Tout bon Français, râleur et léger par la naissance, « mutin de panurge » par l'exemple, se doit de pester contre la croissance : déposoir abstrait de toutes nos douleurs, refouloir monstrueux de toutes nos insuffisances, justification nébuleuse de toutes nos paresses. Certains écologistes voudraient même l'éradiquer, au mépris du développement, en particulier celui des pays pauvres ; moults fonctionnaires croient qu'il suffit de la récriminer dans la rue pour qu'elle daigne avancer  ; enfin, quelques patrons l'exportent et la délocalisent afin qu'elle pose moins de problèmes.

Si la croissance fait si peur, c'est qu'elle ressemble à ces médicaments amers et amèrement nécessaires que nous renâclons à avaler. Dans un pays usé comme le nôtre, sans marge de progression, la croissance passe inexorablement par une « destruction créatrice », décrite par Schumpeter : il fallut bien, jadis, arrêter la production de tourbe même si elle sustentait nos aïeux. Serions-nous prêts à renoncer à nos antiques installations et à nos institutions pléthoriques ? Et surtout, trouverons-nous le médecin-président qui osera nous le prescrire ?

Organiser plus

De l'avis de tous, Nicolas Sarkozy fut, sur ce point, beaucoup plus courageux et volontaire que ses prédécesseurs. Mais, le paquet fiscal (loi TEPA, en 2007) qu'une crise, voire trois, et une réputation finissèrent d'achever ou la respectable réforme des retraites ne suffiront pas. Rajouter des heures (même défiscalisées) par_ci et des années par_là ne simplifie pas tellement la tâche de ceux qui se lèvent le matin pour produire de nouvelles richesses. Le président-candidat n'a pas eu le courage de réformer en profondeur le code du travail, de le simplifier. La France a besoin de travailler plus, certes, mais aussi de mieux organiser son travail.

Toutefois, la loi de modernisation de l'économie (pour simplifier la vie des entrepreneurs) en avril 2008, la création du statut d'autoentrepreneur, en août 2008, et la mise en place de la TVA sociale (qui vient faire peser sur les consommateurs des charges qui pesaient autrefois sur les entrepreneurs et travailleurs) sont appréciables, notamment parce qu'elles sont favorables aux petites et moyennes entreprises et parce qu'elles les protègent indirectement des vandales sans foi ni loi qui n'ont pas à payer de protection sociale à leurs salariés. Ces mesures n'effacent pas l'effet de seuil qui nous handicape sur le marché international face aux entreprises chinoises mais elles nous offrent la possibilité de nous calquer sur le modèle allemand, c'est-à-dire de nombreuses entreprises moyennes qui travaillent à l'international. L'effort de la France doit se poursuivre dans ce sens : la souplesse et le dynamisme des petites structures pourront[1] alors devenir des avantages pour l'exportation.

Bilan pas si mauvais

En fin de compte, les chiffres de l'entreprise et de la croissance, sans être  exceptionnels[2], ne sont pas pitoyables. Ainsi, jamais autant d’entreprises n’ont été créées dans notre pays : 550 000 en 2011, après 620 000 en 2010, contre environ 200 000 par an entre 1997 et 2002. Sur la durée du quinquennat, 2,5 millions d’entreprises ont été créées. Quant à la croissance du quinquennat, bien qu'inférieure aux prévisions et promesses de Nicolas Sarkozy[3], elle n’a pas été nulle, le taux de croissance cumulé est même de 2,6%. En 2009, au plus fort de la crise, l’OCDE connaissait une récession de -3,3%, l’Union européenne de -4,2%, la zone euro de -4,5%, l’Espagne de -3,6%, le Royaume-Uni et l’Allemagne de -4,9%, l’Italie de -5,1%, nous sommes le seul pays au monde avec les USA à avoir limité à -2,5% la contraction de notre économie[4].

 

Retrouvez tous les articles sur la croissance dans notre dossier :

 

[1] Il reste du travail : http://www.medef.com/nc/medef-tv/actualites/detail/article/8-propositions-pour-soutenir-et-accompagner-les-tpe-pme-eti-dans-leur-croissance.html ou encore http://www.ethic.fr/content/et-le-quinquennat-du-medef

[2] D'ailleurs, même Terra Nova, laboratoire d'idées de gauche, prolifique quand il s'agit d'attaquer Nicolas Sarkozy, ne trouve rien à dire : http://www.debats2012.fr/presidentielles/nicolas-sarkozy-les-30-chiffres-du-depot-de-bilan/

[3] http://www.senat.fr/rap/l11-107-1/l11-107-127.html

[4] http://plus.lefigaro.fr/note/mensonge-du-ps-ndeg2-selon-francois-hollande-lensemble-du-quinquennat-cest-0-de-croissance-20120111-657738 consulté le 27 mars 2012