[Abidjan] - Les heures dramatiques que vit la Côte-d'Ivoire, marquent l'accélération d'une crise qui a commencé au mois de septembre 2002 quand, suite à l'échec d'un coup d'Etat, les régions du nord-ouest du pays sont tombées sous le contrôle de trois mouvements différents de guérilla, qui se sont réunis ensuite sous le nom de "Forces Nouvelles".
Mais la crise ivoirienne a des racines plus anciennes. Pays relativement prospère et "phare économique" de l'Afrique occidentale, grâce surtout à la culture du cacao dont elle est le principal producteur mondial, la Côte-d'Ivoire paie encore l'héritage difficile laissé par Houphouët-Boigny, président qui a dirigé le pays depuis l'indépendance jusqu'à sa mort en 1993. Tout en ayant utilisé la richesse du pays pour construire des infrastructures et créer un État social, Houphouët-Boigny a gouverné la Côte-d'Ivoire en excluant pendant des décennies de la vie politique toute forme d'opposition. Houphouët-Boigny n'a pas hésité à recourir à la force contre ceux qui osaient mettre son pouvoir en discussion, en introduisant dans la société ivoirienne le virus de la violence politique qui, quelques décennies plus tard, a explosé de manière dramatique.
En 1969, les forces ivoiriennes de sécurité, appuyées par l'armée française, ont réprimé dans le sang une rébellion des Bétés, une ethnie de l'Ouest exclue du pouvoir et à laquelle appartient l'actuel Président Laurent Gbagbo. Opposant historique du régime, contraint à l'exil en France dans les années 1980, il est le seul candidat à s'opposer à Houphouët-Boigny aux élections présidentielles de 1990, avec l'instauration du multipartisme. M. Gbagbo est habile pour exploiter un des principaux problèmes du pays : la forte minorité des citoyens immigrés ou d'origine étrangère, qui réclament depuis des années la pleine citoyenneté. M. Gbagbo parvient à faire abolir leur droit de vote, d'où la montée d'un sentiment xénophobe qui commence à faire son chemin dans la société ivoirienne, en raison aussi de la détérioration progressive des conditions de vie, due au poids croissant de la dette extérieure qui a atteint en 2002 plus de 16 milliards de dollars.
Cela n'empêche toutefois pas l'actuel Président d'appuyer cinq ans plus tard M. Alassane Ouattara, le candidat aux élections présidentielles qui avait été exclu du scrutin à cause de ses origines burkinabées. Le successeur de Houphouët-Boigny, Henry Konan Bédié emporte les élections de 1995, mais il est renversé par un coup d'État militaire le 25 décembre 1999 par le chef d'état major Robert Gueï. En 2000, les élections présidentielles organisées par le général Gueï sont boycottées par la plupart des partis politiques.
M. Gueï est élu Président, mais M. Gbagbo parvient à faire descendre dans les rues d'Abidjan des centaines de milliers de manifestants. Le général est contraint de s'enfuir, et, lors de nouvelles élections, M. Gbagbo devient Président. Alassane Ouattara est de nouveau exclu de l'élection à cause des lois sur "l'ivoirité", que Gbagbo utilise après les avoir condamnées quelques années auparavant.
La tension latente éclate au mois de septembre 2002, quand un groupe de militaires se mutine et conquiert le nord-ouest du pays. Depuis lors, la Côte-d'Ivoire est divisée en deux. Les accords de Marcoussis signés en France au mois de janvier 2003, donnent naissance à un gouvernement d'unité nationale, mais n'ont jamais été pleinement appliqués. Après deux ans d'impasse, la crise explose dans toute sa virulence, y impliquant 4.000 soldats et de 10.000 à 15.000 civils français présents dans le pays.
Le 9 novembre, les évêques de Côte-d'Ivoire publient un communiqué dans lequel ils expriment leurs condoléances pour les victimes de ces derniers jours, et adressent un appel aux hommes politiques ivoiriens en les invitant à faire un effort afin de parvenir à la paix à laquelle tous aspirent. "Au nom de Jésus-Christ,/i>, les évêques font appel aussi aux Français pour qu'"ils demandent à leurs gouvernants d'aider la Côte-d'Ivoire à rester un pays libre et souverain".
Une grande partie du pays reste isolée et privée de communications. "Dans cette situation, il faut remercier les missionnaires qui sont tous restés sur place aux côtés de leurs frères en difficulté" déclare une source de l'Église locale.
© Agence Fides, 10 novembre 2004.
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