Au mois de juillet dernier, l’annonce par la direction de PSA de la fermeture du site d’Aulnay, usine emblématique et historique du groupe, a constitué un immense choc dans l’opinion, et révélé à tous la fragilité de notre outil industriel, même pour ce qui concerne nos « fleurons nationaux », et notre impréparation générale par rapport aux défis de la mondialisation et à l’exigence de compétitivité qui en découle.
Cette annonce a provoqué, de la part du ministre Montebourg et même du Président Hollande, fraichement élu, une série de diatribes acerbes contre la direction du Groupe et les « patrons » en général. Avec l’été, les choses se sont un peu tassées et dépassionnées, le ton est devenu, de part et d’autre, plus civil. Dès juillet, le ministre avait, opportunément, confié à l’ingénieur Emmanuel Sartorius un rapport sur « la situation de PSA Peugeot Citroën ». Ce rapport, remis au ministre le 11 septembre et rendu public [1], confirme la nécessité de la fermeture du site. Sur ce point, la messe est dite. Mais par ailleurs, il fourmille d’enseignements, le plus important étant, comme toujours, ce qu’on n’y dit pas…..
Pour comprendre, l’essentiel figure dans l’excellente synthèse de trois pages qui ouvre le rapport. Retenons-en quelques points :
Tout d’abord, la confirmation de l’opportunité de la décision de fermeture prise par les dirigeants du groupe. PSA est, en effet, très dépendant du marché européen (58% de ses ventes), qui connaît aujourd’hui une importante baisse. La chute des ventes du groupe affecte surtout la France, l’Espagne et l’Italie, où les marques sont très implantées. Après deux années 2010 et 2011 où les marques s’étaient redressées, celui-ci a fait l’erreur de croire à une reprise durable, et n’a pas anticipé les problèmes récents de ces pays. Aujourd’hui, il se trouve dans l’obligation grave de mettre son outil industriel en conformité avec la demande.
PSA est aussi un constructeur généraliste : les segments intermédiaires où il est présent sont les plus concurrentiels. Il occupe la position stratégique qui est toujours la plus difficile à tenir, celle du milieu, sur laquelle il se fait aujourd’hui tailler des croupières à la fois « d’en bas », par le prix, de la part des marques bon marché fabriquées à l’étranger (Logan) qui lui scient les jambes, et « d’en haut », par la qualité, de la part des constructeurs de marques de luxe (BMW, Mercedes) qui fondent sur lui, armées de leur image prestigieuse et de leur insolente bonne santé. Pris en tenaille, le groupe connaît un rythme de consommation de cash opérationnel intenable, qui l’oblige à « lâcher du lest » le plus vite possible.
Pour ajouter à cette faiblesse stratégique rédhibitoire, celle d’être « encalminé » à la fois dans le milieu de gamme et dans le « pot au noir » européen, loin des fortes brises étrangères que les autres ont su aller chercher, en Chine en particulier, PSA souffre également de son nanisme : à l’heure des méga-groupes, comme GM, VW, Toyota ou Renault-Nissan, il n’est que le 8ème groupe mondial.
Si l’on résume, PSA a ainsi, depuis près de 20 ans, raté la plupart de ses virages : celui de la spécialisation, celui de l’internationalisation, celui de la taille. Dans tous ces domaines, le rapport confirme les hésitations permanentes du groupe, qui a tenté alliances et partenariats techniques, sans jamais véritablement choisir sa voie et s’y tenir.
Par contre, en contrepoint de cela, deux éléments attirent aussi l’attention. L’un est la bonne santé financière du groupe. En effet, si la branche automobile perd de l’argent, les autres (GEFCO, Faurecia, BPF) en gagnent, de telle sorte que le résultat global du groupe est positif. De même, si le groupe est valorisé en bourse à 2,8 G€, il dispose de 14,5 G€ de fonds propres, et n’a que 3,4 G€ de dette nette. Le groupe est mal positionné et attaqué sur son cœur de métier, ce qui l’oblige à réagir, mais il n’en reste pas moins globalement très sain. Si ce n’est pas une « machine à cash », c’est quand même, si l’on peut dire, un « coffre-fort ». Par ailleurs, l’autre élément étonnant, c’est le rachat de ses propres titres par le groupe, une politique régulière poursuivie, elle, avec obstination entre 99 et 2011, pour plus de 3 G€, un montant très important. Si plusieurs objectifs sont possibles dans une telle stratégie [2], dans tous les cas, elle correspond à un renforcement du pouvoir des actionnaires de référence.
Lorsqu’on met tous ces éléments ensemble, une double évidence apparaît : d’une part l’impossibilité pour PSA, dans la configuration actuelle du marché, où le groupe ne détient aucune niche qu’elle puisse défendre avec profit, et où les monstres planétaires ont déjà accaparé les immenses marchés de volume émergents, de retrouver rapidement une position stratégique valable et défendable, et d’autre part l’opportunité que le groupe représente, à la fois sur le plan de sa valeur patrimoniale, de sa bonne santé financière, de la notoriété de ses marques, et de sa bonne implantation au sein du grand marché européen. A l’évidence, pour un prédateur, une proie idéale, et pour les propriétaires du groupe, qui n’ont cessé de resserrer les liens de leur actionnariat, une possibilité de vente exceptionnelle. Curieusement, alors que le rapport s’étend, dans la dernière partie, « Préparer l’avenir », sur nombre de projets (modularité, moteurs, véhicules hybrides ou électriques), et qu’il aborde aussi « le choix des actionnaires » et « le plan de PSA », il ne dit pas un mot sur la vision du groupe pour accomplir sa « remontée fantastique » dans le camp des gagneurs, ni comment il compte s’y prendre pour y parvenir. La question la plus importante, « qu’est-ce que vous comptez faire de cette affaire ? », n’est abordée nulle part. Un silence pesant règne sur ce qui devrait être l’aspect essentiel du rapport, alors qu’au-dessus plane l’ombre tutélaire de GM, l’immense partenaire américain, premier fabricant mondial, entré au capital en 2012 avec 7% des parts [3].
Se peut-il que la famille Peugeot ait tiré les leçons, depuis longtemps, de ses faiblesses, qu’elle ait conclu qu’elle ne pourrait pas s’en sortir, et qu’elle se soit préparée, de longue main, pour une telle issue ? Se peut-il alors que « l’opération Aulnay » ne soit qu’un embellissement de la mariée, en vue de la vendre aux enchères à un riche étranger ? Possible… Se peut-il que personne, ni direction, ni syndicats, ni politiques, n’ait pensé à cette éventualité ? Impossible. Se peut-il que personne, ni le groupe, ni les syndicats, ni surtout le gouvernement, qui paierait très cher et « cash », aux yeux de l’opinion, sa politique de harcèlement des grandes entreprises et des patrons, n’ait envie aujourd’hui d’aborder le sujet ? Sûrement ! Se peut-il que la famille Peugeot ait menacé le pétulant ministre, s’il ne se calmait pas, de lui laisser le bébé dans les mains avec un nouveau père, américain, allemand, japonais ou coréen ? Peut-être bien… Dans le dossier PSA, certainement, on ne saura pas tout.
Photo : Wikimedia Commons / Anakin732
[1] Cf rapport publié en téléchargement libre ci-dessous.
[2] Racheter ses propres actions, ce que les spécialistes appellent une opération relutive, peut correspondre à deux types d’opérations pour une entreprise : Si le rachat se fait à petite échelle, il peut viser à régulariser le cours de bourse, ou à se doter d’un stock destiné à verser des titres aux salariés, aux dirigeants, voire à un nouvel actionnaire que l’on voudrait introduire sans procéder à une augmentation de capital. Si le rachat se fait à grande échelle, il exprime et se traduit par une réduction de capital. À partir de là, plusieurs objectifs sont envisageables : 1 - Faire monter le cours pour le plus grand profit des actionnaires ; mais cela est rapidement coûteux et les règles boursières (du moins en France) en limitent la possibilité, 2 - Offrir une sortie à des actionnaires qui n’en trouvent pas (mais si le cours est bas, et qu’il n’y a quand même pas d’acheteurs, c’est là que la société est confrontée à un problème sérieux), 3 - Permettre l’entrée d’un nouvel actionnaire sans procéder à une augmentation de capital, notamment quand le cours de l’action est bas.
[3] « Car il a vu la lune éblouissante et pleine allonger derrière eux, suprême épouvantail, la gigantesque horreur de l’ombre Herculéenne » (JM de Heredia, Les Trophées). Les centaures français fuyant l’ogre américain ? L’acteur le plus important dans ce dossier est peut-être celui dont personne ne parle…
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En lisant le rapport attaché à l'article, il y a page 15 un tableau représentant la répartition des ventes par zones géographiques. Trois zones (Europe, Asie, AL) participent pour 81,5% aux ventes mondiales. Où sont les 18,5% restants ? Comment un rapport aussi officiel diffuse-t-il un tableau dont la somme n'est pas 100 %.
A la page suivante, le même tableau - mais concernant Volkswagen - a lui un total correct à 100%. Est-ce que les 18,5% ne correspondraient pas aux ventes en Iran, avant que l'Etat américain (via General Motors) n'impose à Peugeot d'y stopper ses ventes ? Je n'ose y croire.
Par ailleurs, Renault vend tranquillement ses voitures en Iran, avec +100% de croissance fin 2011...
Exemple à rapprocher de l'industrie automobile britannique qui a vendu ses fleurons à l'étranger : Land Rover, Jaguar, Mini, etc... Le groupe MG-Rover qui avait repris l'ensembe des marques "milieu de gamme" (Morris, Austin,...) a fini repris par les Chinois...