Nos coups de coeur
Titre : Pour l’honneur du gaullisme – Contre-enquête sur un héritage (entretiens avec Laurent de Boissieu),
Auteur : Jean Charbonnel,
Editions : Riveneuve éditions,
Nombre de pages : 354
Prix : 20 €
De deux choses l’urne : soit voter ‘‘au plus dru’’, mais qui n’est pas à coup sûr le plus juste, soit voter après avoir soulever quelques arcanes du grand jeu de la petite et de la grande politique. Donc, il s’agit d’éclairer nos votes. Mais, nous avons perdu le sens, pas seulement le ‘‘bon’’, et, bêtement, pour la plupart, sommes comparables à ce quidam qui, la nuit, perd ses clefs dans la rue et les recherche obstinément sous le lampadaire. Le susdit, avouons-le, c’est, pour le grand nombre, le journal de 20 heures sur TF1 ; au mieux, les propos ô combien percutant de Jean d’Ormesson dans Le Figaro. Avec cela, nous voilà bien barrés. Mieux vaut donc nous armer d’une lampe de poche ou de cette lumière très spéciale dont s’arme la police scientifique pour détecter les traces de sang invisibles à l’œil nu.
Ces deux ouvrages font l’affaire, mais nous pourrions en citer bien d’autres. Lisez – car vous ne l’avez pas encore fait – le remarquable article d’Yves Floucat sur Maritain adolescent, l’itinéraire politique d’un philosophe thomiste dans le numéro d’hiver (55) de Liberté politique. Avec un peu de jugeote, vous en déduirez bien des choses, et d’abord pourquoi les idées du Sillon de Marc Sangnier avaient fait faillite. Et un de chute donc… On évincera de ce pas Jean-Luc Mélenchon pour cause de robespierrisme, quoiqu’en bonne psychologie, il est manifeste que cet ancien enfant de cœur, toujours lecteur des encycliques papales, n’a quitté, comme Stendhal, Combes, Renan et les autres, le chœur de son ancienne église que sur un malentendu. (Mais, comme toujours n’est-ce pas, ces malentendants ont eu la malchance et le malheur de tomber sur des locuteurs psychorigides et bien peu pédagogues).
L’Eglise doit donc en prendre sur son grade. Mais, avant cela, c’est toute l’histoire de France depuis Louis-Philippe Ier qui est à revoir. Contentons-nous de voir brossé ce que fut son brillant aboutissement d’après Jean Charbonnel. Il a dépendu de quelques hommes qu’il n’en fut pas différemment. Homme d’authenticité, et d’abord de celle gaullienne, il eut suffi que celui-ci héritasse de fait de l’homme lige de la Vème et ce, au détriment des sincérités successives d’un Chirac (et de son âne damnée Claude) pour que la France et le reste de l’Europe suivent un tout autre cours. Jean Charbonnel, à l’image d’un autre ministre, Joseph Fontanet, est un homme presque trop moralement et intellectuellement scrupuleux, bon et idéaliste comme tous devraient l’être en politique. Sa pureté n’empêche pas qu’il a écrit sans le savoir un ouvrage hautement critique sur notre époque, mais à ce point indirectement constructif qu’il aurait pu prendre en guise de sous-titre celui naguère choisi par Michel Jobert : Mémoires d’espoir. On s’aidera d’Un Chirac l’autre de Bernard Billaud [1] et d’un livre du jeune Raphaël Dargent, préfacé par Pierre-Marie Gallois, paru juste avant les présidentielles de 2007 et intitulé Ils veulent défaire la France [2] pour deviner un peu plus vers qui, n’est-ce pas, se tourne votre regard. Mais, vous ne voteriez qu’insuffisamment en conscience (cela dit, ce serait déjà bien, la plupart votant en toute et bienheureuse inconscience, si ce n’est au petit bonheur la chance [3]), si, bien entendu, vous ne vous placiez, à défaut de sillon, dans la sillage de l’Eglise. Laquelle, pour ce faire, depuis 1965 en gros, ne nous aide pas du tout. On a du filandreux ; sous couvert de laïcité (mal comprise), trop souvent de l’entre-deux. Cette tiédeur, notre Maître à tous, comme nous le savons, la vomit. Thierry Boutet rend donc service en premier lieu à l’Eglise en précisant - en déplorant aussi sans trop l’écrire – ce que sont, ce que devraient en la matière la Doctrine, les enjeux et la stratégie de l’Eglise et des chrétiens,- devra-t-on ajouter : de l’Eglise et des chrétiens confondus, c’est-à-dire alliés et marchant d’un même pas, dans une même direction ? La vérité, c’est que, si confusion il y a, c’est qu’on est parfois confondu, interloqué, étonné si ce scandalisé devant certaine(s) prise(s) de position(s) ou absence de prise de position. Vous répondrez que nous ne sommes plus en 1905 et que, depuis le Ralliement (à la République), l’Eglise a quitté la guerre de position. Mais quelque chose nous dit qu’il y a dans l’esprit de Thierry Boutet un peu de l’idée que, si nous ne voulons pas un jour être contraint de prendre les armes face à un ennemi au reste à ce jour imparfaitement identifié, il faudrait mieux dès à présent nous armer intellectuellement. Tel est le propos, et le défi, en quoi consiste L’engagement – pacifiste, en tous cas pacifique – des chrétiens en politique.
Hubert de Champris
[1] éditions de Fallois
[2] éditions de l’Âge d’Homme
[3] à l’issue du premier tour des présidentielles de 1974, une habitante d’une petite ville de l’Isère, abonnée à L’Homme nouveau, demanda à sa voisine pour qui elle avait voté. «Jean Royer» répondit-elle. Et notre lectrice bien-pensante de la féliciter. « Oh, vous savez, répondit la première, j’ai étalé les bulletins dans l’isoloir et épelé : ma ma-man m’a dit qu’il fal-lait vo-ter pour ce-lui-ci.»