1917, le petit village de Fatima au Portugal. Lucie dos Santos, une bergère de dix ans et ses deux jeunes cousins, Francisco Marto et Jacinthe Marto, rapportent avoir vu des apparitions de la Vierge Marie. Leurs révélations inspirent et attirent les croyants mais soulève la colère des responsables de l'Église catholique et du gouvernement séculier athée, lesquels essayent de les forcer à se rétracter de leur témoignage. La nouvelle des apparitions et de la prophétie annoncée à l'avance par la Vierge se répand. Chaque mois, de plus en plus de pèlerins religieux affluent vers le site au jour du mois et à l'heure indiqués pour l'apparition, pour assister le 13 octobre 1917 à ce qui est aujourd'hui connu comme le Miracle du soleil.
La filmographie sur le sujet des apparitions mariales de Fatima commence à s’allonger. C’est l’espagnol Rafaël Gil qui réalise la première adaptation en 1951 avec La Dame de Fatima (La Senora de Fatima). Ce film semble n’avoir fait l’objet d’aucune diffusion en France.Il est suivi dès l’année suivante par l’américain John Brahm avec Le Miracle de Notre-Dame de Fatima (The Miracle of Our Lady of Fatima). Il faut attendre ensuite l’année 1991 où le documentariste et réalisateur français, Daniel Costelle, réalise Apparition à Fatima (Aparição), une production portugaise qui, comme le film de Rafaël Gil n’a jamais été distribuée en France. Puis en 2009, les frères Ian et Dominic Higgins coréalisent, Le 13ème jour. Le film de l’américain John Brahm est une très belle réalisation qui parvient à surmonter le handicap hollywoodien et constitue une excellente approche des apparitions de Fatima pour les plus jeunes. Le 13ème jour des frères Higgins est une réalisation d’une incontestable valeur artistique et spirituelle. Bien plus que de réaliser une simple mise en images des faits, ils les transcendent pour atteindre l’âme du spectateur et signent ainsi une œuvre d’art authentiquement chrétienne. L’œuvre n’est cependant pas adaptée pour les plus jeunes en raison d’une approche assez sombre et insuffisamment didactique.
Sous le signe de la foi…
Aussi cette nouvelle reconstitution des apparitions de Fatima par Marco Pontecorvo offre l’intérêt d’être aussi captivante pour les plus jeunes que pour les plus âgés. Fils du réalisateur Gillo Pontecorvo (cinéaste résolument marqué à gauche : La Bataille d’Alger en 1966 reconstitution de l'action policière de l'armée française pendant la bataille d'Alger vue du point de vue des combattants du FLN et Queimada en 1969, film anticolonialiste qui évoque la révolution haïtienne au début du 19ème siècle) et ses coscénaristes Valerio D’Annunzio et Barbara Nicolosi choisissent de placer cette adaptation résolument sous le signe de la foi. Mais ils le font d’une manière nuancée en mettant face à face deux personnages. D’un côté, un personnage de fiction, le professeur Nichols, non-croyant et sceptique sur tous les évènements à caractère surnaturel (un personnage très sobrement interprété par Harvey Keitel) qui termine un ouvrage sur le phénomène de Fatima. De l’autre côté, sœur Lucie, personnage historique, alors âgée de 82 ans. Le premier vient rendre visite en 1989 à Sœur Lucie dans son couvent de Coimbra pour échanger avec elle avant de mettre une dernière main à son ouvrage sur les apparitions de Fatima. Structurant alors le film en un aller et retour entre la conversation qu’ont sœur Lucie et son visiteur et des évocations des évènements de 1917 que fait sœur Lucie, évocations basées sur ses propres écrits et souvenirs, ils parviennent en premier lieu à offrir au spectateur une relation très réaliste des faits, les plongeant dans une ambiance certainement très proche de l’authenticité. Le choix des décors naturels est très judicieux et ceux qui se sont rendus à Fatima le ressentiront. Cette authenticité est accentuée par des éclairages d’ambiance très travaillés. Par exemple, les scènes dans la maison des Santos sont filmées à la lueur des bougies.
En second lieu, centrant toute l’évocation des évènements de Fatima sur le personnage de sœur Lucie et ses relations avec son entourage, ils rendent palpables à l’écran l’intense lutte intérieure qui se produit chez Lucie lorsque même sa propre mère ne la croit pas. Lucie enfant (la jeune actrice espagnole Stéphanie Gil est émouvante dans la simplicité) veut obéir à sa mère, mais elle ne veut pas désobéir à la Sainte Vierge et à ses demandes. Ces luttes font allusion à la souffrance que Lucie aurait dû endurer pendant de nombreuses années à la suite des visions. En même temps, l’amour profond mère-fille est mis en évidence malgré le conflit par le moyen de gestes et de simples regards. De la même façon, La souffrance intérieure de Lucie est également montrée alors qu’elle est harcelée par le maire et qu’elle subit les questions de l’évêque. Enfin, en marge de la reconstitution des évènements de Fatima, il y a ce dialogue entre le professeur Nichols et sœur Lucie qui offre au spectateur sceptique ou non-croyant un questionnement sur la foi : « Tout ce qui est inexplicable n’est pas nécessairement transcendant » dit le professeur à sœur Lucie qui lui répond « La foi commence à la limite de la compréhension,» Il y a bien entre eux un fossé qui ne sera jamais comblé, mais leur conversation est vivifiante, leur débat sain qui évite une hostilité polarisante.
L’authenticité des faits…
Si la reconstitution des faits, celle de l’époque et le tableau villageois sont tout à fait crédibles, il faut signaler, en précisant que cela ne nuit pas du tout gravement à la sincérité de l’ensemble, des écarts et des erreurs par rapports à la réalité. Quelques exemples : Lorsque le maire interroge les enfants et qu’il les emprisonne, nous ne voyons que Lucie dans une cellule vide, alors que les enfants étaient enfermés ensemble. Les menaces de mort du maire ne sont pas évoquées. De même, contrairement à ce que montre le film, les villageois ne priaient pas le chapelet pour la libération des enfants à l’extérieur du bâtiment où ils étaient enfermés. Quant à l’église du village, elle n’a pas été fermée sur ordre du maire comme semble le faire croire le film. A l’inverse, le personnage du maire est plutôt adouci en comparaison du personnage historique dont il est admis qu’il s’agissait d’un franc-maçon athée très virulent qui voulait écraser ce qui se passait avec les apparitions de toutes les manières possibles. Il y a d’autres écarts avec la réalité, mais il faut insister pour dire que le film reste globalement respectueux de l’histoire réelle. Enfin, si le film est très réussi sur le plan esthétique et bien soutenu par une partition musicale de l’italien Paolo Buonvoni (Padre Pio de Carlo Carlei en 2000, Romanzo criminale de Michele Placido parmi plus de 70 musiques de films) qui fait une part judicieusement importante au violoncelle, on peut déplorer le choix qui consiste à donner une représentation totalement humaine à l’ange qui apparaît à Lucie, mais aussi à la Vierge Marie qui du coup ne se tient pas au sommet du chêne vert de l’apparition mais « entre en scène » près de l’arbre et s’avance en marchant vers les enfants.
Ainsi, mis à part quelques défauts, alors que les apparitions de la Sainte Vierge à Fatima et le « Miracle du Soleil » se sont produits il y a plus de 100 ans et sont connus de dizaines de millions de personnes, il y a fort à parier que rares seront les spectateurs, aussi bien les dévots de Fatima, les catholiques pratiquants ou non, les non-catholiques et ceux qui ne sont pas du tout orientés vers la religion, qui ne trouveront pas quelque chose à considérer dans ce film et qui seront capables de résister à la sincérité, à la bienveillance et aux émotions véhiculées par un film qui apporte le miraculeux sur grand écran.
Bruno de Seguins Pazzis
Un film de Marco Pontecorvo (2020) EU-POR Avec : Stephanie Gil (Lucie dos Santos), Alejandra Howard (Jacinthe Marto), Jorge Lamelas (Francisco Marto), Sônia Braga (sœur Lucie plus âgée devenue religieuse), Joaquim de Almeida (le Père Ferreira), Goran Visnjic (Arturo), Lúcia Moniz (Maria Rosa), Marco d'Almeida (António), Joana Ribeiro (la Vierge Marie), Harvey Keitel (le professeur Nichols). Scénario : Marco Pontecorvo, Valerio D’Annunzio, Barbara Nicolosi. Directeur de la photographie : Vincenzo Carpineta. Musique : Paolo Buonvino.
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