Mohamed Merah était-il un garçon perturbé qui aurait « disjoncté », un fou isolé, un météorite tombé de nulle part ? Avait-il inventé de toutes pièces l’islam au nom duquel il a assassiné sept personnes dont trois enfants ? Doit-on caractériser son action comme le produit monstrueux d’une imagination totalement étrangère et même absolument contraire au Coran ? C’est ce que nous ont répété à satiété les responsables musulmans et, avec eux, nombre de commentateurs bien intentionnés, leur première intention étant sans doute de se rassurer eux-mêmes tout en respectant la consigne « surtout pas d’amalgame!».
Merah et autres moudjahidines…
Incontestablement, Merah fut un extrémiste, un paranoïaque voulant « mettre la France à genou », et sans doute aussi un « possédé » comme le suggère notre ami Gérard Leclerc (France Catholique, 22 mars). Mais cela suffit-il pour conclure à sa « pseudo motivation religieuse » ? Cela mérite examen. L’islam, s’il n’en a pas l’exclusivité, produit trop d’extrémistes dans son genre, à l’œuvre partout dans le monde sous diverses étiquettes (Al-Quaïda, Aqmi, Boko Haram, etc.), pour qu’on puisse croire à la malchance, au hasard, ou à la fatalité sociale. D’autant que ces terroristes sont régulièrement encouragés à passer à l’action violente par des prédicateurs de premier plan, tel Abdulaziz Ibn Abdullah al-Cheikh, le grand mufti du Royaume d’Arabie saoudite, qui fulminait le mois dernier une fatwa appelant à la destruction de toutes les églises de la péninsule arabique ! «Si Allah veut, nous serons de véritables moudjahidines » promettait quant à lui le musulman de nationalité française Mohammed Achamlane, le chef de file du groupuscule Forsane Alizza (les «Cavaliers de la Fierté»), aujourd’hui incarcéré avec ses complices alors qu’il fomentait l’enlèvement d’un magistrat français juif à Lyon. « Si les gens ne comprennent pas que notre révolte va se traduire par des actes… il faut être complètement insensé !», pouvait-on lire sur son site internet.
Non moins éloquentes sont les citations produites pas la police après ses coups de filet sur tout le territoire pour justifier l’expulsion de prédicateurs musulmans étrangers : Almamy Baradji (Malien) aurait soutenu que «contrairement aux musulmans, les juifs sont des traîtres et des menteurs, adeptes d'une religion kouffar (impie)» et que «la haine à l'encontre des juifs est légitime, car elle a des fondements religieux dans le Coran» (propos tenus le 31 août 2010…les autorités auront mis du temps à s’en émouvoir !) ; Saad Nasser Alshatry (Saoudien) qu’«il est permis de subvenir à ses besoins en dépensant l'argent obtenu par le commerce illégal de la drogue » et aussi « qu’il est permis de demander la nationalité française si cela facilite les déplacements sans visa pour faire du prosélytisme» ; ou encore, Malek Drine (Tunisien) que «la charia autorise le meurtre des frères qui se détournent de l'islam.» (2 septembre 2011). Dommage qu’il ait fallu attendre l’affaire Merah pour que le gouvernement feigne de s’apercevoir que l’enseignement donné en France dans certaines mosquées n’est pas précisément pacifique …
Le risque d’un « modèle Merah »
Comment se pourrait-il que Merah ne fassent pas des émules à l’écoute de ce genre de prêches dans les mosquées ou sur Internet ? Le risque est patent pour les observateurs de nos « banlieues ». Contentons-nous d’en citer deux, l’un prêtre catholique, l’autre, philosophe musulman, qui se sont exprimés à vingt-quatre heures d’intervalle. Mieux que des observateurs, il s’agit de témoins de premier plan.
Le premier, l’abbé Fabrice Loiseau, fondateur et supérieur des Missionnaires de la miséricorde divine à Toulon, est l’un des rares osant évangéliser dans les « quartiers difficiles ». Interviewé par Radio Vatican le lundi 2 avril, il a déclaré : « Le profil de Mohamed Merah, je pense qu’on peut le retrouver dans pas mal de banlieues françaises ». Par son apostolat, l’abbé Loiseau est personnellement au contact de jeunes dont « plusieurs m’avouent se moquer totalement de la loi française et de la liberté religieuse. » Ces jeunes endoctrinés par les milieux salafistes « dont on a sous-estimé l’importance », « sont retirés à leur famille, retirés à leur milieu professionnel ». « Ce ne sont pas des cas isolés », souligne-t-il. Il en a vu plusieurs partir qui à Londres, qui en Arabie Saoudite officiellement « pour apprendre le Coran » et ne les a jamais revus. La conclusion que l’abbé Loiseau tire de son expérience est claire : « Le problème est d’ordre spirituel et idéologique » et non pas seulement social et politique.
C’est à une conclusion semblable que parvient un second témoin, l’universitaire français (normalien) musulman, Abdennour Bidar. Interviewé sur El Watan.com le 3 avril, il répondait ainsi à la question : Peut-il y avoir d’autres Mohamed Merah et comment les éviter ? «Hélas, on peut craindre qu’il y en ait d’autres, même si cela reste heureusement quelques tragiques exceptions. Parce que, sans même que cela conduise à de tels actes extrêmes, la culture spirituelle reçue par les jeunes d’origine musulmane est particulièrement médiocre : ils sont, la plupart du temps, prisonniers d’une sous-culture religieuse qui ne leur apprend pas à réfléchir intelligemment à leur foi et à leur rapport avec les autres, mais qui se contente de leur transmettre des idées toutes faites. » Abdennour Bidar était allé plus loin quelques jours plus tôt en posant cette question dans un article publié par Le Monde (du 24 mars) : « La religion islam dans son ensemble peut-elle être dédouanée de ce type d’action radicale ? Autrement dit, quelle que soit la distance considérable et infranchissable (espérons-le ! NDLR) qui sépare ce tueur fou de la masse des musulmans, pacifiques et tolérants, n’y a-t-il pas tout de même dans ce geste l’expression extrême d’une maladie de l’islam lui-même ? »
Quelle maladie de l’islam ?
Nous y voilà ! Enfin presque : cette « maladie de l’islam » est-elle un accident épidémique, ou bien s’agit-il d’une maladie génétique ? Sont-ils oui ou non à prendre au pied de la lettre, ces versets du Coran mis en exergue par l’excellente spécialiste de l’islam qu’est Annie Laurent (« La petite feuille verte » N ° 9 6 (nouvelle série n ° 1, mars 2012 Inscription et contact avec pfv2012@orange.fr): - « O croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens. Ils sont amis entre eux. Celui qui les prend pour amis finit par être des leurs » (5, 51). Ou encore ce verset dit « du sabre » : - « Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes [dont font partie les chrétiens aux yeux des musulmans], partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades. Mais s’ils se repentent, s’ils s’acquittent de la prière, s’ils font l’aumône [donc s’ils appliquent les rites de l’islam, note d’Annie Laurent] laissez-les libres – Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux » (9,5). Et encore : - « Combattez : ceux qui ne croient pas en Dieu et au Jour dernier ; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et son Prophète ont déclaré illicite ; ceux qui, parmi les gens du Livre [juifs et chrétiens ou « Nazaréens »], ne pratiquent pas la vraie Religion [l’islam]. Combattez-les jusqu’à ce qu’ils paient directement le tribut après s’être humiliés » (9, 29).
Au total, commente Annie Laurent, « Dans le Coran, les verbes « tuer » et « combattre » (quelqu’un) se trouvent respectivement soixante-douze fois et cinquante et une fois, dont dix et douze à l’impératif, ce qui sous-entend qu’il s’agit d’injonctions émises par Dieu, puisque le Livre sacré des musulmans est tout entier, pour eux, dictée divine sans collaboration humaine. »
Un problème doublement épineux
En définitive, le problème posé aux dignitaires musulmans qui voudraient donner de l’islam une interprétation pacifiée, est doublement épineux : essentiellement fondamentaliste, l’islam n’accepte pas un examen critique de son texte sacré supposé dicté par Dieu ; par suite, il n’y a logiquement pas de place pour un magistère islamique comme il en existe dans l’Eglise catholique (qui n’abandonne pas ses fidèles à la libre interprétation de la Bible). C’est donc sous leur propre responsabilité - et à leurs risques et périls !- que des responsables musulmans soucieux de coexistence pacifique entreprendraient une exégèse du Coran susceptible de le rendre compatible avec les lois de la République et notamment à la liberté religieuse… à défaut de faire passer l’islam pour « une religion d’amour et de paix » ! (Ahmed Jaballah, président de l’Union des Organisations Islamiques de France -UOIF- : l’organisation qui avait invité à son 29e congrès, ce week-end pascal, au Bourget, quatre prédicateurs dont l’entrée en France a été interdite in extremis en raison de leurs positions présentant un « fort risque de troubles à l'ordre public »).
A noter : notre excellent confrère LA NEF annonce qu’il traite ce même sujet dans son dossier « Eglise, politique & démocratie » de son numéro d’avril n°236 (www.lanef.net)
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Pour les salafistes, la fin justifie les moyens. La fin, c'est soumettre le monde entier à la charia. Les infidèles pourront survivre uniquement dans le cadre de la dhimmitude, en attendant leur conversion. Ceux qui s'opposent à ce plan doivent être éliminés avec la bénédiction du Coran. Les responsables musulmans soucieux d'une coexistence pacifique trouveront toujours des salafistes sur leur chemin pour leur reprocher de ne pas être de "bons musulmans", c'est-à-dire de ne pas vouloir soumettre le monde à la charia par le djihad.