Au cœur du débat sur les statistiques ethniques, il peut être intéressant de regarder ce qui se fait ailleurs. L’exemple du Danemark nous prouve qu’il est possible de mettre en place des statistiques claires, lisibles et utiles. L’Insee pourrait en prendre de la graine !
Ce court texte, s’il traite d’un sujet bien spécifique, l’évaluation de la population d’origine étrangère au Danemark, est aussi un éloge à Statistic Denmark, tout particulièrement à la qualité de son site et à la grande clarté qui préside à l’accessibilité des données mises en ligne.
Le Danemark est un pays qui a connu une forte émigration, notamment vers les Etats-Unis, au 19ème siècle jusqu’au début du 20ème, mais une faible immigration étrangère jusqu’aux années 1970. Il comptait alors très peu d’immigrés, lesquels ont eux-mêmes eu peu de descendants. Ces immigrés étaient très souvent des voisins proches européens, venus d’Allemagne, de Suède et de Norvège principalement. Cette forte homogénéité du peuplement va être remise en cause par l’immigration étrangère qui s’y développera ensuite, sans toutefois prendre les proportions qu’elle a prises en Suède. Avec les années 2000, les gouvernements danois successifs ont adopté des mesures drastiques pour limiter l’immigration, notamment familiale, et encourager l’intégration. L’actuel ministre de la justice, le social-démocrate Mattias Tesfaye, écrit Douglas Murray, « a, à maintes reprises, tenu des discours difficiles à distinguer de ceux de la patronne du Parti du Peuple danois, Pia Kjærsgaard ». L’hypothèse de Douglas Murray est que la classe politique danoise a fini par comprendre qu’elle devait répondre aux préoccupations des citoyens danois. Le nouveau gouvernement social-démocrate élu en 2019 doit certes composer avec son aile gauche, mais il tient à préserver son modèle social, comme l’indiquent les propos de Rasmus Stoklund, député social-démocrate, tenus le 21 octobre 2019 à lecho.be :
« Allez-y! Les partis de gauche nous reprochent d’être trop durs envers les réfugiés, mais nous ne raisonnons pas en ces termes. Nous pensons à l’avenir de notre modèle. Si trop de personnes ont le sentiment que l’argent public n’est pas utilisé de manière équitable, la classe moyenne ne comprendra plus la signification de l’État Providence et le rejettera. »
Si les Danois sont fiers de leur modèle social, ils peuvent aussi l’être de leur institut de statistique qui a développé une politique de mise à disposition de données exceptionnelle. Statistic Denmark propose en ligne des données par thème et arborescence, présentation qui permet de sélectionner les variables et modalités que l’on souhaite retenir et croiser. Une fois l’utilisateur enregistré sur le site, Statistic Denmark lui propose d’enregistrer ses tableaux aux fins d’une prochaine mise à jour, pour laquelle il peut recevoir une notification et le tableau actualisé s’il s’est inscrit pour le recevoir ! Il propose aussi différents calculs, avant de télécharger un tableau, avec des possibilités de mise en graphique ou en carte. En bas de chaque tableau, l’utilisateur dispose du nom, de l’adresse mail et du numéro de téléphone de la personne à contacter. Il présente aussi une documentation fournie. Visiblement, Statistic Denmark a songé au public, aux utilisateurs potentiels de ses données. L’Insee pourrait en prendre de la graine !
Définition de la population d’origine étrangère dans la statistique danoise
Le Danemark a une définition bien à lui de sa population d’origine étrangère qui ne ressemble à aucune autre, comme indiqué dans la documentation en ligne datant de 2017 : « La définition des immigrés et des descendants est une définition danoise. Il n’y a pas d’autre pays ayant la même définition ». Elle combine nationalité et lieu de naissance des individus et des parents.
Sont d’origine danoise les personnes nées au Danemark ou à l’étranger d’au moins un parent danois né au Danemark. Il suffit donc qu’un parent soit un natif danois pour qu’un individu soit considéré comme d’origine danoise, contrairement à la France où sont généralement considérés d’origine française, les personnes nées en France de deux parents nés en France.
Les immigrés sont nés à l’étranger de deux parents nés à l’étranger ou de deux parents de nationalité étrangère nés au Danemark (cas qui doivent être peu nombreux).
Les descendants sont nés au Danemark de deux parents qui sont soit immigrés soit descendants de nationalité étrangère (un parent quand il n’y en a qu’un seul). Sans information sur les parents, c’est la nationalité qui permet de trancher : s’il est de nationalité étrangère, il est classé comme un descendant. Des petits-enfants d’immigrés nés de deux parents étrangers nés au Danemark sont donc comptés parmi ces descendants, catégorie qui ne cerne pas strictement la 1ère génération née au Danemark. Par ailleurs, comme en Suède, la définition de l’origine étrangère des nés au Danemark est étroite, exigeant que chacun des parents soit immigré ou né au Danemark mais de nationalité étrangère. Contrairement à la Suède, le Danemark n’offre pas, à ma connaissance, de possibilité d’élargir la définition à un seul parent immigré. On verra plus loin l’inconvénient de cette définition étroite de l’origine étrangère.
Le code de la nationalité danoise décide de la nationalité à la naissance des enfants au Danemark en fonction de la nationalité de la mère et de celle du père. Si la mère est danoise, ses enfants nés au Danemark seront danois, quelle que soit la nationalité du père. Mais, si c’est le père qui est danois seulement, il faudra qu’il soit marié à la mère étrangère pour que l’enfant ait aussi la nationalité danoise à la naissance. Sinon, l’enfant peut devenir automatiquement danois si ses parents se marient pourvu qu’il ait moins de 18 ans au moment du mariage et qu’il ne soit pas lui-même marié (tableau ci-dessous). Bien évidemment, ceux qui restent étrangers bien qu’étant nés au Danemark peuvent demander la nationalité danoise et l’acquérir plus facilement que ne le prévoit le régime standard.
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