L'Etat westphalien se meurt. Le temps de la souveraineté à l'ancienne, façon vieux continent, est bien fini et taraude tous azimuts les candidats aux élections présidentielles. Et chacun se propose d'accompagner ou contrarier ces changements de manière différente.
A droite, les partisans de la France forte
Marine Le Pen, encore plus que son père peut-être, lutte contre les forces de la mondialisation – qu'elles soient militaires, financières ou politiques. « L'Etat fort » qu'elle souhaite est un Etat indépendant, surtout dans ses attributs régaliens : la défense, la diplomatie, la monnaie, l'édiction du droit. Ainsi, contrairement à Jean-Marie Le Pen, vieil ennemi du gaullisme, Marine Le Pen veut que la France se retire du commandement intégré de l'OTAN où Nicolas Sarkozy l'a mise puisqu'il « ne peut y avoir de grande Nation sans grande armée ». Mais, sa hargne est encore plus farouche contre les « technocrates apatrides » [1] de la Commission Européenne et de la Banque Centrale Européenne. Dans la droite ligne du Front National, la candidate veut redéfinir l'Union Européenne en une association de peuples libres, qui battent leur propre monnaie et dont le droit national prime sur le droit communautaire. La présidente du Front National est une westphalienne qui veut défendre la France dans le concert des Nations.
Nicolas Dupont-Aignan dénonce lui aussi le « côté obscur » de la mondialisation et la dérive fédéraliste et technocratique de l'Union Européenne. Cependant, son appartenance à la French-American Fondation (FAF) laisse songeur [2]. A qui ment-il ? A ces électeurs gaullistes ou à ses compères atlantistes ? Toujours est-il qu'il prétend vouloir construire une « France libre au service de l'intérêt général » et « une Europe des Nations utile ». A la manière du Front National, mais aussi des radicaux de la troisième République, il croit que la souveraineté d'un peuple se mesure à son indépendance et à son rayonnement. Debout La République veut promouvoir la Francophonie et les intérêts économiques de la France dans le monde et défendre l'armée nationale.
Le slogan de Nicolas Sarkozy pourrait être « l'union fait la force », ou plus exactement : la France à l'initiative du G20, la France dans l'OTAN, la France plus active et plus intégrée dans l'Europe (fût-il imposer un traité de Lisbonne) pour « La France forte ». Pour Nicolas Sarkozy, ce sont l'influence et la présence de la France sur la scène internationale qui font sa souveraineté aux yeux du monde et notre point d'Archimède se situe dans les institutions européennes et mondiales qui se créent.
A gauche, les nations créent les guerres
A partir de François Bayrou, que nous classerons à gauche à ce sujet, les candidats ne prêchent plus la France : ils se contentent de souhaiter la « redresser » selon le projet de François Hollande.
Le candidat du Mouvement Démocrate se borne à défendre un protectionnisme dans la production tandis que la vice-présidente du parti en charge des affaires étrangères et de la gouvernance internationale, Marielle de Sarnez, déclare le 27 octobre 2011 que « nous devons faire un pas supplémentaire vers une gouvernance économique européenne ! ». Son projet manque de clarté dans ce domaine et nous ne pouvons nous raccrocher qu'aux positions passées du candidat, c'est-à-dire, son opposition au retour de la France dans le commandement de l'OTAN (il réclamait alors un référendum plutôt que « l'amputation ») et sa volonté de renforcer des institutions telles que l'ONU ou l'UE.
François Hollande constate que le monde a changé et qu'il existe un « nouvel ordre international » qu'il s'agit de réguler pour contrer l'ennemi déclaré au Bourget : le monde de la finance. Il ne s'oppose donc pas à la gouvernance européenne ou mondiale, il veut y défendre les intérêts économiques de la France. Il se propose donc de réorienter la construction européenne par la mise en place d'un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité qui l’aggrave, par la défense d'un budget européen (2014-2020) au service de grands projets d'avenir et par une protection face à la concurrence déloyale (« en proposant un nouvel ordre monétaire international »). A l'échelle mondiale, le candidat socialiste veut « porter haut la voix et les valeurs de la France dans le monde » en créant notamment une organisation mondiale de l'environnement, en maudissant la guerre (par le retrait immédiat de nos troupes en Afghanistan) et en soutenant la paix (entre la Palestine et Israël, notamment), tout en restant dans l'OTAN.
Nous savons bien que la question écologique, parce qu'elle concerne tous les pays, sert de prétexte à la mise en place de la gouvernance mondiale plus totale. Europe Ecologie Les Verts ne fait pas exception. Eva Joly, la candidate franco-norvégienne, n'est pas connue pour son amour pour la patrie ou, en tout cas, pour les défilés militaires. La candidate compte défendre une nouvelle architecture de la gouvernance mondiale. Le Conseil de sécurité de l’ONU sera réformé avec la fin du droit de véto et la mise en place d’un siège européen. Une Organisation mondiale de l’environnement sera créée : ses normes contraignantes seront supérieures à celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Avec Mélenchon, la boucle est bouclée : nous retrouvons la même opposition au traité de Lisbonne et à la BCE que le Front National ou de Debout La République. Le Parti de Gauche prône la désobéissance au traité de Lisbonne : «Nous nous engagerons dans la mise en chantier d’un nouveau traité qui serait adopté en France par référendum […] Sans attendre cette échéance, nous agirons pour développer des politiques européennes nouvelles, libérées de l’emprise des marchés financiers […] Notre désobéissance fera tache d’huile dans l’Union et dans la zone euro. […] Nous agirons pour le réaménagement négocié des dettes publiques, l’échelonnement des remboursements, la baisse des taux d’intérêts les concernant et leur annulation partielle. Nous exigerons des moratoires et des audits sous contrôle citoyen. La France proposera une refonte des missions et des statuts de la BCE.»
Conclusion
Vu le tour que prend le monde, les deux critères principaux sur lesquels s'écharpent les candidats sont la défense (ou non) de la construction européenne et la vision politique (ou seulement économique) de la France dans le concert des Nations ; ou plus profondément, veut-on pour la France un avenir ? Ou voulons-nous simplement être une sorte de grand lobby pour défendre nos PME et nos agriculteurs ?
Retrouvez tous les articles de la présidentielle sur la gouvernance mondiale dans notre dossier :
[1] L'expression fut commise par de Gaulle.
[2] http://www.contre-info.com/nicolas-dupont-aignan-faux-rebelle-et-vrai-franc-macon
- Santé en 2012
- Égalité, parité et discriminations en 2012
- La solidarité en 2012
- Urbanisme, ruralité et aménagement du territoir...
- L’immigration en 2012
- La justice en 2012
- Le programme des partis pour l'Europe
- Un bref bilan financier
- Un genre de politique : la théorie du gender en...
- La famille : une équipe qui gagne
Ce qui est incroyable avec ces programmes c'est que le FN est le jeu des politiciens, comme si tout était fait pour diaboliser des propositions sensées mais rendues insensées par ceux qui les invoquent et qui donc ne sont même pas débattues. L'Europe est anti démocratique à cause de cela. On nous l'impose et nul ne peut émettre la moindre objection !
Complètement d'accord avec l'auteur quand il dit que "la question écologique, parce qu'elle concerne tous les pays, sert de prétexte à la mise en place de la gouvernance mondiale plus totale".
Voir le commentaire en entierLes actionnaires des grandes multinationales voient bien leurs intérêts : ils espèrent bien être les maîtres d'oeuvre de cette gouvernance mondiale. David Rockefeller disait d'ailleurs en 1999 : “Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire" (Newsweek International, 1er février 1999). Il ne faut donc pas s'étonner que les multinationales subventionnent les ONG écologistes. Citons en particulier la « Fondation JMG » crée par Jimmy Goldsmith, milliardaire franco-britannique. En mai 1972, il avait convié les grands noms de la banque et de l’industrie à un dîner au Ritz de Londres avec les responsables du Club de Rome, connus pour leur fameux rapport « Halte à la croissance ». A cette occasion, il avait décidé, avec son frère Teddy, fondateur de la revue radicale « L’Ecologiste », de mettre sur pied une Fondation écologique afin de financer les mouvements écologistes, principalement en Grande-Bretagne et en France (source "les contrevérités de l'écologisme", de S. de Larminat, page 198).