Quel contraste à quelques jours d’intervalle ! D’un côté, celui de la société occidentale libertaire, des provocations à répétition émanant d’irresponsables avides de publicité et d’argent, de l’autre, celui de l’Eglise, un messager de la paix payant de sa personne pour inviter chacun au dialogue et à la réconciliation en toute vérité.
Ce sont d’abord, certes, les chrétiens du Liban que Benoît XVI est venu visiter et réconforter en leur remettant l’exhortation post-synodale « Ecclesia in Medio oriente », pour soutenir leur foi et leur communion : « Un père se doit d’être près de ses enfants lorsqu’ils rencontrent de graves problèmes », a-t-il commenté en revenant sur son voyage lors de l’Audience générale du 19 septembre. Mais le Liban, a rappelé le Pape, est dans sa complexité une preuve vivante de la possibilité d’une coexistence pacifique quoique toujours fragile. Les nombreux conflits et souffrances qui affligent le Moyen-Orient -notamment les atroces guerres civiles en Syrie et en Irak- montrent chaque jour les fruits amers de l’incompréhension et de la haine. A contrario, a également souligné le pape : « Durant ma visite, les catholiques, les représentants des autres Églises et des Communautés musulmanes du Liban et du Moyen-Orient ont vécu une expérience de respect réciproque, de compréhension et de fraternité. »
Un sans-faute
Dans une région en pleine ébullition, et dans un pays exceptionnel par son patchwork confessionnel, le pape a donc réussi l’exploit d’un sans-faute que tous les diplomates pourraient lui envier. Quand donc les grands medias occidentaux accorderont-ils la place qu’elle mérite à une visite apostolique aussi réussie ? Au cours de ces trois jours passés au Pays du Cèdre, n’y avait-il pas dans les rencontres, célébrations et discours d’un homme qui « subjugue par la clarté de sa pensé » (« L’Orient Le jour »), matière à méditer sur les facteurs de la paix véritable ? « Pensées de paix, paroles de paix et gestes de paix créent une atmosphère de respect, d’honnêteté et de cordialité, où les fautes et les offenses peuvent être reconnues en vérité pour avancer ensemble vers la réconciliation. Que les hommes d’État et les responsables religieux y réfléchissent ! » avait relevé lui-même Benoît XVI, le 15 septembre, au palais présidentiel de Baabda. C’est en appelant à une « transformation en profondeur des esprits et des cœurs (…) pour retrouver une certaine clairvoyance et une certaine impartialité, le sens profond de la justice et celui du bien commun » a-t-il ajouté le lendemain, que l’on parvient à instaurer une relation véritablement humaine puisque fondée sur le socle anthropologique le plus fondamental.
Un programme tout tracé
Voilà un programme tout tracé pour nous aussi, catholiques occidentaux, confrontés aux plus grands défis par la désagrégation de notre société. Qu’il s’agisse de la montée du matérialisme athée libertaire et de l’hostilité au christianisme, de la fuite en avant dans la déshumanisation que représentent les prétendues « avancées » légales à venir sur le mariage et le respect de la vie commençante et finissante, de la place de l’islam au sein d’une société qui court après sa « laïcité », ou de notre modèle économique qui menace ruine, c’est en nous attachant à reconnaître où est « l’indispensable » que nous jouerons notre rôle de « sel de la terre » et de « lumière du monde ». Le message du Pape aux fidèles du Liban : - retrouvez « la sève des origines », « comprenez que si vous souffrez, ce n’est pas vain », « je vous invite à avoir de l’audace à cause du Christ », vaut aussi pour les chrétiens d’Occident contraints par l’adversité à rendre compte de leurs convictions et leur espérance. Il est plus que temps d’en prendre conscience, de laisser tomber les querelles de « sensibilité » et de chapelles, et de consentir aux sacrifices nécessaires pour rendre témoignage à la vérité tout entière, sans jamais oublier la vérité de l’amour sans lequel tout le reste est vain.
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La question qui se pose est celle de savoir quelle sera l'écoute des paroles du Pape, pas seulement de la part des chrétiens mais aussi de la part des musulmans…
Voir le commentaire en entierUn signal que je trouve pour ma part très négatif pour l’avenir est, par exemple, l'absence totale de couverture de l'événement que représentait le voyage du Pape au Liban sur un site d'information pour musulmans francophones comme oumma.com. Pourtant, les propos du Pape sur la coexistence entre chrétiens et musulmans n’étaient pas destinés qu’au Proche-Orient…
Il y a là ce qu’il faut bien appeler une vraie censure islamique. Une volonté de ne pas entendre et de ne pas donner à entendre. Pourquoi ? Aussi paradoxal que cela puisse sembler dans le contexte actuel, je pense qu'il existe une peur DANS l'islam, peur de sortir d'une approche identitaire fondée sur l'exclusion de tout ce qui est non-musulman, et, surtout en Europe, peur de s'affranchir du complexe victimaire que, c'est vrai, des initiatives peu opportunes comme celle de Charlie Hebdo ne font qu'entretenir. De ce point de vue, l’appel du recteur de la mosquée de Bordeaux Tarek Oubrou, publié dans Le Monde de ce jour, représente une prise de position particulièrement louable mais marginale au sein de l’« oumma ».
Il y a plus grave encore que le chantage que certains islamistes, prétendant parler au nom de tous les musulmans, veulent exercer sur les pays occidentaux pour limiter la liberté d’expression sous prétexte d’interdire le blasphème. C’est finalement la violence que les musulmans s’infligent à eux-mêmes, à leur propre liberté de conscience, et qui, chez nous, les maintient dans la situation inconfortable d’être des étrangers à notre propre culture politique en dépit de leur citoyenneté française. Il ne faut pas penser que l’islamophobie aura des chances de régresser tant que cette étrangeté subsistera. Et plus le temps passe, plus la société française s'enfoncera dans le libertarisme intransigeant, plus la tâche des musulmans sera difficile. Le fait que Charlie Hebdo croque le musulman dans la situation du tétraplégique est certainement blessant mais contient une part de vérité sur la façon dont beaucoup de Français appréhendent l'islam : une religion fossilisée. Aux musulmans, comme le recteur de la mosquée de Bordeaux, de démontrer par leurs actes et prises de position qu'il n'en est rien.