tour.
Celles-ci recèlent d’autres surprises. Chez les pratiquants encore, la déperdition du Président sortant ne se fait pas au profit de Marine Le Pen : avec 17% d’intention de vote, elle est en-deçà de sa moyenne nationale qui est à 19% ; par contre, ce sont les non-pratiquants qui la créditent de 21% et lui font gagner 7 points par rapport à 2007. Quant à François Bayrou, avec 17% d’intention de vote chez les pratiquants, il retrouve presque son niveau de février 2007 : là se trouve son socle électoral traditionnel et le mieux assuré, alors que les non-pratiquants n’expriment que 10% d’intention de vote en sa faveur.
Cependant le plus étonnant est la percée de Hollande chez les pratiquants où il gagne 6 points par rapport au niveau de Ségolène Royal en février 2007 (contre 2 points de gain seulement chez les non-pratiquants). Pourtant ni les personnalités ni les thématiques ne sont les mêmes et la candidate de 2007 aurait dû les séduire davantage hier que son ex-compagnon aujourd’hui ; de plus le sondage a été effectué en pleine polémique sur le quotient familial alors que la question de la famille constitue, on le sait, un facteur déterminant de clivage politique pour les catholiques pratiquants. Est-ce parce que Hollande rassure ? Est-ce un par « anti-sarkozysme primaire » ? On ne saurait le dire à ce stade ; d’autant que les transferts sont probablement plus complexes que ne le disent les chiffres bruts, avec des vases communicants (une partie des anciens électeurs de Bayrou se retrouvant encore chez Hollande, et une partie des anciens électeurs de Sarkozy le délaissant pour Bayrou) ; mais le résultat est là et suggère qu’un changement d’équilibre est peut-être en train de s’opérer. Son analyse reste à faire.
Le second tour est encore plus frappant.
À l’échelle nationale, en l’état actuel de l’opinion, Hollande l’emporterait avec 57% des voix, Sarkozy n’en recueillant que 43%. Une analyse un peu plus approfondie révèle cependant deux phénomènes notables qu’il faut souligner.
En premier lieu, considérés globalement, les catholiques se partageraient à égalité (50/50) entre les deux candidats. Cette égalité n’a pas de sens réel. En effet, les pratiquants seraient 61% à voter pour Sarkozy, tandis que 53% des non-pratiquants voteraient pour Hollande. D’où l’on peut, et doit, tirer une première conclusion : à supposer que l’on cherche à identifier un comportement politique des « catholiques » au sens large, il est clair qu’il n’est pas scientifique d’amalgamer pratiquants et non-pratiquants. On le sait depuis longtemps ; mais il semble que les sociologues ne s’en soient pas encore rendu compte. Autrement dit, il serait temps de passer au crible de la critique la notion même de « catholique non-pratiquant » qui, outre sa contradiction interne, fausse davantage les analyses, notamment politiques, qu’elle ne les éclaire.
En second lieu, même s’ils sont encore largement majoritaires à se prononcer pour Sarkozy au second tour, le pourcentage des pratiquants concernés a baissé de 11 points par rapport au même sondage effectué en février 2007 où le futur Président était alors crédité de 72% des intentions de vote sur ce segment de la population. C’est considérable ! En effet, si Sarkozy perd des points partout avec une moyenne de -8% à l’échelle nationale, la chute la plus importante se situe chez les pratiquants. Là se trouve peut-être une des clés de l’élection de 2012.
En effet, on évalue les électeurs qui se disent catholiques pratiquants à 15% de la population, soit, en rapportant ce pourcentage au nombre d’électeurs, à environ 6,5 millions. Une précision s’impose ici : les catholiques qui se disent pratiquants équivalent approximativement à ceux qui vont à la messe au moins une fois par mois ; cette catégorie est trois ou quatre fois plus large que celle des « messalisants » (ceux qui vont à la messe tous les dimanches, au moins), même si elle les englobe. Sur la base de cette estimation, 11 points de moins pour Sarkozy et donc 11 points de plus pour Hollande chez les catholiques pratiquants représentent environ 650 000 voix qui, pour l’heure, basculeraient de la droite vers la gauche au second tour de l’élection présidentielle.
Or on sait qu’au second tour, l’écart final entre les deux candidats sera plus resserré que ce disent les sondages actuels. Sauf cas particulier (Pompidou/Poher en 1969 ; Chirac/Le Pen en 2002), il en a toujours été ainsi, en raison même de l’équilibre politique du pays qui fait que l’élection présidentielle se joue toujours à la marge : au plus large, le score final est de 55/45 (de Gaulle/Mitterrand en 1965), et au plus serré de 51/49 (Giscard d’Estaing/Mitterrand en 1974). Autrement dit, même si la participation est élevée, ces 650 000 voix peuvent représenter 2% de l’électorat du second tour, c'est-à-dire le facteur de basculement dans un scrutin qui se jouerait à 52/48...
Voilà un enseignement du sondage qui ne devrait pas laisser indifférent : en dépit d’un bilan du quinquennat qui reste à décrire mais qui est loin d’être totalement négatif du point de vue des catholiques pratiquants si l’on se réfère aux valeurs fondamentales qui les touchent le plus (liberté scolaire, laïcité apaisée, défense de la vie et refus de l’euthanasie, intangibilité du mariage, refus de l’homoparentalité, etc.), l’exaspération dont ils témoignent envers Nicolas Sarkozy et dont on a souvent exposé les causes et les manifestations, les éloigne suffisamment de lui pour que le résultat de l’élection puisse en être changé si celui-ci est un peu serré.
PS. Note méthodologique :
Le sondage a été réalisé par téléphone du 12 au 20 janvier auprès d’un échantillon de 1 935 personnes âgées de 18 ans et plus, inscrites sur les listes électorales, dont 1 178 se déclaraient catholiques (246 pratiquants et 932 non-pratiquants).
Le clivage marqué entre pratiquants et non-pratiquants, une fois de plus constaté, oblige à s’interroger sur la légitimité scientifique d’amalgamer les deux pour identifier un « vote catholique » dans sa globalité, et plus généralement un « comportement catholique », dans les études sociologiques ou politiques. S’il ne m’appartient pas d’en juger dans le domaine religieux et sacramentel, en revanche il est clair dans les autres domaines, la pratique régulière induit des comportements spécifiques dont on ne rend pas compte si on la noie dans ce qui lui est contraire. Nous en avons d’ailleurs fait la démonstration dans l’étude que nous avons publiée au mois de septembre dernier sur les attentes des chrétiens vis-à-vis de l’élection présidentielle : celle-ci avait déjà montré que l’attention aux questions « sociétales » fondamentales, aux « valeurs non négociables », croissait en fonction directe et accélérée de la pratique religieuse.
Photo : François Hollande © Wikimedia Commons/ besoindegauche — Charles Hendelus/ licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 2.0 générique
Nicolas Sarkozy © Wikimedia Commons/ European People's Party/ Creative Commons paternité 2.0 générique
[1] Sur ce concept et ses limites, voir le post-scriptum méthodologique en fin d’article.
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Je suis ahuri, car tout de même Sarkozy fait le jeu des puissances d'argent. Les 24% de catholiques ont-ils oublié ou ignorent-ils la parabole du Riche et du pauvre Lazare. Quant à ceux qui votent Hollande, ignorent-ils que dans son programme il y a le mariage des homosexuels et l'euthanasie. Je pense que pour un catholique convaincu, on ne peut pratiquement rien choisir de ce qui nous est proposé, sauf peut-être Madame Boutin.
Qu'est ce qu'un catholique non pratiquant : un catholique qui ne va pas à la messe mais qui est un défenseur des points non négociables, ou bien est-ce aussi dogmatiquement parlant un dissident de la doctrine de l'Eglise catholique ?
Qu'est ce qu'un catholique pratiquant qui va une fois par mois à la messe parce qu'il est âgé, qu'il n'y a de messe qu'une fois par mois dans son petit village isolée de campagne ? ou une personne qui va une fois par mois par politesse, faire plaisir à papa, maman ou à la grand-mère ? Etc.
Fillon n'est pas plus que Sarkozy un défenseur des points non négociables ! On l'entend moins s'exprimer, c'est ce qui lui permet d'avoir un CV plus propret !
Pas très objectif votre article, à vous lire il n'y aurait que 2 candidats, pourquoi faire abstraction des autres ? Votre site se dit ne pas faire de désinformation ! j'en doute fort.