Ambiance tendue pour l'ouverture de la Conférence intergouvernementale (CIG) chargée d'adopter le futur Traité constitutionnel européen, ce samedi 4 octobre à Rome. Le texte proposé par la Convention n'est accepté que par les pays fondateurs de l'Union et la Grande-Bretagne.

Or le traité doit être ratifié à l'unanimité des Vingt-cinq, un objectif illusoire, au moins à court-terme. La représentativité des petits pays est au cœur de la division. La référence au patrimoine chrétien pourrait bien être la pierre d'achoppement inattendue.

Les pressions n'ont pas manqué pour convertir l'opinion au caractère " incontournable " du modèle institutionnel proposé par la Convention. En Espagne ou en Pologne, pourtant, on ne décolère pas depuis le Sommet de Salonique et la remise de sa copie par Valéry Giscard d'Estaing. Madrid et Varsovie veulent préserver le poids politique que leur avait accordés le traité de Nice, selon une logique plus intergouvernementale que quantitative, dans l'esprit du droit international classique (égalité entre les États).

La construction européenne nous a habitués à des négociations sans fin, et des rafistolages de dernière minute destinés à sauver la face et préserver l'avenir. En sera-t-il ainsi pour cette sixième conférence intergouvernementale ? Le poids réel de l'élargissement, qu'il conviendrait décidément d'appeler " réunification ", se fait sentir à plein. La fronde des petits pays, menés par l'Autriche et la Finlande, s'organise. Mais derrière les marchandages, le détail qu'on a enterré un peu vite, c'est-à-dire le lien entre Europe et christianisme, pourrait bien se révéler plus central qu'on ne voulait.

La question a été évacuée par la Convention en raison de l'opposition de deux seuls hommes, les vice-présidents du Praesidium, l'italien Giuliano Amato et le belge Jean-Luc Dehenne. Le Parlement s'est opposé à une courte majorité à des amendements favorables à la mention du christianisme dans un rapport sur le traité constitutionnel, contre l'avis du Parti Populaire européen, le groupe parlementaire le plus puissant, qui s'y montre particulièrement attaché. Quand on sait la volatilité des majorités de circonstance sur les questions à la marge, on peut s'interroger sur le poids de ce type de vote. Quant aux pays concernés, on sait seulement que trois États s'y opposent formellement : la France, la Suède, et la Belgique, le plus petit étant le plus virulent.

Or le Saint-Siège a provoqué la surprise en déclarant par la bouche de son porte-parole qu'" au moins onze nations sont d'accord pour une modification du texte dans le sens souhaité par Jean Paul II " (Zénit). Dans un entretien accordé à la chaîne nationale italienne RAI 2, Joaquin Navarro Valls rappelle que le Saint-Siège souhaite simplement que le préambule mentionne l'héritage culturel et religieux de l'Europe en ajoutant seulement trois mots : " spécialement le christianisme ".

Certes, il est difficile d'apprécier la fermeté des positions des États sur la reconnaissance du patrimoine chrétien. Une chose est de s'y déclarer favorable, autre chose d'en faire un casus belli. La Pologne, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande ont toujours manifesté leur volonté de soutenir cette reconnaissance, ainsi que la Grèce, et les Pays-Bas. Qu'il s'agisse de " petits " pays pourrait ne pas être sans conséquence. L'Italie est la puissance alliée. Parmi les autres nations, ont peut estimer que Malte, la Slovénie, la Slovaquie, la Lituanie et Chypre sont du nombre.

En se révélant monnaie d'échange, ou de compensation, la demande du Pape pourrait réserver bien des surprises. Tout est question de détermination. Et les chrétiens n'ont pas dit leur dernier mot : la mobilisation croît davantage chaque semaine. Partout en Europe, colloques, pétitions, déclarations publiques fleurissent pour sensibiliser les élus nationaux qui, en dernier ressort, auront à trancher. Non, décidément, la messe n'est pas dite.

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