Crise politique : prendre garde au feu qui couve

Des manœuvres sur un éventuel report aux régionales aux décisions de politiques sanitaires, les décisions publiques semblent principalement être indexées sur le maintien d’Emmanuel Macron au pouvoir. Et les oppositions se montrent incapables de canaliser l’exaspération d’une part grandissante de l’opinion française, largement orpheline de représentation.

Atlantico : De nombreuses enquêtes d'opinions semblent placer le duel Macron/Le Pen comme étant inéluctable pour 2022, mais il ne semble pas satisfaire les Français toujours selon ces sondages. Le contraste entre ces intentions de votes stables et un désir de changement et une colère rampante d’une grande partie de la population mène-t-il à une explosion politique elle aussi inéluctable ?

Emmanuel Rivière : Ce phénomène n’est pas particulièrement nouveau. Par le passé des enquêtes ont montré que les électeurs ne voulaient pas d’un duel au second tour qui semblait pourtant se profiler. Le contraste actuel montre que ce second tour n’est pas aussi inéluctable que ce que suggèrent les enquêtes d’opinion. Lorsque l’on interroge les Français aujourd’hui, ils ont tendance à favoriser les plus en vue : Emmanuel Macron  a réussi à élargir son socle électoral durant sa présidence et Marine Le Pen a conservé une capacité à reproduire son électorat d’une élection à l’autre. Dire toutefois que ce second tour est inéluctable, c’est ne pas entendre notre histoire électorale depuis plusieurs décennies La dernière fois que l’on a reproduit le duel de l’échéance précédente, était en 1981. 

Le paysage politique est éclaté en quatre blocs qui ne peuvent plus, comme avant 2012, se réduire à deux. Cet éclatement en quatre crée la fragilité à laquelle on a pu assister en 2017. Au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, il y a eu un procès absurde en illégitimité de son élection.

Christophe Boutin : Il semble bien qu'il y ait ici une sorte de contradiction, puisqu'effectivement les Français donnent systématiquement dans les sondages portant sur le premier tour des élections présidentielles de 2022 dix points d'avance à Emmanuel Macron et Marine Le Pen par rapport à leurs challengers éventuels, ce qui les qualifie ainsi pour le second tour. Or, parallèlement, et vous avez raison de le noter, le retour de l'affiche de 2017 ne semble pas les satisfaire.

Encore faudrait-il aller plus loin et se poser ici la question de savoir pourquoi les Français ne sont pas satisfaits du retour du duel de 2017. Est-ce parce qu'ils trouvent que le renouvellement de la vie politique française n'est pas suffisant, et que d'autres figures auraient dû émerger, qu'il s'agisse d'opposants à Emmanuel Macron de droite ou de gauche, mais aussi, pourquoi pas, de figures nouvelles venant du camp présidentiel ? Est-ce parce qu'ils sont lassés de voir Marine Le Pen, dont certains craignent, et d’autres espèrent, qu'elle ne puisse pas franchir le fameux « plafond de verre » qui l'empêcherait d'accéder à la magistrature suprême, servir une nouvelle fois de marchepied à Emmanuel Macron, comme avant elle son père à Jacques Chirac ? Est-ce parce qu’ils sont déçus de voir que, presque quatre ans après son élection, et malgré une politique qu’ils critiquent, Emmanuel Macron conserve autant de fidèles ? Vous le voyez, l'analyse des motivations de la réponse que l’on peut faire à une telle question montre le caractère nécessairement simplificateur de tout sondage.

L'autre point important signalé, c'est effectivement cette tension, ce désir de changement qui existe en France. On rappellera que c'est ce même désir qui a permis à Emmanuel Macron d'arriver au pouvoir, les Français étant las de l'alternance entre une droite et une gauche dont ils estimaient, à la fois, qu'elles faisaient sensiblement la même politique dans le domaine économico-social, ne se différenciant guère que sur le « sociétal », et, en même temps, qu'elles se refusaient l'une comme l'autre à traiter les questions qui les inquiétaient plus particulièrement, celles de l'identité, de l’insécurité et de l'immigration. Or les choses n'ont guère changé sous Emmanuel Macron, qui a simplement accéléré la fuite en avant européo-mondialiste et accompagné les lubies sociétales.

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