À la suite de l'article de Jean Marensin "François Bayrou ou la fin de la démocratie chrétienne" (Décryptage, 15 avril 2005), s'interrogeant sur les motivations du président de l'UDF critiquant la mise en berne des drapeaux français après la mort de Jean Paul II, François Bayrou nous a adressé la lettre suivante, que nous publions bien volontiers.
Comme c'est l'usage et pour clore la discussion, J. Marensin lui répond.
"Messieurs,
vous maniez l'anathème à la tronçonneuse. Mais puisque vous appelez à la contribution de ceux qui vous lisent, je me risque à vous répondre. Je n'ai jamais cru et aucun de mes prédécesseurs n'a jamais cru à un parti chrétien. Robert Schuman a toujours rejeté cette idée, Maurice Schumann aussi, Francisque Gay lui-même, et Marc Sangnier le premier, sans parler, plus près de nous d'André Diligent ou Jean Lecanuet.
"Nous sommes des chrétiens (ce n'est pas un titre de gloire, mais une information), des catholiques pour la plupart d'entre nous, croyants et pratiquants, démocrates et républicains. C'est même pour cela que ce mouvement politique s'est construit.
"Pour ma part, je crois que la séparation de l'Église et de l'État est non seulement une règle pour la République, que nous imposons avec force aux autres religions - on empêche une femme voilée d'entrer dans l'enceinte de l'Assemblée nationale -, mais une chance pour l'Église.
"Je pense que l'Église catholique a constamment souffert d'être religion d'État. Elle est une organisation de croyants, une architecture spirituelle et non pas temporelle. Elle n'est pas une autorité politique. Si elle l'était, alors elle deviendrait l'objet de jugements et d'attaques que légitimerait son statut. Je suis donc partisan d'une distinction nette entre l'ordre spirituel et l'ordre politique.
"Puis-je vous transmettre un texte publié la semaine dernière et qui dira mieux qu'un court message Internet ma conviction sur ce sujet. Je ne doute pas que vous aurez l'honnêteté de le transmettre, en même temps que ma réponse, à la même liste qui a reçu le texte de votre anathème.
"Cordialement (quand même)."
François Bayrou, 17 avril 2005
> Le texte de Fr. Bayrou sur Jean Paul II : L'arbre et le fruit"
> Notre article "François Bayrou ou la fin de la démocratie chrétienne" (Décryptage, 15 avril 2005).
> La réponse de Jean Marensin à François Bayrou :
Nous prenons acte de la réponse de M. François Bayrou accompagnée d'un très beau texte sur Jean Paul II. Il est vrai qu'il n'y a pas de parti officiellement chrétien en France depuis la guerre, et c'est sans doute mieux ainsi. Il reste que le MRP (et ses avatars successifs) a, plus que d'autres, bénéficié des voix catholiques et parfois même des faveurs de l'épiscopat.
La séparation de l'Église et de l'État pose nombre de problèmes pratiques résolus au coup par coup (entretien des Églises, aumôneries, relations diplomatiques avec le Vatican, etc.) qui font que la séparation est nécessairement imparfaite. Si le royaume des Cieux n'est pas de ce monde, les hommes d'Église et les croyants sont des êtres en chair et en os vivant dans des sociétés concrètes. On peut dans cette perspective interpréter de manière plus ou moins stricte le principe de séparation.
Est-ce aux représentants d'un parti historiquement proche des milieux catholiques de se faire les gardiens sourcilleux de l'interprétation la plus restrictive ? On peut en discuter. D'autant que l'hommage des autorités françaises à Jean Paul II, plus maladroit qu'outré, allait autant à la figure historique qu'au chef d'une Église particulière. J.M.
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