Pour entrer dans la Passion, il convient de méditer sur les différents sens du mot passion. Tous contribuent à la vérité de la liturgie du dimanche des Rameaux qui a ouvert la Semaine sainte.
La passion est en premier lieu l'embrasement des sentiments, le béguin, la flamme, l'adulation. Le propre de cette passion-là est de passer.
Dans notre Évangile, les passions se déchaînent : ferveur pour le Roi, mais cette ferveur s'évanouira demain ; haine aussi, cette passion froide, et cette haine ne fait que commencer. Les passions sont instables, elles s'épuisent ou bien s'inversent. Si les palmes s'agitent, on voit des poings se lever. L'amour va plus loin que la passion : la passion passe, l'amour reste.
En deuxième lieu, la passion désigne la souffrance. Quand on évoque la passion de Jésus, on pense à sa souffrance.
On y pense même un peu trop, comme si la souffrance, à elle toute seule, avait quelque pouvoir. Si Jésus souffre, c'est à notre place. Il ne passe par la passion que pour nous en faire sortir. Le sens de cette passion, soufferte et offerte, c'est l'amour salvateur qu'il lui insuffle, nous rendant capables d'être à nouveau des enfants de Dieu. Sans la divinité du Christ, sa souffrance ne serait rien.
En troisième lieu, la passion de Jésus, quoique passive, est une action.
Il se laisse prendre, insulter, supplicier, crucifier. Pourtant, Jésus est le maître des événements, roi sans autre couronne que d'épines. Dès aujourd'hui, résolument, il prend le chemin de Jérusalem et sa croix. Il semble pâtir et pourtant il en impose.
Pour sa passion, il est venu sur terre, pour sa passion, il remet sa volonté dans la volonté du Père. Il s'abaisse à nous aimer, pour que nous l'aimions à notre tour. Or l'amour est une action. La passion pâtit, l'amour décide. C'est pourquoi, par-dessus tout, cette douloureuse passion est une action victorieuse.
Enfin, en quatrième lieu, la passion est un drame, au sens théâtral du terme. Elle a un récitant, des personnages, une action, un dénouement. Le drame de la passion est un récit et ce récit est proféré par la voix de Dieu. Si Bach l'a mis en musique, c'est qu'il a entendu cette voix.
Ce récit, nous l'écoutons debout, car ce théâtre-là est un théâtre vrai, celui du drame de ce monde, aimé par Dieu. Si Dieu nous a aimés pécheurs, combien ne nous aimera-t-il pas sauvés ? Il est venu le faire et aussi nous le dire. Le drame de la passion est celui d'un Dieu fou d'amour nous expliquant ce qu'il fait quand il nous sauve. Il aime, et il dit comment il aime, jusqu'au sang.
Laissons-le parler. Le récit de la Passion se suffit. Nos mots, comme souvent, ne font qu'encombrer sa Parole.
* Le Fr. Thierry-Dominique Humbrecht o.p., est dominicain de la province de Toulouse, couvent de Bordeaux. Homélie du dimanche des Rameaux, 1er avril 2007.
■ Réagissez ! Envoyez votre avis à Décryptage
■
- L'habit fait-il le moine ?
- Les faux-porteurs d'humanisme, ou de qui se moq...
- Méditation d'été : Bergers trop cuits et mouto...
- Le procès d'un mouton, conte édifiant
- Fête-Dieu : le ciel commencé
- Des yeux et des cœurs de plâtre peint
- Il est ressuscité : moins de mutisme, plus de s...
- Dieu veut-il des sacrifices ?
- "Avec Marie, être là." Nos vœux pour 2006