Nicolas Sarkozy et son ancien conseiller.

[Source: Figaro Vox]

FIGAROVOX/TRIBUNE - Lors d'un discours prononcé près de Lille, Nicolas Sarkozy s'est livré à un plaidoyer pour «la souveraineté du peuple». Un discours aux accents gaulliens, mais qui ne propose aucune solution concrète, estime son ancien conseiller Maxime Tandonnet.

Le discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Lille, le 8 juin, est sans précédent depuis le milieu des années 1970. Il renoue avec une tradition gaullienne clairement revendiquée, sur un ton et avec des mots qui semblaient totalement oubliés de la parole politique. Il semble ainsi enterrer quatre décennies vouées au culte du multiculturalisme, la sublimation du libéralisme sociétal, et du rejet de l'Etat. Son appel à l'unité nationale contre la «tyrannie des minorités, zadistes, casseurs, islamistes radicaux», répond à l'exaspération des Français. Son message qui fustige la «chienlit» est clairement en faveur de l'autorité. Il rompt ainsi avec une longue tradition de bannissement de ce mot, depuis qu'en France, «il est interdit d'interdire». Son diagnostic est particulièrement lucide: les déchirements du pays sont dus avant tout à l'idéologie «post nationale» qui a «aboli «l'unité du peuple». La Nation est au coeur de cet appel d'un ancien chef de l'Etat qui ne craint pas d'affronter les foudres du politiquement correct en rappelant sa «tradition chrétienne». Indéniablement, le président Sarkozy a prononcé un grand et beau discours, à la hauteur de la mission du chef de l'Etat. En élevant le débat au-dessus des seules considérations de libéralisation de l'économie, il vient d'insuffler un élan nouveau à la vie politique française.

Cette allocution s'explique par le contexte national. Elle répond à la situation de crise de l'autorité qui se généralise sur tous les plans, de chaos social avec les cinq millions de chômeurs, l'explosion des impôts, la violence, la menace terroriste, les troubles et les blocages. Elle s'adresse aussi aux électeurs tentés par l'écoeurement, le vote aux deux extrêmes ou l'abstention, aux 89% des Français qui n'éprouvent envers la politique que «de la méfiance» ou du «dégoût» (Cevipof 2016). Bref, par la solennité du ton et des paroles utilisées, l'ex-chef de l'Etat souligne qu'il a largement conscience de la gravité de la situation du pays. Un tel discours qui renvoie directement aux grandes heures du général de Gaulle et de Georges Pompidou, représentera pour beaucoup de Français qui ne veulent ni des extrêmes ni de la chienlit, ni du déclin de la France, une bouffée d'oxygène.

Toutefois, ce discours est en lui-même bien insuffisant.

La France est victime, depuis des décennies, de la fuite du monde politique au loin des réalités. S'il est une autre tyrannie, dont Nicolas Sarkozy aurait pu également parler, c'est celle de la communication, de l'émotionnel, des paroles non suivies d'effet, des promesses mensongères, des manipulations, des postures et des polémiques stériles. La bataille la plus stratégique, pour le président des Républicains comme pour les autres candidats, face à l'opinion, est aujourd'hui celle de la crédibilité.

L'appareil d'Etat est aujourd'hui largement verrouillé, comme M. Sarkozy le sait mieux que quiconque. Le poids des déficits et de dettes, l'empilement des contraintes du droit européen et de la jurisprudence constitutionnelle limitent considérablement les marges de manoeuvre du pouvoir politique, sur tous les sujets: social, économie, sécurité, immigration... Comment s'appliquera-t-il à regagner des marges de manoeuvre politique? Est-il prêt, concrètement à exiger une refonte radicale des modalités de la construction européenne pour rendre celle-ci plus démocratique et conforme à l'attente des peuples? Est-il disposé à renouer avec les fondamentaux de la Ve République, autour d'un chef de l'Etat «guide de la France», d'un Parlement souverain, d'un Premier ministre et d'un gouvernement puissants chargés, non pas de communiquer, mais de diriger le pays? Veut-il combattre la fracture entre le peuple et les élites en facilitant le recours au référendum? Enfin, que propose-t-il de concret et d'effectif pour résorber le chômage, l'exclusion, mettre fin aux zones de non droit, appliquer une politique de l'immigration maîtrisée et ferme contre les passeurs criminels en Méditerranée?

Aujourd'hui, les Français attendent le président Sarkozy, tout comme les autres candidats à l'élection présidentielle, pas seulement sur les paroles, mais sur leur détermination à préparer l'avenir et surtout, à s'en donner les moyens. La tâche à cet égard sera d'une extrême complexité et difficulté. Il ne faut pas le cacher aux Français en les faisant rêver. Ils attendent la vérité plus que le rêve. Car au-delà de 2017, c'est 2022 qui se joue. En cas de nouvelle déception entre 2017 et 2022, ce serait alors un véritable abîme qui s'ouvrirait pour le pays.