La transsexualité est devenue le cheval de Troie de ceux qui entendent déconstruire le modèle familial traditionnel, soupçonné d'exclure les personnes qui ne se sentent pas en conformité avec leur anatomie. Par décret, Roselyne Bachelot vient de leur envoyer son soutien.

 

Le 16 mai 2009, veille de la journée dédiée à la lutte contre l'homophobie et la transphobie , Roselyne Bachelot avait annoncé sa décision de supprimer la transsexualité de la liste des affections psychiatriques. C'est chose faite avec un décret publié le 10 février 2010, quelques jours avant la remise d'un rapport de la Haute autorité de santé sur ce sujet. C'est le genre de texte qu'un ministre fait passer juste avant son départ, pour marquer l'empreinte de ses convictions.
Le décret supprime les troubles précoces de l'identité de genre des affections psychiatriques de longue durée listées par le code de la Sécurité sociale. Première mondiale aussitôt qualifiée d' historique , par le porte-parole de l'Interassociative lesbiennes, gay, bi et trans. Un enthousiasme un moment pondéré par l'association Transgenre, de Strasbourg, qui a suspecté le gouvernement de vouloir dérembourser le coûteux parcours psycho-médico-chirurgical des personnes transsexuelles. Le ministère de la Santé a pourtant précisé que la transsexualité conserverait une étiquette de maladie pour rester à la charge de la Sécurité sociale.
Selon Robert Stoller, auteur d'une définition qui fait autorité, la transsexualité se caractérise par la croyance fixe d'appartenir à l'autre sexe, entraînant la demande que le corps soit corrigé en conséquence. Cette revendication est sociale : elle a un énorme impact sur les parents, frères ou sœurs, conjoints, enfants de la personne concernée.
Ressenti
Lorsque leur ressenti psychique contredit l'anatomie de leurs organes sexuels, les personnes peuvent entamer un parcours nommé transition jusqu'au changement d'état-civil. Aujourd'hui, elles s'adressent d'abord à la psychiatrie qui vérifie l'authenticité de ce qu'elles ressentent, puis une prise d'hormones entame le processus physiologique. L'étape ultime est chirurgicale : ablation puis reconstitution. Après ce stade, l'apparence intime sera pratiquement aboutie, mais au prix de l'amputation des organes reproductifs, d'une infertilité définitive et d'une fonctionnalité douteuse, sur les plans sexuels et urinaires.
Les personnes resteront toutefois trahies par leurs chromosomes originels (sauf rarissimes situations de détermination génétique imparfaite à la naissance).
Celles qui entament ces parcours en vue d'obtenir l'autre sexe disent souvent s'être senties différentes dès la petite enfance. D'autres ont construit des familles avant d'opérer leur mutation. Les associations militantes avancent le chiffre – invérifiable mais certainement surévalué – de 50 000 Français concernés. Il n'y aurait en France qu'une centaine d'opérations chaque année. Certains notent que la médiatisation du transsexualisme inciterait les candidatures de personnes à l'identité sexuelle fragile... Marginal, le phénomène n'en est pas moins emblématique d'une évolution sociale – mais aussi politique – préoccupante.
Déconstruction
S'il faut lutter contre les stigmatisations offensantes de personnes en grande souffrance, le caractère pathologique d'un trouble identitaire ne saurait être effacé d'un coup de gomme ministérielle. Surtout quand les drames personnels sont récupérés par l'idéologie. Car le transsexualisme est exploité par les théoriciens du Gender.
Dans la lignée de Foucault et Dérida, ce courant de pensée plaide pour la déconstruction des genres . Il conteste l' hétéronormativité du partage binaire de l'humanité entre hommes et femmes et plaide pour la variété des genres . Au lieu d'annoncer la naissance d'un garçon ou d'une fille il faudrait laisser à chacun le temps de déterminer s'il se sent homme ou femme puis quel sexe l'attire chez autrui, à l'instant T.
Les théoriciens du Gender voudraient enseigner, dès la maternelle, qu'on ne naît pas homme ou femme, mais qu'on le choisit librement. Ou bien – et là réside une ambiguïté notable – qu'on est obligé de se conformer à ce qu'on ressent, quitte à évoluer. La transsexualité est donc pain béni pour les lobbies transgressifs qui combattent les repères familiaux. Car elle brouille ces repères...
Si la personne transsexuelle était précédemment mariée, un changement de sexe validé par l'état-civil met notre droit devant le fait accompli d'un mariage entre personnes de même sexe. Et si elle avait des enfants, s'impose l'idée d'une parentalité gay .
C'est la douleur des personnes transsexuelles qui engendre leurs  revendications. Mais leur prétendu changement de sexe , à la fois irréversible – la liberté est donc à sens unique – et incomplet, souffre la contradiction.

 

*Tugdual Derville est le délégué général de l'Alliance pour les droits de la vie.

 

 

***