Nos coups de coeur
Majesté !
C’est un Britannique, certes, mais avec une de ses ascendances, irlandaise. Tout est pardonné donc. De Grace Kelly en Greta Garbo, de Jackie Kennedy en Juan Carlos, et on en passe des verts, des vertes (pomme) et des trop mûres (mais, surtout, des blanches (pas très oies), des grises, toujours distinguées, des bleues pâles qui se pâment, des roses, fushia (comme en notre espèce royale là), voilà bien vingt-cinq ans que nous avions repéré ce féru du grand-monde, mélange du chroniqueur mondain à la Edgar Schneider sévissant dans les années soixante-dix sur l’antenne de RTL, de Léon Zitrone sans le mépris du bas peuple, de Jacques Chazot et de Roger Peyrefitte sans le côté concierge,- Bertrand Meyer-Stabley.
Sa biographie de la reine Elisabeth II d’Angleterre est éminemment rassurante. Au reste, en son fond, même si tel n’était pas l’intention initiale de son auteur, elle est faite pour rassurer le Français stressé par la modernité. La première manière de la lire, justement, c’est de pénétrer sans manière dans le monde de la reine, en s’instruisant de ces milles petits faits vrais – ici nullement assimilables à ce « misérable petit tas de secrets » dont parlait Malraux – qui vous font regretter de n’être pas, en ce moment même, revenant d’un périple dans les bruyères ou d’une chasse à la grouse, en train de siroter votre breuvage préféré à l’ombre flamboyante de la cheminée d’un cottage écossais. Le premier mérite de ce reportage in vivo serait donc d’entraîner chez le lecteur l’envie de transposer chez soi, mutatis mutandis (quoique), tous ces rites non de passages dans le temps, mais de maintien de ce dernier. Nostalgiques de tous pays, devenez ce vous êtes : des manants étymologiquement. Le deuxième enseignement de ce livre, c’est de, mine de rien, nous donner un des secrets du bonheur comme n’osent plus nous le souffler les points de vue dûment autorisés d’aujourd’hui. « La reine est naturellement bonne, mais elle manque d’imagination », observe avec justesse Meyer-Stabley. Résultat, elle est complètement passée à côté de Diana. Meyer-Stabley n’est pas du tout dupe de son sujet. Il en restitue avec fidélité la teneur, pauvre en sel, mais ô combien stable dans ses humeurs. Le troisième enseignement de ce livre consiste à nous inciter à nous interroger sur les vertus non seulement morales, mais proprement politiques de la monarchie. L’anglaise n’a de constitutionnelle que l’adjectif. La royauté, en Angleterre comme ailleurs, ne s’est jamais voulue que symbolique. Or, elle n’est plus que cela, elle n’est rien que cela. Bientôt ou bien tard, elle ne sera plus rien. Dans une monarchie parlementaire, le Parlement (d’autant plus avec une chambre des Lords en peaux de lapins) ne doit pas faire trop d’ombre au monarque.
On veut bien convenir qu’on ne retournera pas de sitôt (Cîteaux) à la monarchie de droit divin, mais, enfin, il faut en attendant savoir raison garder, ne trouvez-vous pas ?
Hubert de Champris
