Quel monde peut-on imaginer qui naîtra des ruines de celui qui s’écroule aujourd’hui ? En réalité, face à un édifice réduit en ruines, deux attitudes s’offrent aux hommes : s’enterrer au milieu des décombres ou les utiliser pour construire une nouvelle demeure.
Si notre civilisation décide de s’enterrer, elle œuvrera naturellement en détruisant plus profondément encore les formes de vie qui nous ont conduits à semblable banqueroute humaine que le coronavirus n’a fait qu’accélérer. Si elle décide de construire une nouvelle demeure, elle doit naturellement négliger les plans de l’architecte qui dessina la maison aujourd’hui réduite à néant.
Il y en a qui, au regard des mesures disciplinaires décrétées par nos gouvernants augurent que nous nous précipitons vers une dictature. Mais ce qui est certain, c’est que le communisme – comme le capitalisme –est une phase dépassée de la dialectique hégélienne. La démonstration la plus cinglante nous est faite par le cas chinois où le communisme est un ingrédient de plus rajouté à une recette de ragoût beaucoup plus amère et effrayante encore.
La nouvelle forme de tyrannie qui se trame – beaucoup plus intéressée à tuer les âmes que les corps – fut déjà anticipée par Donoso Cortes (1809-1853) « Dans le monde antique, la tyrannie fut féroce et cependant, cette tyrannie était limitée physiquement, parce que tous les États étaient petits et que les relations internationales étaient presque impossibles. Aussi n’y eut-il point dans l’antiquité de tyrannie sur une grande échelle, si ce n’est une seule, celle de Rome. Combien les choses sont changées ! Messieurs, les voies sont préparées pour une tyrannie gigantesque, colossale, universelle. Examinez bien : il n’y a point de résistances physiques ni morales – physiques, parce qu’avec les bateaux à vapeur, les chemins de fer et le télégraphe électrique, il n’y a ni frontières ni distances, – morales, parce que tous les esprits sont divisés, tous les patriotismes sont morts ».
Et cette tyrannie gigantesque conjuguera capitalisme et communisme en une intime union, car – comme nous l’enseigne Castellani – « les deux coïncident en leur noyau mystique, qui n’est autre qu’un messianisme technolâtre et anthropolâtre ». Réussir cette synthèse entre communisme et capitalisme, c’est à cela que s’attachent et œuvrent nos gouvernants, dont l’objectif primordial n’est pas – comme le pense l’anticommuniste primaire – d’exproprier mais plutôt de faire disparaître la petite propriété répartie entre beaucoup, ce qui bien entendu provoquera la destruction de nombreux postes de travail. Alors apparaîtra, comme le vautour devenu colombe, la ploutocratie transnationale, qui achètera aux propriétaires ruinés leurs affaires en faillite à des prix ridicules et offrira aux travailleurs licenciés des travaux exténuants de livreurs de pizzas esclavagisés par Uber Eats ou d’empaqueteurs d’achats en ligne chez Amazon ou autres espèces de charognards. Et pendant que la ploutocratie pille et dévaste tout le tissu économique, les gouvernants en effet auront tout loisir de développer les rhétoriques communistes, démagogiques, en distribuant l’aumône (la rente minimale universelle !) et les droits de la braguette à des masses chaque fois un peu plus domestiquées ou dressées, leur faisant croire de surcroît qu’ils sont les justiciers qui corrigent les inégalités, alors qu’en réalité ils ne seront rien d’autres que des pantins au service d’une ploutocratie boulimique qui saccage les décroissantes classes moyennes jusqu’à les exterminer définitivement.
Évidemment que cette ploutocratie boulimique ne renoncera pas aux directives de son catéchisme économique (croissance économique à l’infini, éléphantiasis de l’économie financière, etc.) et anthropologique (exaltation d’une nouvelle religion qui exalte en même temps la luxure et qui interdit la fécondité). Il est clair, qu’après cette hécatombe coronavirique, les gouvernants fantoches devront imposer certaines limites à leurs idées chimériques[i] d’une société ouverte qui ouvre ses portes à toute âme qui vive (y compris les virus) pour faciliter la mobilité de l’emploi et la circulation des capitaux. Mais ce ne seront que des limites cosmétiques, qui pourront s’escamoter facilement ; car à ce moment-là, ils pourront compter sur des masses beaucoup plus obéissantes, malléables et grégaires, suite au long confinement, dépendants de travaux infimes et de l’aumône de l’État. Réalisons-nous que la moitié du monde est restée en résidence surveillée pendant des mois sans broncher (à part dans ce qu’on appelle scandaleusement « les territoires perdus de la République ».) ? Ne pas le réaliser relèverait d’un aveuglement volontaire qui fait écho à « la servitude volontaire » (en référence au petit opuscule du même nom écrit en 1576 par Etienne de la Boétie à l’âge de 18 ans)
« L’homme d’aujourd’hui, on le fait tenir tranquille […] nous sommes étonnamment bien châtrés […] Je hais cette époque où l’homme devient, sous un totalitarisme universel, bétail, doux, poli et tranquille. » écrivait Saint Exupéry.
Car « à force de tout voir on finit par tout supporter ; à force de tout supporter, on finit par tout tolérer ; à force de tout tolérer, on finit par tout accepter ; à force de tout accepter, on finit par tout approuver ». (Saint Augustin).
L’objectif commun de ces gouvernants pantins et de la ploutocratie sera un nouvel ordre mondial athée, ou un syncrétisme religieux mielleux, qui s’imposera sans grandes démonstrations affectées, usant de la même discrétion avec laquelle durant cette crise, on a interdit de visite les anciens enfermés dans les EPHAD ( quand on pouvait sortir promener son chien) on a privé des sacrements les agonisants, et leurs cadavres ont été précipités sans famille ni prêtre dans les fours crématoires de l’hospitalisme.
Il serait tout aussi faux d’affirmer que nous avons redécouvert le tragique, la mort, la finitude, etc. La tendance depuis plus d’un demi-siècle maintenant, bien décrite par Philippe Ariès, aura été de dissimuler la mort, autant que possible ; eh bien, jamais la mort n’aura été aussi discrète qu’en ces dernières semaines. Les gens meurent seuls dans leurs chambres d’hôpital ou d’EHPAD, on les enterre aussitôt (ou on les incinère ? l’incinération est davantage dans l’esprit du temps), sans convier personne, en secret. Morts sans qu’on en ait le moindre témoignage, les victimes se résument à une unité dans la statistique des morts quotidiennes, et l’angoisse qui se répand dans la population à mesure que leur total augmente a quelque chose d’étrangement abstrait.
Un autre chiffre aura pris beaucoup d’importance en ces semaines, celui de l’âge des malades. Jusqu’à quand convient-il de les réanimer et de les soigner ? 70, 75, 80 ans ? Cela dépend, apparemment, de la région du monde où l’on vit ; mais jamais en tout cas on n’avait exprimé avec une aussi tranquille impudeur le fait que la vie de tous n’a pas la même valeur ; qu’à partir d’un certain âge (70, 75, 80 ans ?), c’est un peu comme si l’on était déjà mort.
Toutes ces tendances, je l’ai dit, existaient déjà avant le coronavirus ; elles n’ont fait que se manifester avec une évidence nouvelle. « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire » écrit Houellebecq. C’est plus ou moins ce qui nous attend si nous nous résignons à être enterrés avec les décombres de ce monde, et le plan de relance européen signé à Bruxelles que le chef d’état français qualifie d’historique pour l’Europe, précipite nos illusions dans les égouts de l’histoire au même titre que les accords de Schengen.
En revanche, si en vérité nous souhaitions construire une nouvelle demeure avec les débris de l’ancienne, il faudrait commencer par renoncer au mondialisme et à toutes les relations politiques, économiques, culturelles et humaines qu’il a générées. Il faut retrouver « le lien entre la terre-mère et la communauté qui l’habite » ; et j’ajouterai les liens intracommunautaires. Les années à venir, tous les laquais du mondialisme – autant la gauche petit caniche que la droite Saint Bernard – grimeront leur âme altermondialiste sous le chuchotement d’un retour à la maison commune de l’État-nation.
La plaie du coronavirus a révélé les conséquences de leurs massacres : reconversions et délocalisations industrielles, dépendance des matières premières lointaines, abandon de la souveraineté financière et monétaire, démantèlement de l’agriculture et de l’élevage. Houellebecq écrivait déjà dans Sérotonine : « Ce qui se passe en ce moment avec l’agriculture en France, c’est un énorme plan social, le plus gros plan social à l’œuvre à l’heure actuelle, mais c’est un plan social secret, invisible, où les gens disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un sujet pour BFM ». Le fond de relance rurale de Bruxelles a été divisé de moitié passant de 15 à 7,5 milliards d’euros. Et maintenant ces gallinacées vont essayer moult démonstrations outrées et pleurnicheries, affectant des repentirs pour que nous remordions à l’hameçon qu’ils nous tendent. Et le Président de l’État français pavane sous son hâle de rayons élyséens, méprise et écrase les petites gens, et nous parle de nous réinventer. Ainsi, pendant qu’ils s’insultent copieusement entre eux, communistes ! capitalistes ! sous des publications ou proclamations apparemment opposées, ils nous resserviront à nouveau tout leur menu fretin qui au bout du compte, se résume à un abandon de la richesse nationale à l’oligarchie mondiale ; c’est l’engrais de la dégénération morale des peuples, qui deviennent ainsi impuissants à tout effort vital, anémiques et aseptisés, devenant chaque fois plus inféconds et soumis, frappés d’incapacité à construire une famille et à lutter pour sa dignité au travail ( l’une ne va pas sans l’autre).
Simone Weil écrit dans L’Enracinement publié en 1949 : « L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. C’est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir. Participation naturelle, c’est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l’entourage. Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement parti.e »
Le moindre effort de reconstruction devra jeter à la poubelle de l’Histoire la gauche petit caniche et la droite Saint Bernard, qui sont mêmes chiens aux colliers distincts même s’ils se battent entre eux pour la chienne innommable afin de confondre les masses abasourdies et provoquer en elles des antagonismes pavloviens.
D’abord, bien entendu, il faudra casser la sécularisation anthropologique (parfois sous des alibis pseudo-féministes qui défendent le bouillon clair vaginopénisé, les ventres de location ou les utérus artificiels). Ensuite, il faudra lessiver toutes les formes de rupture entre communauté et province ; du séparatisme solipsiste au cosmopolitisme futile qui détruit les frontières et dévaste les ressources naturelles, à travers l’exaltation du tourisme, la technologie, le commerce électronique et le consumérisme effréné. La nouvelle demeure devra se construire sur la base d’une autarcie qui garantisse, face à une nouvelle catastrophe, la vie et la sécurité des personnes qui l’habitent, fomentant une économie autosuffisante, avec une industrie et une agriculture de proximité qui nous ravitaillent en produits de base et nous épargnent les caprices propres aux sociétés décadentes qui tout en détruisant la nature, grimacent des postures et impostures écologrettathunbergiennes. Pour que ceci soit possible, il faudra retrouver une indépendance financière et monétaire qui permette une authentique indépendance politique ; ce qui exigera de lâcher les amarres d’avec les lupanars globalistes qui, sous l’alibi d’européanisme, nous ont convertis en colonies. Il est évident que cette autarcie de base ne signifiera pas isolement ; mais les alliances politiques ou économiques qui s’inscriront dans cet hypothétique futur devront être régies par de nouveaux critères, fraternels et concomitamment respectueux de l’idiosyncrasie de chaque peuple, qui naturellement devra défendre sa tradition culturelle et religieuse. Ceci ne signifie pas que nous soyons tous obligés de croire en Dieu par décret, mais de nous reconnaître en une identité civilisationnelle propre qui naturellement, pourra s’allier avec d’autres identités en sincère et réciproque amitié. Mais ceci ne signifie pas non plus que l’Église se contente d’assister au délitement d’une civilisation qui se fonde en Christ et dont elle est par essence la garante sans faire entendre sa voix.
Comme nous ne suçons plus notre pouce, nous savons que les possibilités d’une telle reconstruction sont faibles. Dans l’Apocalypse, on nous dit qu’après avoir souffert une plaie, les hommes, au lieu de renier les péchés qui en furent la cause, récidivent sans souci. Et jamais dans l’Histoire il n’y eut une génération plus empoisonnée par la dégénérescence morale ni par les antagonismes pavloviens qui fouettent ses laquais de gauche et de droite que l’actuelle génération. Le faux débat sur la loi bioéthique en est l’aveu terrifiant.
Nous y sommes, nous voyons aujourd’hui la « gaudre » de Panurge et la « droiche , rampante, chacune dans son médiocre lupanar conduire les français jusque dans les mailles du globalisme qui accouche aujourd’hui de l’Islamisme, du LGBTisme, de l’indigénisme, l’écologisme, le véganisme, le racialisme, la promotion de la pornographie, du vagabondage sexuel, de la marchandisation du corps, de toutes ces idéologies véhiculées par des minorités destructrices, manipulées par le NOM (Nouvel Ordre Mondial), soutenues financièrement par George Soros et ses meutes qui finiront par rayer de la mappemonde la France et notre civilisation occidentale. Nos municipalités, conseils départementaux ou régionaux ne sont pas en reste, qui financent pléthore d’associations subversives à coup de subventions puisées dans la poche du contribuable à qui on ne demande d’ailleurs jamais son avis sur la destination exacte de son prélèvement. Ainsi devient-il complice de tous les abus et détournements de fonds par procuration. L’homme excelle à démolir, il est impuissant à reconstruire. En voulant conquérir ce qu’il ne pouvait avoir, il a perdu ce qu’il avait.
Ainsi prophétisait Alexis de Tocqueville sur l’hédonisme de l’homo festivus : « Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux (…). Chacun d’eux retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie ».
La rentrée scolaire a vu des millions d’élèves et de professeurs marcher, écouter, enseigner, éduquer, parler, se croiser, respirer, rire ou pleurer, sourire ou grimacer sans visage ou le visage caché derrière un masque. Le visage est l’expression de l’âme. La personne est son visage. Alors dans nos écoles, nous avons pour reconstruire la dignité de la personne, aujourd’hui avilie, le devoir de ne pas appeler « bien » ce qui est « mal »et de cultiver ce qui est beau, ce qui est bon, ce qui est bien, ce qui est pur. Éduquer, ce n’est pas flatter la nature, chercher à plaire, favoriser simplement bien-être et épanouissement ; c’est faire entendre un appel au dépassement, à la conversion du regard et du cœur, faire éclater l’égoïsme et rappeler les lois du monde : celle de la nature, de la vie, de la mort ; celle de l’esprit et de la chair ; celle du travail, la loi morale ; celle qui est une ordonnance de la raison en vue du bien commun, édictée par le responsable de la Communauté, lequel a des comptes à rendre à ceux qu’il gouverne.
« La beauté sauvera le monde » disait Dostoïevski qui pourtant, comme Léon Bloy ou Lautréamont, s’y connaissait en désespoir. La beauté est ce cadeau du ciel pour aider notre espérance et avancer au large.
Avançons au large !
Thierry Aillet
Directeur Diocésain de l’Enseignement Catholique - Membre du Conseil d’administration de Liberté politique
[i] Quoique ? Laurence Rossignol n’a-t-elle pas déposé au Sénat en pleine pandémie, deux amendements : l’un prévoyant « d’allonger le délai légal de recours à l’IVG, pour le porter à quatorze semaines, contre douze actuellement, et ce « pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation », au motif que « la période de confinement accompagnée de la mobilisation de toutes les forces des personnels hospitaliers dans la prise en charge des malades du Covid ont mis en péril le maintien de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse », l’autre facilitant les conditions d’accès à l’IMG (Interruption Médicale de Grossesse) ? Et n’entend-on pas que le Président de la République a souhaité prolonger jusqu’au 31 juillet la session extraordinaire du Parlement en vue de l’examen, en seconde lecture, à l’Assemblée nationale, du projet de loi relatif à la bioéthique ? Il n’était pas encore question d’IMG sans limite. A la faveur de la nuit du 1er août, dans un hémicycle quasi désert, les parlementaires ont voté l’avortement jusqu’au terme, pudiquement qualifié d’interruption médicale de grossesse et l’autorisation de créer en laboratoire des chimères homme-animal à partir d’embryons sacrifiés.
- Aux aboyeurs aigris qui veulent interdire d’êtr...
- Saint Noël !
- Saint et joyeux Noël !
- La déshumanisation est déjà bien avancée, elle...
- La patente des sophistes ou quand la liberté d’...
- Un corps « sociétal »… amputé de l’âme
- Et portae inferi non praevalebunt adversus eam
- Goutons au sang de Dieu…
- Le bien, le mal...